Kritische Edition des Libretto-Erstdrucks Wien 1786 (Libretto)   Kritische Edition der Vorlage von Beaumarchais, Kehl 1785 (Vorlage)  
SCENA VII
SCÈNE III
Figaro solo.
Figaro seul, se promenant dans l'obscurité, dit du ton le plus sombre.
Figaro
1580
Tutto è disposto: l'ora
dovrebbe esser vicina, io sento gente…
È dessa… Non è alcun… Buia è la notte…
Ed io comincio omai
Ô femme ! femme ! femme ! créature faible et décevante !… nul animal créé ne peut manquer à son instinct ; le tien est-il donc de tromper ?… Après m'avoir obstinément refusé quand je l'en pressais devant sa maîtresse ; à l'instant qu'elle me donne sa parole ; au milieu de la même cérémonie… Il riait en lisant, le perfide ! et moi comme un benêt !… Non, Monsieur le Comte, vous ne l'aurez pas… vous ne l'aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie !… noblesse, fortune, un rang, des places ; tout cela rend si fier ! Qu'avez-vous fait pour tant de biens ? vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. Du reste, homme assez ordinaire ! tandis que moi, morbleu ! perdu dans la foule obscure, il m'a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu'on n'en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes ; et vous voulez jouter… On vient… c'est elle… ce n'est personne. – La nuit est noire en diable, et me voilà faisant le sot métier de mari, quoique je ne le sois qu'à moitié ! (Il s'assied sur un banc.) Est-il rien de plus bizarre que ma destinée ! fils de je ne sais pas qui ; volé par des bandits, élevé dans leurs mœurs, je m'en dégoûte et veux courir une carrière honnête ; et partout je suis repoussé ! J'apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie, et tout le crédit d'un grand seigneur peut à peine me mettre à la main une lancette vétérinaire ! – Las d'attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre ; me fussé-je mis une pierre au cou ! Je broche une comédie dans les mœurs du sérail ; auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule : à l'instant un envoyé… de je ne sais où se plaint que j'offense dans mes vers la Sublime Porte, la Perse, une partie de la presqu'île de l'Inde, toute l'Égypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d'Alger et de Maroc : et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l'omoplate en nous disant : [Anführungszeichen] chiens de chrétiens [Ausführungszeichen] ! – Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en le maltraitant. – Mes joues creusaient ; mon terme était échu ; je voyais de loin arriver l'affreux recors, la plume fichée dans sa perruque ; en frémissant je m'évertue. Il s'élève une question sur la nature des richesses ; et comme il n'est pas nécessaire de tenir les choses pour en raisonner, n'ayant pas un sou, j'écris sur la valeur de l'argent et sur son produit net ; sitôt je vois, du fond d'un fiacre, baisser pour moi le pont d'un château fort, à l'entrée duquel je laissai l'espérance et la liberté. (Il se lève.) Que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu'ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil ! je lui dirais… que les sottises imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux où l'on en gêne le cours ; que sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ; et qu'il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. – (Il se rassied.) Las de nourrir un obscur pensionnaire, on me met un jour dans la rue ; et comme il faut dîner, quoiqu'on ne soit plus en prison, je taille encore ma plume et demande à chacun de quoi il est question : on me dit que pendant ma retraite économique, il s'est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions, qui s'étend même à celles de la presse ; et que, pourvu que je ne parle en mes écrits, ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs. Pour profiter de cette douce liberté, j'annonce un écrit périodique, et croyant n'aller sur les brisées d'aucun autre, je le nomme Journal inutile. Pou-ou ! je vois s'élever contre moi mille pauvres diables à la feuille ; on me supprime ; et me voilà derechef sans emploi ! – Le désespoir m'allait saisir ; on pense à moi pour une place, mais par malheur j'y étais propre : il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint. Il ne me restait plus qu'à voler ; je me fais banquier de pharaon : alors, bonne gens ! je soupe en ville, et les personnes dites [Anführungszeichen] comme il faut [Ausführungszeichen] m'ouvrent poliment leur maison, en retenant pour elles les trois quarts du profit. J'aurais bien pu me remonter ; je commençais même à comprendre que pour gagner du bien, le savoir-faire vaut mieux que le savoir. Mais comme chacun pillait autour de moi, en exigeant que je fusse honnête, il fallut bien périr encore. Pour le coup je quittais le monde, et vingt brasses d'eau m'en allaient séparer, lorsqu'un dieu bienfaisant m'appelle à mon premier état. Je reprends ma trousse et mon cuir anglais ; puis, laissant la fumée aux sots qui s'en nourrissent, et la honte au milieu du chemin comme trop lourde à un piéton, je vais rasant de ville en ville, et je vis enfin sans souci. Un grand seigneur passe à Séville ; il me reconnaît, je le marie ; et pour prix d'avoir eu par mes soins son épouse, il veut intercepter la mienne ! intrigue, orage à ce sujet. Prêt à tomber dans un abîme, au moment d'épouser ma mère, mes parents m'arrivent à la file. (Il se lève en s'échauffant.) On se débat ; c'est vous, c'est lui, c'est moi, c'est toi ; non, ce n'est pas nous ; eh ! mais qui donc ? (Il retombe assis.) Ô bizarre suite d'événements ! Comment cela m'est-il arrivé ? Pourquoi ces choses et non pas d'autres ? Qui les a fixées sur ma tête ? Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir, comme j'en sortirai sans le vouloir, je l'ai jonchée d'autant de fleurs que ma gaieté me l'a permis ; encore je dis ma gaieté, sans savoir si elle est à moi plus que le reste, ni même quel est ce Moi dont je m'occupe : un assemblage informe de parties inconnues ; puis un chétif être imbécile ; un petit animal folâtre ; un jeune homme ardent au plaisir, ayant tous les goûts pour jouir, faisant tous les métiers pour vivre ; maître ici, valet là, selon qu'il plaît à la fortune ! ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux… avec délices ! orateur selon le danger, poète par délassement ; musicien par occasion ; amoureux par folles bouffées ; j'ai tout vu, tout fait, tout usé. Puis l'illusion s'est détruite, et, trop désabusé… Désabusé !… Suzon, Suzon, Suzon, que tu me donnes de tourments ! – J'entends marcher… on vient. Voici l'instant de la crise.
a fare il scimunito
1585
mestiero di marito…
Ingrata! Nel momento
de la mia cerimonia…
Ei godeva leggendo, e nel vederlo
io rideva di me senza saperlo.
1590
O Susanna, Susanna,
quanta pena mi costi!
Con quell'ingenua faccia…
con quegli occhi innocenti…
chi creduto l'avria!
1595
Ah che il fidarsi a donna è ognor follia!
    Aprite un po' quegli occhi,
uomini incauti e sciocchi,
guardate queste femmine,
guardate cosa son.
