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          Au rédacteur du Journal des Débats

          Monsieur!

     Nous avons vu avec peine des journaux français
accueillir une fable dénuée de tout fondement: le
prétendu empoisonnement de Mozart par Salieri!
par Salieri, le plus doux des hommes, et pouquoi?
par jalousie. Il est vrai que Salieri a dit souvent,
que l’air de Figaro: „non più andrai” valait à
lui seul un bon opéra. Mais l’auteur de Tarare,
de la Grotta di Trofonio, des Danaydes, de Fallstaff,
devait-il donc être si violemment jaloux de
l’auteur de la Flute enchantée, de Don Juan,
des nozze di Figaro? il est permis d’en douter.
     Comme que ce soit, tout le monde sait ici,
que Mozart est mort comme Raphaèl, pour avoir
été aussi pressé de vivre, que de composer, et que,
regretté généralement, il ne l’a été par personne
plus que par Salieri.
     Au surplus, Salieri, accablé par l’âge et par les
infirmités, n’a jamais, ni dans son bon sens, ni dans
le déliré – et son médecin l’atteste – rien proféré qui

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ait pu le moins du monde fournir matière à ce
conte. Il ne faut donc pas, comme un de ses
amis l’a fait, chercher à réfuter cette calomnie
par le caractère connu de Salieri, par soixante
et quinze ans de vertus; il faut encore moins,
comme dans un autre journal, chercher une
preuve de son repentir dans ses bontés pour
le jeune Liszt. Il faut tout simplement
dire que cela est faux, de toute fausseté.
     Recevez, Monsieur, l’aussurance de ma
considération distinguée.
                                     un de vos abonnés
Vienne en Autriche le 26 Mai 1824.