Kritische Edition des Libretto-Erstdrucks Wien 1786 (Libretto)   Kritische Edition des deutschen Libretto-Drucks Wien 1786 (Deutsches Libretto)   Kritische Edition der Vorlage von Beaumarchais, Kehl 1785 (Vorlage)  
SCENA I
Erster Auftritt
Il Conte solo che passeggia.
Der Graf allein, der auf- und abgehet.
Il Conte
Che imbarazzo è mai questo! Un foglio anonimo…
Welch ein Gemengsel! Ein Brief ohne Unterschrift… die Kammerjungfrau in dem Kabinette verschlossen… meine Frau ganz verwirrt… ein Mensch, der aus dem Fenster in den Garten springt… ein anderer, der da sagt, er sei es gewesen… Ich weiß nicht, was ich denken soll… Es könnte vielleicht jemand aus meinen Vasallen… Dergleichen Leuten ist die Kühheit angeboren… Aber die Gräfin… Ach, jeder Zweifel beleidiget sie… Sie schätzt sich selbsten zu sehr, als… Und meine Ehre… die Ehre… auf welch eine hohe Stelle hat sie nicht der menschliche Irrtum gebracht!
1055
la cameriera in gabinetto chiusa…
la padrona confusa… un uom che salta
dal balcone in giardino… un altro appresso
che dice esser quel desso…
Non so cosa pensar: potrebbe forse
1060
qualcun de' miei vassalli… A simil razza
è comune l'ardir… Ma la Contessa…
Ah che un dubbio l'offende… Ella rispetta
troppo sé stessa; e l'onor mio… l'onore…
dove diamin l'ha posto umano errore!
SCENA II
Zweiter Auftritt
SCÈNE XXIV
Il sudetto, la Contessa e Susanna. S'arrestano in fondo alla scena, non vedute dal Conte.
Der Graf, die Gräfin und Susanna. Sie bleiben in der Tiefe des Zimmers stehen und werden von dem Grafen nicht gesehen.
Suzanne, la Comtesse.
La Comtesse, dans sa bergère.
Vous voyez, Suzanne, la jolie scène que votre étourdi m'a value avec son billet.
Suzanne
Ah ! madame, quand je suis rentrée du cabinet, si vous aviez vu votre visage ! il s'est terni tout à coup ; mais ce n'a été qu'un nuage ; et par degrés vous êtes devenue rouge, rouge, rouge !
La Comtesse
Il a donc sauté par la fenêtre ?
Suzanne
Sans hésiter, le charmant enfant ! léger… comme une abeille.
La Comtesse
Ah ! ce fatal jardinier ! Tout cela m'a remuée au point… que je ne pouvais rassembler deux idées.
Suzanne
Ah ! madame, au contraire ; et c'est là que j'ai vu combien l'usage du grand monde donne d'aisance aux dames comme il faut, pour mentir sans qu'il y paraisse.
La Comtesse
Crois-tu que le Comte en soit la dupe ? et s'il trouvait cet enfant au château !
Suzanne
Je vais recommander de le cacher si bien…
La Contessa
Die Gräfin
La Comtesse
(A Susanna.)
1065
Via, fatti core: digli
Fasse einmal Mut; sage ihm, er soll im Garten auf dich warten.
Il faut qu'il parte. Après ce qui vient d'arriver, vous croyez bien que je ne suis pas tentée de l'envoyer au jardin à votre place.
che ti attenda in giardino.
Suzanne
Il est certain que je n'irai pas non plus. Voilà donc mon mariage encore une fois…
Il Conte
Der Graf
Saprò se Cherubino
Ich werde es erfahren, ob Cherubin in Sevilien schon angekommen ist: Zu diesem Endzwecke habe ich den Basilius abgesandt…
era giunto a Siviglia: a tale oggetto
ho mandato Basilio…
Susanna
Susanna
(Alla Contessa.)
Oh cielo! E Figaro!
O Gott, und Figaro!
La Contessa
Die Gräfin
La Comtessese lève.
1070
A lui non déi dir nulla: in vece tua
Du darfst ihm nichts sagen: An deiner statt will ich selber gehen.
Attends… Au lieu d'un autre ou de toi, si j'y allais moi-même ?
voglio andarci io medesma.