1600
    Queste chiamate dèe
dagli ingannati sensi,
a cui tributa incensi
la debole ragion.
    Son streghe che incantano
1605
per farci penar,
sirene che cantano
per farci affogar,
civette che allettano
per trarci le piume,
1610
comete che brillano
per toglierci il lume;
son rose spinose,
son volpi vezzose,
son orse benigne,
1615
colombe maligne,
maestre d'inganni,
amiche d'affanni,
che fingono, mentono,
che amore non sentono,
1620
non senton pietà.
    Il resto nol dico,
già ognuno lo sa.
(Parte.)
(Il se retire près de la première coulisse à sa droite.)
SCENA VIII
SCÈNE IV
Susanna, la Contessa travestite; Marcellina.
Figaro, la Comtesse avec les habits de Suzon, Suzanne avec ceux de la Comtesse, Marceline.
Susanna
Suzanne, bas, à la Comtesse.
Signora, ella mi disse
Oui, Marceline m'a dit que Figaro y serait.
che Figaro verravvi.
Marcellina
Marceline
Anzi è venuto:
Il y est aussi ; baisse la voix.
1625
abbassa un po' la voce.
Susanna
Suzanne
Dunque un ci ascolta e l'altro
Ainsi l'un nous écoute, et l'autre va venir me chercher ; commençons.
dée venir a cercarmi,
incominciam.
Marcellina
Marceline
Io voglio qui celarmi.
Pour n'en pas perdre un mot, je vais me cacher dans le pavillon.
(Entra dove entrò Barbarina.)
(Elle entre dans le pavillon où est entrée Fanchette.)
SCENA IX
SCÈNE V
I sudetti, Figaro in disparte.
Figaro, la Comtesse, Suzanne.
Susanna
Suzanne, haut.
Madama, voi tremate: avreste freddo?
Madame tremble ! est-ce qu'elle aurait froid ?
La Contessa
La Comtesse, haut.
1630
Parmi umida la notte… Io mi ritiro.
La soirée est humide, je vais me retirer.
Figaro
(A parte.)
Eccoci de la crisi al grande istante.
Susanna
Suzanne, haut.
Io sotto queste piante,
Si Madame n'avait pas besoin de moi, je prendrais l'air un moment, sous ces arbres.
se madama il permette,
resto a prendere il fresco una mezz'ora.
La Comtesse, haut.
C'est le serein que tu prendras.
Suzanne, haut.
J'y suis toute faite.
Figaro
Figaro, à part.
(A parte.)
1635
Il fresco, il fresco!
Ah oui, le serein !
La Contessa
Restaci in buon'ora.
(Si nasconde.)
Susanna
(Sottovoce.)
Il birbo è in sentinella.
Divertiamci anche noi:
diamogli la mercé de' dubbi suoi.
Giunse alfin il momento
1640
che godrò senza affanno
in braccio a l'idol mio. Timide cure,
partite dal mio petto,
a turbar non venite il mio diletto.
Oh come par che a l'amoroso foco
1645
l'amenità del loco,
la terra e il ciel risponda!
Come la notte i furti miei seconda!
    Deh vieni, non tardar, o gioia bella,
vieni ove amore per goder t'appella,
1650
finché non splende in ciel notturna face,
finché l'aria è ancor bruna e il mondo tace.
    Qui mormora il ruscel, qui scherza l'aura
che col dolce susurro il cor ristaura;
qui ridono i fioretti e l'erba è fresca,
1655
ai piaceri d'amor qui tutto adesca.
    Vieni, ben mio, tra queste piante ascose:
ti vo' la fronte incoronar di rose.
(Suzanne se retire près de la coulisse, du côté opposé à Figaro.)
SCENA X
SCÈNE VI
I sudetti e poi Cherubino.
Figaro, Chérubin, le Comte, la Comtesse, Suzanne.
(Figaro et Suzanne retirés de chaque côté sur le devant.)
Figaro
Perfida! E in quella forma
meco mentia? Non so s'io vegli o dorma.
Cherubino
Chérubin, en habit d'officier, arrive en chantant gaiement la reprise de l'air de la romance:
(Cantando.)
1660
La la la la la la la la lera.
La, la, la, etc.
    Voi che intendete
    J'avais une marraine,
che cosa è amor,
Que toujours adorai.
donne, vedete
s'io l'ho nel cor.
La Contessa
La Comtesse, à part.
1665
Il picciol paggio!
Le petit page !
Cherubino
Chérubins'arrête.
Io sento gente: entriamo
On se promène ici ; gagnons vite mon asile, où la petite Fanchette… C'est une femme !
ove entrò Barbarina.
Oh vedo qui una donna!
La Contessa
La Comtesseécoute.
Ahi, me meschina!
Ah grands dieux !
Cherubino
Chérubinse baisse en regardant de loin.
M'inganno? A quel cappello
Me trompé-je ? à cette coiffure en plumes qui se dessine au loin dans le crépuscule, il me semble que c'est Suzon.
che ne l'ombra vegg'io parmi Susanna!
La Contessa
La Comtesse, à part.
1670
E se il Conte ora vien? Sorte tiranna!
Si le Comte arrivait !…
SCENA XI
La Contessa, Susanna, il Conte, Cherubino, Figaro.
(Le Comte paraît dans le fond.)
Cherubino
Chérubins'approche et prend la main de la Comtesse, qui se défend.
    Pian pianin le andrò più presso,
tempo perso non sarà.
La Contessa
(Ah se il Conte arriva adesso
qualche imbroglio accaderà!)
Cherubino
(Alla Contessa.)
1675
    Susannetta… Non risponde…
Oui, c'est la charmante fille qu'on nomme Suzanne : eh, pourrais-je m'y m'éprendre à la douceur de cette main, à ce petit tremblement qui l'a saisie, surtout au battement de mon cœur ! (Il veut y appuyer le dos de la main de la Comtesse ; elle la retire.)
Colla mano il volto asconde…
Or la burlo, in verità.
(La prende per la mano, l'accarezza; la Contessa cerca liberarsi.)
La Contessa
La Comtesse, bas.
(Alterando la voce a tempo.)
    Arditello, sfacciatello,
ite presto via di qua.
Allez-vous-en.
Cherubino
Chérubin
1680
Smorfiosa, maliziosa,
Si la compassion t'avait conduite exprès dans cet endroit du parc où je suis caché depuis tantôt ?…
io già so perché sei qua.
La Comtesse
Figaro va venir.
Il Conte
Le Comte, s'avançant, dit à part.
(Da lontano, in atteggiamento d'uno che guarda.)
    Ecco qui la mia Susanna.
N'est-ce pas Suzanne que j'aperçois ?
Figaro, Susanna
(Lontani uno da l'altro.)
Ecco lì l'uccellatore.