Il Conte
Der Graf
Avanti sera
Vor dem Abende müßte er schon wieder da sein…
dovrebbe ritornar…
Susanna
Susanna
Suzanne
Oddio!… Non oso!…
O Gott… Ich habe nicht Mut genug…
Vous, madame ?
La Contessa
Die Gräfin
La Comtesse
Pensa che or sta in tua mano il mio riposo.
Erwäge, dass meine Ruhe von dir abhängt.
Il n'y aurait personne d'exposé… Le Comte alors ne pourrait nier… Avoir puni sa jalousie et lui prouver son infidélité ! cela serait… Allons : le bonheur d'un premier hasard m'enhardit à tenter le second. Fais-lui savoir promptement que tu te rendras au jardin. Mais surtout que personne…
Suzanne
Ah ! Figaro.
La Comtesse
Non, non. Il voudrait mettre ici du sien… Mon masque de velours et ma canne, que j'aille y rêver sur la terrasse. (Suzanne entre dans le cabinet de toilette.)
(Si nasconde.)
(verbirgt sich)
SCÈNE XXV
La Comtesse, seule.
Il est assez effronté mon petit projet ! (Elle se retourne.) Ah ! le ruban ! mon joli ruban ! je t'oubliais ! (Elle le prend sur sa bergère et le roule.) Tu ne me quitteras plus… tu me rappelleras la scène où ce malheureux enfant… Ah ! Monsieur le Comte, qu'avez-vous fait ?… Et moi, que fais-je en ce moment ?
SCÈNE XXVI
La Comtesse, Suzanne.
(La Comtesse met furtivement le ruban dans son sein.)
Suzanne
Voici la canne et votre loup.
La Comtesse
Souviens-toi que je t'ai défendu d'en dire un mot à Figaro.
Suzanne, avec joie.
Madame, il est charmant votre projet. Je viens d'y réfléchir. Il rapproche tout, termine tout, embrasse tout ; et, quelque chose qui arrive, mon mariage est maintenant certain. (Elle baise la main de sa maîtresse.)
(Elles sortent.)
Fin du second acte.
Pendant l'entracte, des valets arrangent la salle d'audience: on apporte les deux banquettes à dossier des avocats, que l'on place aux deux côtés du théâtre, de façon que le passage soit libre par-derrière. On pose une estrade à deux marches dans le milieu du théâtre, vers le fond, sur laquelle on place le fauteuil du Comte. On met la table du greffier et son tabouret de côté sur le devant, et des sièges pour Brid'oison et d'autres juges, des deux côtés de l'estrade du Comte.
ACTE III
Le théâtre représente une salle du château, appelée salle du trône et servant de salle d'audience, ayant sur le côté une impériale en dais et, dessous, le portrait du roi.
SCÈNE PREMIÈRE
Le Comte, Pédrille, en veste et botté, tenant un paquet cacheté.
Le Comte, vite.
M'as-tu bien entendu ?
Pédrille
Excellence, oui. (Il sort.)
SCÈNE II
Le Comte seul, criant.
Pédrille ?
SCÈNE III
Le Comte, Pédrille revient.
Pédrille
Excellence ?
Le Comte
On ne t'a pas vu ?
Pédrille
Âme qui vive.
Le Comte
Prenez le cheval barbe.
Pédrille
Il est à la grille du potager, tout sellé.
Le Comte
Ferme, d'un trait, jusqu'à Séville.
Pédrille
Il n'y a que trois lieues, elles sont bonnes.
Le Comte
En descendant, sachez si le page est arrivé.
Pédrille
Dans l'hôtel ?
Le Comte
Oui ; surtout depuis quel temps.
Pédrille
J'entends.
Le Comte
Remets-lui son brevet et reviens vite.
Pédrille
Et s'il n'y était pas ?
Le Comte
Revenez plus vite et m'en rendez compte. Allez.
SCÈNE IV
Le Comte seul, marche en rêvant.
J'ai fait une gaucherie en éloignant Bazile !… la colère n'est bonne à rien. – Ce billet remis par lui, qui m'avertit d'une entreprise sur la Comtesse ; la camariste enfermée quand j'arrive ; la maîtresse affectée d'une terreur fausse ou vraie ; un homme qui saute par la fenêtre, et l'autre après qui avoue… ou qui prétend que c'est lui… Le fil m'échappe. Il y a là-dedans une obscurité… Des libertés chez mes vassaux, qu'importe à gens de cette étoffe ? Mais la Comtesse ! si quelque insolent attentait… où m'égaré-je ? En vérité quand la tête se monte, l'imagination la mieux réglée devient folle comme un rêve ! – Elle s'amusait ; ces ris étouffés, cette joie mal éteinte ! – Elle se respecte, et mon honneur… où diable on l'a placé ! De l'autre part où suis-je ? cette friponne de Suzanne a-t-elle trahi mon secret ?… Comme il n'est pas encore le sien… Qui donc m'enchaîne à cette fantaisie ? j'ai voulu vingt fois y renoncer… Étrange effet de l'irrésolution ! si je la voulais sans débat, je la désirerais mille fois moins. – Ce Figaro se fait bien attendre ! il faut le sonder adroitement, (Figaro paraît dans le fond ; il s'arrête.) et tâcher, dans la conversation que je vais avoir avec lui, de démêler d'une manière détournée s'il est instruit ou non de mon amour pour Suzanne.
SCÈNE V
Le Comte, Figaro.
Figaro, à part.
Nous y voilà.
Le Comte
…S'il en sait par elle un seul mot…
Figaro, à part.
Je m'en suis douté.
Le Comte
…je lui fais épouser la vieille.
Figaro, à part.
Les amours de monsieur Bazile.
Le Comte
…Et voyons ce que nous ferons de la jeune.
Figaro, à part.
Ah ! ma femme, s'il vous plaît.
Le Comtese retourne.
Hein ? quoi ? qu'est-ce que c'est ?
Figaros'avance.
Moi, qui me rends à vos ordres.
Le Comte
Et pourquoi ces mots ?
Figaro
Je n'ai rien dit.
Le Comterépète.
« Ma femme, s'il vous plaît ? »
Figaro
C'est… la fin d'une réponse que je faisais : « Allez le dire à ma femme, s'il vous plaît ».
Le Comtese promène.
« Sa femme » !… Je voudrais bien savoir quelle affaire peut arrêter Monsieur, quand je le fais appeler ?
Figaro, feignant d'assurer son habillement.
Je m'étais sali sur ces couches en tombant ; je me changeais.
Le Comte
Faut-il une heure ?
Figaro
Il faut le temps.
Le Comte
Les domestiques ici… sont plus longs à s'habiller que les maîtres !
Figaro
C'est qu'ils n'ont point de valets pour les y aider.
Le Comte
…Je n'ai pas trop compris ce qui vous avait forcé tantôt de courir un danger inutile, en vous jetant…
Figaro
Un danger ! on dirait que je me suis engouffré tout vivant…
Le Comte
Essayez de me donner le change en feignant de le prendre, insidieux valet ! vous entendez fort bien que ce n'est pas le danger qui m'inquiète, mais le motif.
Figaro
Sur un faux avis, vous arrivez furieux, renversant tout, comme le torrent de la Morena ; vous cherchez un homme ; il vous le faut, ou vous allez briser les portes, enfoncer les cloisons ! je me trouve là par hasard ; qui sait dans votre emportement si…
Le Comte, interrompant.
Vous pouviez fuir par l'escalier.
Figaro
Et vous, me prendre au corridor.
Le Comte, en colère.
Au corridor ! (À part.) Je m'emporte, et nuis à ce que je veux savoir.
Figaro, à part.
Voyons-le venir, et jouons serré.
Le Comte, radouci.
Ce n'est pas ce que je voulais dire, laissons cela. J'avais… oui, j'avais quelque envie de t'emmener à Londres, courrier de dépêches… mais toutes réflexions faites…
Figaro
Monseigneur a changé d'avis ?
Le Comte
Premièrement, tu ne sais pas l'anglais.
Figaro
Je sais God-dam.
Le Comte
Je n'entends pas.
Figaro
Je dis que je sais God-dam.
Le Comte
Eh bien ?