Cherubino
Chérubin, à la Comtesse.
Non far meco la tiranna.
Je ne crains point du tout Figaro, car ce n'est pas lui que tu attends.
La Comtesse
Qui donc ?
Susanna, Figaro, il Conte
Le Comte, à part.
1685
Ah nel sen mi batte il core!
Un altr'uom con lei si sta.
Elle est avec quelqu'un.
Chérubin
C'est Monseigneur, friponne, qui t'a demandé ce rendez-vous ce matin, quand j'étais derrière le fauteuil.
Le Comte, à part, avec fureur.
C'est encore le page infernal !
Figaro, à part.
On dit qu'il ne faut pas écouter !
Suzanne, à part.
Petit bavard !
La Contessa
La Comtesse, au page.
    Via, partite, o chiamo gente.
Obligez-moi de vous retirer.
Chérubin
Ce ne sera pas au moins sans avoir reçu le prix de mon obéissance.
La Comtesse, effrayée.
Vous prétendez ?…
Cherubino
Chérubin, avec feu.
(Sempre tenendola per la mano.)
Dammi un bacio, o non fai niente.
D'abord vingt baisers, pour ton compte, et puis cent pour ta belle maîtresse.
Figaro, Susanna, il Conte
A la voce è quegli il paggio.
La Contessa
La Comtesse
1690
Anche un bacio! Che coraggio!
Vous oseriez ?
Cherubino
Chérubin
    E perché far io non posso
Oh ! que oui, j'oserai ; tu prends sa place auprès de Monseigneur ; moi celle du Comte auprès de toi : le plus attrapé, c'est Figaro.
quel che il Conte or or farà?
Figaro, Susanna, il Conte, la Contessa
Figaro, à part.
(Tutti da sé.)
Temerario!
Ce brigandeau !
Suzanne, à part.
Hardi comme un page.
Cherubino
Oh ve' che smorfie!
Sai ch'io fui dietro il sofà.
Figaro, Susanna, la Contessa, il Conte
(Come sopra.)
1695
    Se il ribaldo ancor sta saldo
la faccenda guasterà.
Cherubino
(Chérubin veut embrasser la Comtesse. Le Comte se met entre deux et reçoit le baiser.)
Prendi intanto…
(Il paggio vuol dare un bacio alla Contessa, il Conte si mette in mezzo e riceve il bacio egli stesso.)
La Contessa, Cherubino
La Comtesse, se retirant.
Oh ciel! Il Conte!
Ah ! Ciel !
Figaro, à part, entendant le baiser.
J'épousais une jolie mignonne ! (Il écoute.)
Chérubin, tâtant les habits du Comte, à part.
C'est Monseigneur. (Il s'enfuit dans le pavillon où sont entrées Fanchette et Marceline.)
(Il paggio entra da Barbarina.)
SCÈNE VII
Figaro, le Comte, la Comtesse, Suzanne.
Figaro
Figaros'approche.
Vo' veder cosa fan là.
Je vais…
(Il Conte vuol dare un schiaffo a Cherubino, Figaro in questo s'appressa e lo riceve egli stesso.)
Il Conte
Le Comte, croyant parler au page.
    Perché voi nol ripetete,
Puisque vous ne redoublez pas le baiser…
1700
ricevete questo qua.
(Il croit lui donner un soufflet.)
Figaro
Figaro, qui est à portée, le reçoit.
Ah ci ho fatto un bel guadagno
Ah !
Le Comte
…Voilà toujours le premier payé.
Figaro s'éloigne en se frottant la joue; à part.
con la mia curiosità!
Tout n'est pas gain non plus en écoutant.
(Parte.)
Susanna, la Contessa, il Conte
Suzanne, riant tout haut de l'autre côté.
(Susanna, ch'ode lo schiaffo, ride.)
Ah ci ha fatto un bel guadagno
Ha, ha, ha, ha !
con la sua curiosità|temerità!
SCENA XII
Il Conte, Susanna, Figaro, la Contessa.
Il Conte
Le Comte, à la Comtesse qu'il prend pour Suzanne.
(Alla Contessa.)
1705
    Partito è alfin l'audace.
Entend-on quelque chose à ce page ! il reçoit le plus rude soufflet et s'enfuit en éclatant de rire.
Figaro, à part.
S'il s'affligeait de celui-ci !…
Le Comte
Accostati, ben mio.
Comment ! je ne pourrai faire un pas… (À la Comtesse.) Mais laissons cette bizarrerie ; elle empoisonnerait le plaisir que j'ai de te trouver dans cette salle.
La Contessa
La Comtesse, imitant le parler de Suzanne.
Giacché così vi piace,
L'espériez-vous ?
eccomi qui, signor.
Figaro
Che compiacente femina!
1710
Che sposa di bon cor!
Il Conte
Le Comte
    Porgimi la manina.
Après ton ingénieux billet… (Il lui prend la main.) Tu trembles ?
La Contessa
La Comtesse
Io ve la do.
J'ai eu peur.
Le Comte
Ce n'est pas pour te priver du baiser que je l'ai pris.
(Il la baise au front.)
La Comtesse
Des libertés !
Figaro, à part.
Coquine !
Il Conte, Figaro
Suzanne, à part.
Carina!
Charmante !
Il Conte
Le Comteprend la main de sa femme.
Che dita tenerelle!
Mais quelle peau fine et douce, et qu'il s'en faut que la Comtesse ait la main aussi belle !
Che delicata pelle!
1715
Mi pizzica, mi stuzzica,
m'empie di un nuovo ardor.
Susanna, la Contessa, Figaro
La Comtesse, à part.
    La cieca prevenzione
Oh ! la prévention !
delude la ragione,
inganna i sensi ognor.
Le Comte
A-t-elle ce bras ferme et rondelet ? ces jolis doigts pleins de grâce et d'espièglerie ?
La Comtesse, de la voix de Suzanne.
Ainsi l'amour ?…
Le Comte
L'amour… n'est que le roman du cœur : c'est le plaisir qui en est l'histoire ; il m'amène à tes genoux.
La Comtesse
Vous ne l'aimez plus ?
Le Comte
Je l'aime beaucoup ; mais trois ans d'union, rendent l'hymen si respectable !
La Comtesse
Que vouliez-vous en elle ?
Le Comte, la caressant.
Ce que je trouve en toi, ma beauté…
La Comtesse
Mais dites donc.
Le Comte
…Je ne sais : moins d'uniformité peut-être, plus de piquant dans les manières ; un je ne sais quoi qui fait le charme ; quelquefois un refus, que sais-je ? Nos femmes croient tout accomplir en nous aimant : cela dit une fois, elles nous aiment, nous aiment ! (quand elles nous aiment), et sont si complaisantes et si constamment obligeantes, et toujours, et sans relâche, qu'on est tout surpris un beau soir de trouver la satiété où l'on recherchait le bonheur !