Figaro
Diable ! c'est une belle langue que l'anglais ; il en faut peu pour aller loin. Avec God-dam en Angleterre, on ne manque de rien nulle part. – Voulez-vous tâter d'un bon poulet gras ? entrez dans une taverne, et faites seulement ce geste au garçon. (Il tourne la broche.) God-dam ! on vous apporte un pied de bœuf salé sans pain. C'est admirable ! Aimez-vous à boire un coup d'excellent bourgogne ou de clairet ? rien que celui-ci. (Il débouche une bouteille.) God-dam ! on vous sert un pot de bière, en bel étain, la mousse aux bords. Quelle satisfaction ! Rencontrez-vous une de ces jolies personnes qui vont trottant menu, les yeux baissés, coudes en arrière, et tortillant un peu des hanches ? mettez mignardement tous les doigts unis sur la bouche. Ah ! God-dam ! elle vous sangle un soufflet de crocheteur. Preuve qu'elle entend. Les Anglais, à la vérité, ajoutent par-ci, par-là quelques autres mots en conversant ; mais il est bien aisé de voir que God-dam est le fond de la langue ; et si Monseigneur n'a pas d'autre motif de me laisser en Espagne…
Le Comte, à part.
Il veut venir à Londres ; elle n'a pas parlé.
Figaro, à part.
Il croit que je ne sais rien ; travaillons-le un peu dans son genre.
Le Comte
Quel motif avait la Comtesse pour me jouer un pareil tour ?
Figaro
Ma foi, Monseigneur, vous le savez mieux que moi.
Le Comte
Je la préviens sur tout et la comble de présents.
Figaro
Vous lui donnez, mais vous êtes infidèle. Sait-on gré du superflu à qui nous prive du nécessaire ?
Le Comte
…Autrefois tu me disais tout.
Figaro
Et maintenant je ne vous cache rien.
Le Comte
Combien la Comtesse t'a-t-elle donné pour cette belle association ?
Figaro
Combien me donnâtes-vous pour la tirer des mains du docteur ? Tenez, Monseigneur, n'humilions pas l'homme qui nous sert bien, crainte d'en faire un mauvais valet.
Le Comte
Pourquoi faut-il qu'il y ait toujours du louche en ce que tu fais ?
Figaro
C'est qu'on en voit partout quand on cherche des torts.
Le Comte
Une réputation détestable !
Figaro
Et si je vaux mieux qu'elle ? y a-t-il beaucoup de seigneurs qui puissent en dire autant ?
Le Comte
Cent fois je t'ai vu marcher à la fortune, et jamais aller droit.
Figaro
Comment voulez-vous ? la foule est là : chacun veut courir, on se presse, on pousse, on coudoie, on renverse, arrive qui peut ; le reste est écrasé. Aussi c'est fait ; pour moi, j'y renonce.
Le Comte
À la fortune ? (À part.) Voici du neuf.
Figaro
(À part.) À mon tour maintenant. (Haut.) Votre Excellence m'a gratifié de la conciergerie du château ; c'est un fort joli sort ; à la vérité je ne serai pas le courtier étrenné des nouvelles intéressantes ; mais en revanche, heureux avec ma femme au fond de l'Andalousie…
Le Comte
Qui t'empêcherait de l'emmener à Londres ?
Figaro
Il faudrait la quitter si souvent que j'aurais bientôt du mariage par-dessus la tête.
Le Comte
Avec du caractère et de l'esprit, tu pourrais un jour t'avancer dans les bureaux.
Figaro
De l'esprit pour s'avancer ? Monseigneur se rit du mien. Médiocre et rampant ; et l'on arrive à tout.
Le Comte
…Il ne faudrait qu'étudier un peu sous moi la politique.
Figaro
Je la sais.
Le Comte
Comme l'anglais, le fond de la langue !
Figaro
Oui, s'il y avait de quoi se vanter. Mais feindre d'ignorer ce qu'on sait, de savoir tout ce qu'on ignore, d'entendre ce qu'on ne comprend pas, de ne point ouïr ce qu'on entend, surtout de pouvoir au-delà de ses forces ; avoir souvent pour grand secret de cacher qu'il n'y en a point ; s'enfermer pour tailler des plumes et paraître profond, quand on n'est, comme on dit, que vide et creux ; jouer bien ou mal un personnage ; répandre des espions et pensionner des traîtres ; amolir des cachets ; intercepter des lettres ; et tâcher d'ennoblir la pauvreté des moyens par l'importance des objets : voilà toute la politique, ou je meure !
Le Comte
Eh ! c'est l'intrigue que tu définis !
Figaro
La politique, l'intrigue, volontiers ; mais comme je les crois un peu germaines, en fasse qui voudra. « J'aime mieux ma mie, ô gué », comme dit la chanson du bon roi.
Le Comte, à part.
Il veut rester. J'entends… Suzanne m'a trahi.
Figaro, à part.
Je l'enfile et le paye en sa monnaie.
Le Comte
Ainsi tu espères gagner ton procès contre Marceline ?
Figaro
Me feriez-vous un crime de refuser une vieille fille, quand Votre Excellence se permet de nous souffler toutes les jeunes ?
Le Comte, raillant.
Au tribunal, le magistrat s'oublie et ne voit plus que l'ordonnance.
Figaro
Indulgente aux grands, dure aux petits…
Le Comte
Crois-tu donc que je plaisante ?
Figaro
Eh ! qui le sait, Monseigneur ? Tempo è galant'uomo, dit l'italien ; il dit toujours la vérité : c'est lui qui m'apprendra qui me veut du mal ou du bien.
Le Comte, à part.
Je vois qu'on lui a tout dit ; il épousera la duègne.
Figaro, à part.
Il a joué au fin avec moi ; qu'a-t-il appris ?
SCÈNE VI
Le Comte, un Laquais, Figaro.
Le Laquais, annonçant.
Don Gusman Brid'oison.
Le Comte
Brid'oison ?
Figaro
Eh ! sans doute. C'est le juge ordinaire ; le lieutenant du siège ; votre prud'homme.
Le Comte
Qu'il attende.
(Le laquais sort.)
SCÈNE VII
Le Comte, Figaro.
Figaroreste un moment à regarder le Comte qui rêve.
…Est-ce-là ce que Monseigneur voulait ?
Le Comte, revenant à lui.
Moi ?… Je disais d'arranger ce salon pour l'audience publique.
Figaro
Eh, qu'est-ce qu'il manque ? le grand fauteuil pour vous, de bonnes chaises aux prud'hommes, le tabouret du greffier, deux banquettes aux avocats, le plancher pour le beau monde, et la canaille derrière. Je vais renvoyer les frotteurs.
(Il sort.)
SCÈNE VIII
Le Comte, seul.
Le maraud m'embarrassait ! en disputant, il prend son avantage, il vous serre, vous enveloppe… Ah ! friponne et fripon ! vous vous entendez pour me jouer ! Soyez amis, soyez amants, soyez ce qu'il vous plaira, j'y consens ; mais, parbleu, pour époux…
Il Conte
Der Graf
E Susanna? Chi sa ch'ella tradito
Und Susanna? Wer weiß, ob sie nicht etwa mein Geheimnis verraten… O! wenn sie etwas davon geredet hat, so muss er mir die Alte heuraten.
1075
abbia il secreto mio… Oh se ha parlato
gli fo sposar la vecchia…
SCÈNE IX
Suzanne, le Comte.
Susanna
Susanna
Suzanne, essoufflée.
(Marcellina!…) Signor…
(Marzellina!)… Mein Herr…
Monseigneur… pardon, Monseigneur.
Il Conte
Der Graf
Le Comte, avec humeur.
(Serio.)
Cosa bramate?
Was willst du?
Qu'est-ce qu'il y a, mademoiselle ?
Susanna
Susanna
Suzanne
Mi par che siate in collera!
Ich glaube, Sie sind aufgebracht.
Vous êtes en colère !
Il Conte
Der Graf
Le Comte
Volete qualche cosa?
Willst du was haben?
Vous voulez quelque chose apparemment ?
Susanna
Susanna
Suzanne, timidement.
1080
Signor… la vostra sposa
Herr… Ihre Braut hat die gewöhnlichen Ausdünstungen, sie möchte das Geruchfläschen haben.
C'est que ma maîtresse a ses vapeurs. J'accourais vous prier de nous prêter votre flacon d'éther. Je l'aurais rapporté dans l'instant.
ha i soliti vapori
e vi chiede il fiaschetto degli odori.
Il Conte
Der Graf
Prendete.
Da hast du es.
Susanna
Susanna
Or vel riporto.
Gleich bring ich's Ihnen zurück.
Il Conte
Der Graf
Le Comtele lui donne.
Eh no, potete
Es ist nicht nötig, du kannst es für dich behalten.
Non, non, gardez-le pour vous-même. Il ne tardera pas à vous être utile.
ritenerlo per voi.
Susanna
Susanna
Suzanne
Per me? Scusate,
Für mich? Vergeben Sie, solche Krankheiten sind gemeinen Frauenzimmern nicht eigen.
Est-ce que les femmes de mon état ont des vapeurs, donc ? c'est un mal de condition qu'on ne prend que dans les boudoirs.