La Comtesse, à part.
Ah ! quelle leçon !
Le Comte
En vérité, Suzon, j'ai pensé mille fois que si nous poursuivons ailleurs ce plaisir qui nous fuit chez elles, c'est qu'elles n'étudient pas assez l'art de soutenir notre goût, de se renouveler à l'amour, de ranimer, pour ainsi dire, le charme de leur possession par celui de la variété.
La Comtesse, piquée.
Donc elles doivent tout ?…
Le Comte, riant.
Et l'homme rien ? Changerons-nous la marche de la nature ? notre tâche, à nous, fut de les obtenir : la leur…
La Comtesse
La leur… ?
Le Comte
Est de nous retenir : on l'oublie trop.
La Comtesse
Ce ne sera pas moi.
Le Comte
Ni moi.
Figaro, à part.
Ni moi.
Suzanne, à part.
Ni moi.
Il Conte
Le Comteprend la main de sa femme.
(Le dà un anello.)
1720
    Oltre la dote, o cara,
Il y a de l'écho ici ; parlons plus bas. Tu n'as nul besoin d'y songer, toi que l'amour a faite et si vive et si jolie ! avec un grain de caprice tu seras la plus agaçante maîtresse ! (Il la baise au front.) Ma Suzanne, un Castillan n'a que sa parole. Voici tout l'or promis pour le rachat du droit que je n'ai plus sur le délicieux moment que tu m'accordes. Mais comme la grâce que tu daignes y mettre est sans prix, j'y joindrai ce brillant, que tu porteras pour l'amour de moi.
ricevi anco un brillante
che a te porge un amante
in pegno del suo amor.
La Contessa
La Comtesse, une révérence.
    Tutto Susanna piglia
Suzanne accepte tout.
1725
dal suo benefattor.
Figaro, il Conte, Susanna
Figaro, à part.
Va tutto a maraviglia!
On n'est pas plus coquine que cela.
Suzanne, à part.
Voilà du bon bien qui nous arrive.
Le Comte, à part.
Ma il meglio manca ancor.
Elle est intéressée ; tant mieux.
La Contessa
La Comtesseregarde au fond.
(Al Conte.)
    Signor, d'accese fiaccole
Je vois des flambeaux.
io veggio il balenar.
Il Conte
Le Comte
1730
Entriam, mia bella Venere,
Ce sont les apprêts de ta noce : entrons-nous un moment dans l'un de ces pavillons pour les laisser passer ?
andiamoci a celar.
Susanna, Figaro
Mariti scimuniti,
venite ad imparar.
La Contessa
La Comtesse
    Al buio, signor mio?
Sans lumière ?
Il Conte
Le Comtel'entraîne doucement.
1735
È quello che voglio io:
À quoi bon ? nous n'avons rien à lire.
tu sai che là per leggere
io non desio d'entrar.
Figaro
Figaro, à part.
    La perfida lo seguita,
Elle y va, ma foi ! Je m'en doutais. (Il s'avance.)
è vano il dubitar.
Susanna, la Contessa
1740
I furbi sono in trappola,
camina ben l'affar.
Il Conte
Le Comtegrossit sa voix en se retournant.
(Figaro passa, il Conte con voce alterata.)
    Chi passa?
Qui passe ici ?
Figaro
Figaro, en colère.
(Con rabbia.)
Passa gente.
Passer ! on vient exprès.
La Contessa
Le Comte, bas, à la Comtesse.
È Figaro: men vo.
C'est Figaro !… (Il s'enfuit.)
Il Conte
La Comtesse
Andate: io poi verrò.
Je vous suis.
(Il Conte si disperde nel folto, la Contessa entra a man destra.)
(Elle entre dans le pavillon à sa droite, pendant que le Comte se perd dans le bois, au fond.)
SCENA XIII
SCÈNE VIII
Figaro e Susanna.
Figaro, Suzanne, dans l'obscurité.
Figaro
Figarocherche à voir où vont le Comte et la Comtesse, qu'il prend pour Suzanne.
1745
    Tutto è tranquillo e placido;
Je n'entends plus rien ; ils sont entrés ; m'y voilà. (D'un ton altéré.) Vous autres époux maladroits, qui tenez des espions à gages, et tournez des mois entiers autour d'un soupçon sans l'asseoir, que ne m'imitez-vous ? Dès le premier jour je suis ma femme, et je l'écoute ; en un tour de main on est au fait : c'est charmant, plus de doutes ; on sait à quoi s'en tenir. (Marchant vivement.) Heureusement que je ne m'en soucie guère, et que sa trahison ne me fait plus rien du tout. Je les tiens donc enfin !
entrò la bella Venere;
col vago Marte prendere,
nuovo Vulcan del secolo,
in rete la potrò.
Suzanne, qui s'est avancée doucement dans l'obscurité.
(À part.) Tu vas payer tes beaux soupçons. (Du ton de voix de la Comtesse.) Qui va là ?
Figaro, extravagant.
« Qui va là ? » Celui qui voudrait de bon cœur que la peste eût étouffé en naissant…
Suzanne, du ton de la Comtesse.
Eh ! mais, c'est Figaro !
Figaroregarde, et dit vivement.
Madame la Comtesse !
Susanna
Suzanne
(Con voce alterata.)
1750
    Ehi Figaro, tacete.
Parlez bas.
Figaro
Figaro, vite.
Oh questa è la Contessa…
Ah ! madame, que le Ciel vous amène à propos ! Où croyez-vous qu'est Monseigneur ?
A tempo qui giungete…
Vedrete là voi stessa…
Il Conte e la mia sposa…
Suzanne
Que m'importe un ingrat ? Dis-moi…
Figaro, plus vite.
Et Suzanne mon épousée, où croyez-vous qu'elle soit ?
Suzanne
Mais parlez bas !
Figaro, très vite.
1755
Di propria man la cosa
Cette Suzon qu'on croyait si vertueuse, qui faisait la réservée ! Ils sont enfermés là-dedans. Je vais appeler.
toccar io vi farò.
Susanna
Suzanne, lui fermant la bouche avec la main, oublie de déguiser sa voix.
(Si scorda di alterar la voce.)
    Parlate un po' più basso:
N'appelez pas.
di qua non muovo passo,
ma vendicar mi vo'.
Figaro
Figaro, à part.
1760
    (Susanna!) Vendicarsi?
Eh c'est Suzon ! God-dam !
Susanna
Suzanne, du ton de la Comtesse.
Sì.
Vous paraissez inquiet.
Figaro
Come potria farsi?
Figaro
Figaro, à part.
(La volpe vuol sorprendermi
Traîtresse ! qui veut me surprendre !
e secondar la vo'.)
Susanna
(L'iniquo io vo' sorprendere,
1765
poi so quel che farò.)