1085
questi non sono mali
da donne triviali.
Il Conte
Der Graf
Le Comte
Un'amante che perde il caro sposo
Eine Liebende, die ihren geliebten Bräutigam verlieret, eben da sie ihn erhalten solle…
Une fiancée bien éprise, et qui perd son futur…
sul punto d'ottenerlo…
Susanna
Susanna
Suzanne
Pagando Marcellina
Wenn ich aber die Marzellina bezahle mit dem Heuratgute, so Sie mir versprachen…
En payant Marceline avec la dot que vous m'avez promise…
1090
co la dote che voi mi prometteste…
Il Conte
Der Graf
Le Comte
Ch'io vi promisi? Quando?
Was? Ich hab es dir versprochen? Wann?
Que je vous ai promise, moi ?
Susanna
Susanna
Suzanne, baissant les yeux.
Credea d'averlo inteso…
Ich glaubte, es so verstanden zu haben.
Monseigneur, j'avais cru l'entendre.
Il Conte
Der Graf
Le Comte
Sì, se voluto aveste
Kann sein, wenn du mich hättest verstehen wollen.
Oui, si vous consentiez à m'entendre vous-même.
intender me voi stessa.
Susanna
Susanna
Suzanne, les yeux baissés.
1095
È questo il mio dovere,
Es ist meine Schuldigkeit, und der Wille Euer Exzellenz ist auch der meinige.
Et n'est-ce pas mon devoir d'écouter Son Excellence ?
e quel di Sua Eccellenza è il mio volere.
Il Conte
Der Graf
Le Comte
    Crudel! Perché finora
Grausame! warum hast du mich bis itzt so schmachten lassen?
Pourquoi donc, cruelle fille ! ne me l'avoir pas dit plutôt ?
farmi languir così?
Susanna
Susanna
Suzanne
Signor, la donna ognora
Mein Herr, die Frauenzimmer kommen noch immer früh genug, um ja zu sagen.
Est-il jamais trop tard pour dire la vérité ?
1100
tempo ha dir di sì.
Il Conte
Der Graf
Le Comte
    Dunque in giardin verrai?
Wirst du also in den Garten kommen?
Tu te rendrais sur la brune au jardin ?
Susanna
Susanna
Suzanne
Se piace a voi verrò.
Wenn es Ihnen gefällig ist, so werde ich kommen.
Est-ce que je ne m'y promène pas tous les soirs ?
Il Conte
Der Graf
E non mi mancherai?
Wirst du aber Wort halten?
Susanna
Susanna
No, non vi mancherò.
Ja, gewiss, ich werde es halten.
Il Conte
Der Graf
(Con gioia.)
1105
    Mi sento dal contento
Voll Zufriedenheit hüpft mir das Herz vor Freude.
pieno di gioia il cor.
Susanna
Susanna
Scusatemi se mento,
Vergebt mir, wenn ich lüge, ihr, die ihr Liebe kennet.
voi che intendete amor.
Il Conte
Der Graf
Le Comte
E perché fosti meco
Und warum begegnetest mir heute früh so trotzig?
Tu m'as traité ce matin si durement !
1110
stamattina sì austera?
Susanna
Susanna
Suzanne
Col paggio ch'ivi c'era…
Mit dem Pagen, der da war…
Ce matin ? – et le page derrière le fauteuil ?
Il Conte
Der Graf
Le Comte
Ed a Basilio
Und dem Basilio, der mit dir für mich sprach…
Elle a raison, je l'oubliais. Mais pourquoi ce refus obstiné, quand Bazile, de ma part ?…
che per me ti parlò?…
Susanna
Susanna
Suzanne
Ma qual bisogno
Was haben wir denn vonnöten, dass ein Basilius…
Quelle nécessité qu'un Bazile ?…
abbiam noi che un Basilio…
Il Conte
Der Graf
Le Comte
È vero, è vero.
Wahr ist es, du hast recht; versprichst mir aber… O! wenn du das Versprechen nicht hältst, du mein Engel… Aber die Gräfin wird auf das Fläschen warten.
Elle a toujours raison. Cependant il y a un certain Figaro à qui je crains bien que vous n'ayez tout dit !
Suzanne
Dame ! oui, je lui dis tout – hors ce qu'il faut lui taire.
Le Comte, en riant.
E mi prometti poi…
Ah ! charmante ! Et tu me le promets ? Si tu manquais à ta parole, entendons-nous, mon cœur : point de rendez-vous, point de dot, point de mariage.
1115
Se tu manchi, o cor mio… Ma la Contessa
Suzanne, faisant la révérence.
Mais aussi, point de mariage, point de droit du seigneur, Monseigneur.
Le Comte
attenderà il fiaschetto.
Où prend-elle ce qu'elle dit ? d'honneur j'en rafollerai ! Mais ta maîtresse attend le flacon…
Susanna
Susanna
Suzanne, riant et rendant le flacon.
Eh fu un pretesto:
Es war nur ein Vorwand, ich hätte sonst mit Ihnen nicht gesprochen.
Aurais-je pu vous parler sans un prétexte ?
parlato io non avrei senza di questo.
Il Conte
Der Graf
Le Comteveut l'embrasser.
(Le prende la mano.)
Carissima!
Allerliebste!
Délicieuse créature !
(Er will sie bei der Hand nehmen, sie aber ziehet sich zurück.)
Susanna
Susanna
Suzannes'échappe.
(Si ritira.)
Vien gente.
Es kömmt jemand.
Voilà du monde.
Il Conte
Der Graf
Le Comte, à part.
(für sich, aber Susanna bleibt rückwärts stehen und hört ihm zu)
(È mia senz'altro.)
Sie ist gewiss mein.
Elle est à moi. (Il s'enfuit.)
Susanna
Susanna
Suzanne
(Forbitevi la bocca, o signor scaltro.)
Wischen Sie sich den Mund ab, listiger Herr.
Allons vite rendre compte à Madame.
SCENA III
Dritter Auftritt
SCÈNE X
Figaro, la Susanna e il Conte.
Figaro, Susanna und gleich darauf der Graf.
Suzanne, Figaro.
Figaro
Figaro
Figaro
1120
Ehi Susanna, ove vai?
Wohin? Susanna, wohin?
Suzanne, Suzanne ! où cours-tu donc si vite en quittant Monseigneur ?
Susanna
Susanna
Suzanne
Taci: senza avvocato
Still: Du hast ohne Advokaten den Prozess gewonnen.
Plaide à présent, si tu le veux ; tu viens de gagner ton procès. (Elle s'enfuit.)
hai già vinta la causa.
(Entra.)
(gehet ab)
Figaro
Figaro
Figarola suit.
(folgt ihr nach)
Cosa è nato?
Was ist geschehen?
Ah ! mais, dis donc…
(La segue.)
SCÈNE XI
Le Comte rentre seul.
Il Conte
Der Graf
"Hai già vinta la causa"! Cosa sento!
Du hast den Prozess schon gewonnen! Was hör ich? In was für ein Netz wäre ich gefallen? Boshafte! ich will euch nach Verdienste strafen… Der Ausspruch soll nach meinem Gutdünken ausfallen… Aber wenn er die Alte bezahlete? Sie bezahlen? Und wie… Wenn auch, so will Anton ohnehin dem Figaro als einem Unbekannten seine Nichte zur Ehe nicht geben. Ich will dem Hochmute dieses Blödsinnigen willfahren, und… alles kann zu einem Aufschube beitragen… Die Anstalt ist getroffen.
« Tu viens de gagner ton procès » ! – Je donnais là dans un bon piège ! Ô mes chers insolents ! je vous punirai de façon… Un bon arrêt, bien juste… mais s'il allait payer la duègne… avec quoi ?… s'il payait… Eeeeh ! n'ai-je pas le fier Antonio, dont le noble orgueil dédaigne en Figaro un inconnu pour sa nièce ? En caressant cette manie… pourquoi non ? dans le vaste champ de l'intrigue, il faut savoir tout cultiver, jusqu'à la vanité d'un sot. (Il appelle.) Anto… (Il voit entrer Marceline, etc.)
In qual laccio io cadea!
Perfidi! Io voglio
1125
di tal modo punirvi!… A piacer mio
la sentenza sarà…
Ma s'ei pagasse
la vecchia pretendente?
Pagarla!… In qual maniera?… E poi v'è Antonio
che a un incognito Figaro ricusa
1130
di dare una nipote in matrimonio.
Coltivando l'orgoglio
di questo mentecatto…
Tutto giova a un raggiro… Il colpo è fatto.