Suzanne
Il faut nous venger, Figaro.
Figaro
Figaro
(Con comica affettazione.)
    Ah se madama il vuole!
En sentez-vous le vif désir ?
Susanna
Suzanne
Su via, manco parole.
Je ne serais donc pas de mon sexe ! Mais les hommes en ont cent moyens.
Figaro
Figaro, confidemment.
(Come sopra.)
Eccomi ai vostri piedi…
Madame, il n'y a personne ici de trop ; celui des femmes… les vaut tous.
Ho pieno il cor di foco…
1770
Esaminate il loco…
Pensate al traditor.
Susanna
Suzanne, à part.
    (Come la man mi pizzica!
Comme je le souffleterais !
Che smania! Che furor!)
Figaro
Figaro, à part.
(Come il polmon mi si altera!
Il serait bien gai qu'avant la noce !
1775
Che smania! Che calor!)
Susanna
Suzanne
(Alterando la voce un poco.)
    E senza alcun affetto?…
Mais qu'est-ce qu'une telle vengeance, qu'un peu d'amour n'assaisonne pas ?
Figaro
Figaro
Suppliscavi il dispetto.
Partout où vous n'en voyez point, croyez que le respect dissimule.
Suzanne, piquée.
Je ne sais si vous le pensez de bonne foi, mais vous ne le dites pas de bonne grâce.
Figaro, avec une chaleur comique, à genoux.
Ah ! madame, je vous adore. Examinez le temps, le lieu, les circonstances, et que le dépit supplée en vous aux grâces qui manquent à ma prière.
Suzanne, à part.
La main me brûle.
Figaro, à part.
Le cœur me bat.
Suzanne
Mais, monsieur, avez-vous songé ?…
Figaro
Oui, madame, oui, j'ai songé.
Suzanne
…Que pour la colère et l'amour…
Figaro
Non perdiam tempo invano,
…Tout ce qui se diffère est perdu. Votre main, madame ?
datemi un po' la mano…
Susanna
Suzanne, de sa voix naturelle, et lui donnant un soufflet.
(Gli dà uno schiaffo parlando in voce naturale.)
1780
Servitevi, signor.
La voilà.
Figaro
Figaro
    Che schiaffo!
Ah demonio ! quel soufflet !
Susanna
Suzannelui en donne un second.
E ancora questo
Quel soufflet ! Et celui-ci ?
e questo e poi quest'altro.
Figaro
Figaro
Non batter così presto.
Et qu'es aquo ! de par le diable ! est-ce ici la journée des tapes ?
Susanna
Suzannele bat à chaque phrase.
E questo, signor scaltro,
Ah ! qu'es aquo ? Suzanne : voilà pour tes soupçons ; voilà pour tes vengeances et pour tes trahisons, tes expédients, tes injures et tes projets. C'est-il ça de l'amour ? dis donc comme ce matin ?
1785
e poi quest'altro ancor.
Figaro
Figarorit en se relevant.
    Oh schiaffi graziosissimi,
Santa Barbara ! oui c'est de l'amour. Ô bonheur ! ô délices ! ô cent fois heureux Figaro ! Frappe, ma bien-aimée, sans te lasser. Mais quand tu m'auras diapré tout le corps de meurtrissures, regarde avec bonté, Suzon, l'homme le plus fortuné qui fut jamais battu par une femme.
oh mio felice amor!
Susanna
Suzanne
Impara, impara, o perfido,
« Le plus fortuné ! » Bon fripon, vous n'en séduisiez pas moins la Comtesse, avec un si trompeur babil, que m'oubliant moi-même, en vérité, c'était pour elle que je cédais.
a fare il seduttor.
SCENA XIV
I sudetti, poi il Conte.
Figaro
Figaro
(Si mette in ginocchio.)
1790
    Pace, pace, mio dolce tesoro!
Io conobbi la voce che adoro
Ai-je pu me méprendre, au son de ta jolie voix ?
e che impressa ognor serbo nel cor.
Susanna
Suzanne, en riant.
(Ridendo e con sorpresa.)
    La mia voce?
Tu m'as reconnue ? Ah ! comme je m'en vengerai !
Figaro
La voce che adoro.
Figaro
Bien rosser et garder rancune est aussi par trop féminin ! Mais dis-moi donc par quel bonheur je te vois là, quand je te croyais avec lui ; et comment cet habit, qui m'abusait, te montre enfin innocente…
Suzanne
Eh ! c'est toi qui es un innocent, de venir te prendre au piège apprêté pour un autre ! Est-ce notre faute à nous, si voulant museler un renard, nous en attrapons deux ?
Figaro
Qui donc prend l'autre ?
Suzanne
Sa femme.
Figaro
Sa femme ?
Suzanne
Sa femme.
Figaro, follement.
Ah ! Figaro, pends-toi ; tu n'as pas deviné celui-là ! Sa femme ? Ô douze ou quinze mille fois spirituelles femelles ! – Ainsi les baisers de cette salle… ?
Suzanne
Ont été donnés à Madame.
Figaro
Et celui du page ?
Suzanne, riant.
À Monsieur.
Figaro
Et tantôt, derrière le fauteuil ?
Suzanne
À personne.
Figaro
En êtes-vous sûre ?
Suzanne, riant.
Il pleut des soufflets, Figaro.
Figarolui baise la main.
Ce sont des bijoux que les tiens. Mais celui du Comte était de bonne guerre.
Suzanne
Allons, superbe, humilie-toi.
Figarofait tout ce qu'il annonce.
Cela est juste ; à genoux, bien courbé, prosterné, ventre à terre.
Suzanne, en riant.
Ah ! ce pauvre Comte ! quelle peine il s'est donnée…
Figarose relève sur ses genoux.
…Pour faire la conquête de sa femme !
Susanna, Figaro
Pace, pace, mio dolce tesoro,
1795
pace, pace, mio tenero amor!
SCÈNE IX
Le Comte entre par le fond du théâtre, et va droit au pavillon à sa droite. Figaro, Suzanne.
Il Conte
Le Comte, à lui-même.
    Non la trovo, e girai tutto il bosco.
Je la cherche en vain dans le bois, elle est peut-être entrée ici.
Susanna, Figaro
Suzanne, à Figaro, parlant bas.
Questi è il Conte, a la voce il conosco.
C'est lui.
Il Conte
Le Comte, ouvrant le pavillon.
(Parlando verso la nicchia dove entrò madama, cui apre egli stesso.)
Ehi Susanna… sei sorda… sei muta?
Suzon, es-tu là-dedans ?
Figaro, bas.
Il la cherche, et moi je croyais…
Susanna
Suzanne, bas.
Bella, bella! Non l'ha conosciuta!
Il ne l'a pas reconnue.
Figaro
1800
Chi?
Susanna
Madama.
Figaro
Madama?
Susanna
Madama.
Figaro, Susanna
Figaro
La comedia, idol mio, terminiamo,
Achevons-le, veux-tu ? (Il lui baise la main.)
consoliamo il bizzarro amator.
Figaro
(Si mette ai piedi di Susanna.)
    Sì, madama, voi siete il ben mio.
Il Conte
Le Comtese retourne.
La mia sposa!… Ah senz'arme son io.
Un homme aux pieds de la Comtesse !… Ah ! je suis sans armes. (Il s'avance.)
Figaro
Figarose relève tout-à-fait en déguisant sa voix.
1805
Un ristoro al mio cor concedete.
Pardon, madame, si je n'ai pas réfléchi que ce rendez-vous ordinaire était destiné pour la noce.
Le Comte, à part.
C'est l'homme du cabinet de ce matin. (Il se frappe le front.)
Figarocontinue.
Mais il ne sera pas dit qu'un obstacle aussi sot aura retardé nos plaisirs.
Susanna
Io son qui, faccio quel che volete.
Il Conte
Le Comte, à part.
Ah ribaldi!
Massacre, mort, enfer !
Susanna, Figaro
Figaro, la conduisant au cabinet.
Corriamo, mio bene;
(Bas.) Il jure. (Haut.) Pressons-nous donc, madame, et réparons le tort qu'on nous a fait tantôt, quand j'ai sauté par la fenêtre.
e le pene compensi il piacer.
Le Comte, à part.
Ah ! tout se découvre enfin.
Suzanne, près du pavillon à sa gauche.
Avant d'entrer, voyez si personne n'a suivi. (Il la baise au front.)
Le Comtes'écrie.
Vengeance !
(Vanno verso la nicchia a man manca.)
(Suzanne s'enfuit dans le pavillon où sont entrés Fanchette, Marceline et Chérubin.)
SCÈNE X
Le Comte, Figaro.
(Le Comte saisit le bras de Figaro.)
Il Conte
    Gente, gente, a l'armi, a l'armi!
(Susanna entra nella nicchia; Figaro finge eccessiva paura.)
Figaro
Figaro, jouant la frayeur excessive.
1810
Il padrone! Son perduto!
C'est mon maître.
Il Conte
Le Comtele reconnaît.
Gente, gente, aiuto, aiuto!
Ah ! scélérat, c'est toi ! Holà ! quelqu'un, quelqu'un !
SCÈNE XI
Pédrille, le Comte, Figaro.
Pédrille, botté.
Monseigneur, je vous trouve enfin.
Le Comte
Bon, c'est Pédrille. Es-tu tout seul ?
Pédrille
Arrivant de Séville à étripe-cheval.
Le Comte
Approche-toi de moi, et crie bien fort.
Pédrille, criant à tue-tête.
Pas plus de page que sur ma main. Voilà le paquet.
Le Comtele repousse.
Eh, l'animal !
Pédrille
Monseigneur me dit de crier.
Le Comte, tenant toujours Figaro.
Pour appeler. – Holà ! quelqu'un ! si l'on m'entend, accourez tous !
Pédrille
Figaro et moi, nous voilà deux ; que peut-il donc vous arriver ?
SCENA XV
SCÈNE XII
I sudetti, Antonio, Basilio e coro con fiaccole accese.
Les acteurs précédents, Brid’oison, Bartholo, Bazile, Antonio, Grippe-Soleil, toute la noce accourt avec des flambeaux.
Bartholo, à Figaro.
Tu vois qu'à ton premier signal…
Le Comte, montrant le pavillon à sa gauche.
Pédrille, empare-toi de cette porte.
(Pédrille y va.)
Bazile, bas, à Figaro.
Tu l'as surpris avec Suzanne ?
Le Comte, montrant Figaro.
Et vous, tous mes vassaux, entourez-moi cet homme et m'en répondez sur la vie.
Bazile
Ha ! Ha !
Le Comte, furieux.
Taisez-vous donc. (À Figaro d'un ton glacé.) Mon cavalier, répondez-vous à mes questions ?
Figaro, froidement.
Eh ! qui pourrait m'en exempter, Monseigneur ? Vous commandez à tout ici, hors à vous-même.
Le Comte, se contenant.
Hors à moi-même !
Antonio
C'est ça parler.
Le Comtereprend sa colère.
Non, si quelque chose pouvait augmenter ma fureur ! ce serait l'air calme qu'il affecte !
Figaro
Sommes-nous des soldats qui tuent et se font tuer pour des intérêts qu'ils ignorent ? je veux savoir, moi, pourquoi je me fâche.
Antonio, Basilio, Coro
Cosa avvenne?
Il Conte
Le Comte, hors de lui.
Il scellerato!
Ô rage ! (Se contenant.) Homme de bien qui feignez d'ignorer ! nous ferez-vous au moins la faveur de nous dire quelle est la dame actuellement par vous amenée dans ce pavillon ?
M'ha tradito, m'ha infamato,
e con chi state a veder.
Figaro, montrant l'autre avec malice.
Dans celui-là ?
Le Comte, vite.
Dans celui-ci.
Figaro, froidement.
C'est différent. Une jeune personne qui m'honore de ses bontés particulières.
Bazile, étonné.
Ha, ha !
Le Comte, vite.
Vous l'entendez, messieurs.
Bartholo, étonné.
Nous l'entendons ?
Le Comte, à Figaro.
Et cette jeune personne a-t-elle un autre engagement que vous sachiez ?
Figaro, froidement.
Je sais qu'un grand seigneur s'en est occupé quelque temps : mais, soit qu'il l'ait négligée ou que je lui plaise mieux qu'un plus aimable, elle me donne aujourd'hui la préférence.
Le Comte, vivement.
La préf… (Se contenant.) Au moins il est naïf ! car ce qu'il avoue, messieurs, je l'ai ouï, je vous jure, de la bouche même de sa complice.
Brid'oison, stupéfait.
Sa-a complice !
Le Comte, avec fureur.
Or quand le déshonneur est public, il faut que la vengeance le soit aussi.
(Il entre dans le pavillon.)
SCÈNE XIII
Tous les acteurs précédents, hors le Comte.
Antonio
C'est juste.
Brid'oison, à Figaro.
Qui-i donc a pris la femme de l'autre ?
Figaro, en riant.
Aucun n'a eu cette joie-là.
Antonio, Basilio
1815
    Fuor di senno è il poveruomo,
non mi par che ciò sia ver.
Il Coro, Figaro
Fuor di senno è il poveruomo,
oh che scena da goder!
SCÈNE XIV
Les acteurs précédents, Le Comte, Chérubin.
Il Conte
Le Comte, parlant dans le pavillon, et attirant quelqu'un qu'on ne voit pas encore.
(Tira pel braccio Cherubino, che fa forza per non sortire né si vede che per metà.)
    Invan resistete,
Tout vos efforts sont inutiles ; vous êtes perdue, madame ; et votre heure est bien arrivée ! (Il sort sans regarder.) Quel bonheur qu'aucun gage d'une union aussi détestée…
1820
uscite, madama,
il premio or avrete
di vostra onestà.
Figaros'écrie.
Chérubin !
Le Comte
    Il paggio!
Mon page ?
(Dopo il paggio escono Barbarina, Marcellina e Susanna, vestita cogli abiti della Contessa: si tiene il fazzoletto sulla faccia, s'inginocchia a' piedi del Conte.)
Bazile
Ha ! ha !
Le Comte, hors de lui.
(À part.) Et toujours le page endiablé ! (À Chérubin.) Que faisiez-vous dans ce salon ?
Chérubin, timidement.
Je me cachais, comme vous l'avez ordonné.
Pédrille
Bien la peine de crever un cheval !
Le Comte
Entres-y, toi, Antonio ; conduis devant son juge l'infâme qui m'a déshonoré.
Brid'oison
C'est Madame que vous y-y cherchez ?
Antonio
L'y a, parguenne, une bonne Providence ! Vous en avez fait tant dans le pays…
Le Comte, furieux.
Entre donc !
(Antonio entre.)
SCÈNE XV
Les acteurs précédents, excepté Antonio.
Le Comte
Vous allez voir, messieurs, que le page n'y était pas seul.
Chérubin, timidement.
Mon sort eût été trop cruel, si quelqu'âme sensible n'en eût adouci l'amertume.
SCÈNE XVI
Les acteurs précédents, Antonio, Fanchette.
Antonio, attirant par le bras quelqu'un qu'on ne voit pas encore.
Allons, madame, il ne faut pas vous faire prier pour en sortir, puisqu'on sait que vous y êtes entrée.
Figaros'écrie.
La petite cousine !
Bazile
Ha ! ha !
Le Comte
Fanchette !
Antonio
Antoniose retourne et s'écrie.
Mia figlia!
Ah ! palsembleu, Monseigneur, il est gaillard de me choisir pour montrer à la compagnie que c'est ma fille qui cause tout ce train-là !
Le Comte, outré.
Qui la savait là-dedans ?
(Il veut rentrer.)
Bartholo, au-devant.
Permettez, Monsieur le Comte, ceci n'est pas plus clair. Je suis de sang-froid, moi.
(Il entre.)
Brid'oison
Voilà une affaire au-aussi trop embrouillée.
SCÈNE XVII
Les acteurs précédents, Marceline.
Bartholo, parlant en dedans, et sortant.
Ne craignez rien, madame, il ne vous sera fait aucun mal ; j'en réponds. (Il se retourne et s'écrie :) Marceline !…
Bazile
Ha, ha !
Figaro
Figaro, riant.
Mia madre!
Eh ! quelle folie ! ma mère en est ?
Antonio
À qui pis fera.
Le Comte, outré.
Que m'importe à moi ? La Comtesse…
SCÈNE XVIII
Les acteurs précédents, Suzanne.
(Suzanne, son éventail sur le visage.)
Tutti
Madama!
Il Conte
Le Comte
1825
Scoperta è la trama,
…Ah ! la voici qui sort. (Il la prend violemment par le bras.) Que croyez-vous, messieurs, que mérite une odieuse… ?
la perfida è qua.
(Si inginocchiano tutti ad uno ad uno.)
(Suzanne se jette à genoux, la tête baissée.)
Susanna
    Perdono, perdono!
Il Conte
Le Comte, fort.
No no, non sperarlo.
Non, non.
Figaro
(Figaro se jette à genoux de l'autre côté.)
Perdono, perdono!
Il Conte
Le Comte, plus fort.
1830
No no, non vo' darlo.
Non, non.
(Marceline se jette à genoux devant lui.)
Le Comte, plus fort.
Non, non.
Tutti
(Tous se mettent à genoux, excepté Brid'oison.)
    Perdono, perdono!
Il Conte
Le Comte, hors de lui.
(Con più forza.)
No, no, no, no, no.
Y fussiez-vous un cent !
SCÈNE XIX et dernière
Tous les acteurs précédents, La Comtesse sort de l'autre pavillon.
La Contessa
La Comtessese jette à genoux.
(Esce dall'altra nicchia e vuole inginocchiarsi, il Conte nol permette.)
Almeno io per loro
Au moins je ferai nombre.
perdono otterrò.
Il Conte
Le Comte, regardant la Comtesse et Suzanne.
1835
    Oh cielo! Che veggio!
Ah ! qu'est-ce que je vois !
Deliro! Vaneggio!
Che creder non so.
Brid'oison, riant.
Eh pardi, c'è-est Madame.
Le Comteveut relever la Comtesse.
(In tuon supplichevole.)
    Contessa, perdono!
Quoi, c'était vous, Comtesse ? (D'un ton suppliant.) Il n'y a qu'un pardon bien généreux…
La Contessa
La Comtesse, en riant.
Più docile io sono
Vous diriez « Non, non », à ma place ; et moi, pour la troisième fois d'aujourd'hui, je l'accorde sans condition.
1840
e dico di sì.
(Elle se relève.)
Suzannese relève.
Moi aussi.
Marcelinese relève.
Moi aussi.
Figarose relève.
Moi aussi ; il y a de l'écho ici ! (Tous se relèvent.)
Le Comte
De l'écho ! – J'ai voulu ruser avec eux ; ils m'ont traité comme un enfant !
La Comtesse, en riant.
Ne le regrettez pas, Monsieur le Comte.
Figaro, s'essuyant les genoux avec son chapeau.
Une petite journée comme celle-ci forme bien un ambassadeur !
Le Comte, à Suzanne.
Ce billet fermé d'une épingle ?…
Suzanne
C'est Madame qui l'avait dicté.
Le Comte
La réponse lui en est bien due.
(Il baise la main de la Comtesse.)
La Comtesse
Chacun aura ce qui lui appartient.
(Elle donne la bourse à Figaro et le diamant à Suzanne.)
Suzanne, à Figaro.
Encore une dot.
Figaro, frappant la bourse dans sa main.
Et de trois. Celle-ci fut rude à arracher !
Suzanne
Comme notre mariage.
Grippe-Soleil
Et la jarretière de la mariée, l'aurons-je ?
La Comtessearrache le ruban qu'elle a tant gardé dans son sein, et le jette à terre.
La jarretière ? Elle était avec ses habits ; la voilà.
(Les garçons de la noce veulent la ramasser.)
Chérubin, plus alerte, court la prendre et dit:
Que celui qui la veut, vienne me la disputer.
Le Comte, en riant, au page.
Pour un monsieur si chatouilleux, qu'avez-vous trouvé de gai à certain soufflet de tantôt ?
Chérubinrecule en tirant à moitié son épée.
À moi, mon colonel ?
Figaro, avec une colère comique.
C'est sur ma joue qu'il l'a reçu : voilà comme les grands font justice !
Le Comte, riant.
C'est sur sa joue ? Ha, ha, ha, qu'en dites-vous donc, ma chère Comtesse ?
La Comtesse, absorbée, revient à elle, et dit avec sensibilité.
Ah ! oui, cher Comte, et pour la vie, sans distraction, je vous le jure.
Le Comte, frappant sur l'épaule du juge.
Et vous, don Brid'oison, votre avis maintenant ?
Brid'oison
Su-ur tout ce que je vois, Monsieur le Comte… ma-a foi, pour moi je-e ne sais que vous dire : voilà ma façon de penser.
Tous ensemble
Bien jugé !
Figaro
J'étais pauvre, on me méprisait. J'ai montré quelque esprit, la haine est accourue. Une jolie femme et de la fortune…
Bartholo, en riant.
Les cœurs vont te revenir en foule.
Figaro
Est-il possible ?
Bartholo
Je les connais.
Figaro, saluant les spectateurs.
Ma femme et mon bien mis à part, tous me feront honneur et plaisir.
On joue la ritournelle du Vaudeville (air noté).
Vaudeville
Bazile
Premier couplet
    Triple dot, femme superbe ;
Que de biens pour un époux !
D'un seigneur, d'un page imberbe,
Quelque sot serait jaloux,
Du latin d'un vieux proverbe
L'homme adroit fait son parti.
Figaro
Je le sais…
(Il chante.) Gaudeant bene nati.
Bazile
Non…
(Il chante.) Gaudeat bene nanti.
Suzanne
Deuxième couplet
    Qu'un mari sa foi trahisse,
Il s'en vante, et chacun rit ;
Que sa femme ait un caprice,
S'il l'accuse on la punit.
De cette absurde injustice,
Faut-il dire le pourquoi ?
Les plus forts ont fait la loi… bis.
Figaro
Troisième couplet
    Jean Jeannot, jaloux risible,
Veut unir femme et repos ;
Il achète un chien terrible,
Et le lâche en son enclos.
La nuit, quel vacarme horrible !
Le chien court, tout est mordu,
Hors l'amant qui l'a vendu… bis.
La Comtesse
Quatrième couplet
    Telle est fière et répond d'elle,
Qui n'aime plus son mari ;
Telle autre presque infidèle,
Jure de n'aimer que lui.
La moins folle, hélas ! est celle
Qui se veille en son lien,
Sans oser jurer de rien… bis.
Le Comte
Cinquième couplet
    D'une femme de province,
À qui ses devoirs sont chers,
Le succès est assez mince ;
Vive la femme aux bons airs !
Semblable à l'écu du Prince,
Sous le coin d'un seul époux,
Elle sert au bien de tous… bis.
Marceline
Sixième couplet
    Chacun sait la tendre mère,
Dont il a reçu le jour ;
Tout le reste est un mystère,
C'est le secret de l'amour.
Figarocontinue l'air.
Ce secret met en lumière
Comment le fils d'un butor
Vaut souvent son pesant d'or… bis.
Septième couplet
    Par le sort de la naissance,
L'un est roi, l'autre est berger ;
Le hasard fit leur distance ;
L'esprit seul peut tout changer.
De vingt rois que l'on encense,
Le trépas brise l'autel ;
Et Voltaire est immortel… bis.
Chérubin
Huitième couplet
    Sexe aimé, sexe volage,
Qui tourmentez nos beaux jours,
Si de vous chacun dit rage,
Chacun vous revient toujours.
Le parterre est votre image ;
Tel paraît le dédaigner,
Qui fait tout pour le gagner… bis.
Suzanne
Neuvième couplet
    Si ce gai, ce fol ouvrage,
Renfermait quelque leçon,
En faveur du badinage,
Faites grâce à la raison.
Ainsi la nature sage
Nous conduit, dans nos désir,
À son but par les plaisirs… bis.
Brid'oison
Dixième couplet
    Or, Messieurs, la co-omédie
Que l'on juge en cè-et instant,
Sauf erreur, nous pein-eint la vie
Du bon peuple qui l'entend.
Qu'on l'opprime, il peste, il crie ;
Il s'agite en cent fa-açons ;
Tout fini-it par des chansons… bis.
Tutti
Ah tutti contenti
saremo così.
    Questo giorno di tormenti,
di capricci e di follia
1845
in contenti e in allegria
solo amor può terminar.
    Sposi, amici, al ballo, al gioco,
alle mine date foco,
ed al suon di lieta marcia
1850
andiam tutti a festeggiar!
BALLET GÉNÉRAL
Fine dell'opera.
Fin du cinquième et dernier acte.
S'adresser, pour la musique de l'ouvrage, à M. BAUDRON, chef d'orchestre du Théâtre-Français.


APPROBATIONS

J'ai lu, par ordre de M.Monsieur le Lieutenant de Police, la pièce intitulée : La folle journée, ou Le Mariage de Figaro ; et je n'y ai rien trouvé qui m'ait paru devoir en empêcher l'impression et la représentation. À Paris, ce vingt-huit février mil sept cent quatre-vingt-quatre.
Signé, COQUELEY DE CHAUSSEPIERRE.


J'ai lu, par ordre de M.Monsieur le Lieutenant général de Police, la pièce intitulée : La folle journée, ou Le Mariage de Figaro ; et je n'y ai rien trouvé qui m'ait paru devoir en empêcher la représentation et l'impression. À Paris, ce vingt-un mars mil sept cent quatre-vingt-quatre,
Signé, BRET.


Vu les approbations ; permis d'imprimer et représenter. À Paris, ce vingt-neuf mars mil sept cent quatre-vingt-quatre.
Signé, LENOIR.


ERRATA (déjà corrigés)

PRÉFACE
Page
9, ligne 8, ces fantômes, lisez, ses fantômes.
10, ligne dernière, n'existe, lisez, existe.
11, 2, les bons et les mauvais, lisez, bons et mauvais.
ibid. 24, ces grands coups, lisez, ses grands coups.
13, 9, de l'œil de bœuf ou des carrosses, lisez, de l'œil-de-bœuf et des Carrosses.
26, 7, la coquette ou la coquine, lisez, la coquette ou coquine.
49, 6, espagnole, lisez, espagnol.

COMÉDIE
Page
116, ligne 2, dans lesquels vous mêlerez, lisez, dans lesquels on mêlera.
175, 94, poursuivions, lisez, poursuivons.
178, 5, sont rentrés, lisez, sont entrés.
183, 23, les bois, lisez, le bois.