    Vedrò, mentr'io sospiro,

     Ich sollte meinen Diener glücklich werden lassen, um selbst noch mehr zu seufzen? Er soll den Besitz eines Guts erlangen, wornach ich mich schon lange schmachtend sehne?

     Soll ich es ertragen, dass jene, die in mir die Liebesflammen rege machte, die sie dann für mich nicht hat, so einem Niederträchtigen von der Hand der Liebe selbst gegeben werde?
1135
felice un servo mio?
E un ben che invan desio
ei posseder dovrà?
    Vedrò per man d'amore
unita a un vile oggetto
1140
chi in me destò un affetto
che per me poi non ha?
    Ah no, lasciarti in pace,

     Nein, du sollst dies Vergnügen in Ruhe nicht genießen; du bist nicht der, der mir eine Pein zu verursachen vermag und noch meines Unglücks spotten könnte.
non vo' questo contento;
tu non nascesti, audace,
1145
per dare a me tormento
e forse ancor per ridere
di mia infelicità.
    Già la speranza sola

     Schön tröstet die bloße Hoffnung der Rache meine bedrängte Seele und machet mich freudenvoll.
de le vendette mie
1150
quest'anima consola
e giubilar mi fa.
(Vuol partire e s'incontra in Don Curzio.)
(Il sort.)
SCÈNE XII
Bartholo, Marceline, Brid’oison.
Marceline, à Brid'oison.
Monsieur, écoutez mon affaire.
Brid'oison, en robe, et bégayant un peu.
Eh bien ! pa-arlons-en verbalement.
Bartholo
C'est une promesse de mariage.
Marceline
Accompagnée d'un prêt d'argent.
Brid'oison
J'en-entends, et cætera, le reste.
Marceline
Non, monsieur, point d'et cætera.
Brid'oison
J'en-entends : vous avez la somme ?
Marceline
Non, monsieur, c'est moi qui l'ai prêtée.
Brid'oison
J'en-entends bien : vou-ous redemandez l'argent ?
Marceline
Non, monsieur ; je demande qu'il m'épouse.
Brid'oison
Eh, mais, j'en-entends fort bien ; et lui, veu-eut-il vous épouser ?
Marceline
Non, monsieur ; voilà tout le procès !
Brid'oison
Croyez-vous que je ne l'en-entende pas, le procès ?
Marceline
Non, monsieur. (À Bartholo.) Où sommes-nous ! (À Brid'oison.) Quoi ! c'est vous qui nous jugerez ?
Brid'oison
Est-ce que j'ai a-acheté ma charge pour autre chose ?
Marceline, en soupirant.
C'est un grand abus que de les vendre !
Brid'oison
Oui, l'on-on ferait mieux de nous les donner pour rien. Contre qui plai-aidez-vous ?
SCÈNE XIII
Bartholo, Marceline, Brid’oison; Figaro rentre en se frottant les mains.
Marceline, montrant Figaro.
Monsieur, contre ce malhonnête homme.
Figaro, très gaiement, à Marceline.
Je vous gêne, peut-être. – Monseigneur revient dans l'instant, monsieur le conseiller.
Brid'oison
J'ai vu ce ga-arçon-là quelque part.
Figaro
Chez madame votre femme, à Séville, pour la servir, monsieur le conseiller.
Brid'oison
Dan-ans quel temps ?
Figaro
Un peu moins d'un an avant la naissance de monsieur votre fils, le cadet, qui est un bien joli enfant, je m'en vante.
Brid'oison
Oui, c'est le plus jo-oli de tous. On dit que tu-u fais ici des tiennes ?
Figaro
Monsieur est bien bon. Ce n'est là qu'une misère.
Brid'oison
Une promesse de mariage ! A-ah ! le pauvre benêt !
Figaro
Monsieur…
Brid'oison
A-t-il vu mon-on secrétaire, ce bon garçon ?
Figaro
N'est-ce pas Double-Main, le greffier ?
Brid'oison
Oui, c'est qu'il mange à deux râteliers.
Figaro
Manger ! je suis garant qu'il dévore. Oh que oui, je l'ai vu, pour l'extrait et pour le supplément d'extrait ; comme cela se pratique, au reste.
Brid'oison
On-on doit remplir les formes.
Figaro
Assurément, monsieur : si le fond des procès appartient aux plaideurs, on sait bien que la forme est le patrimoine des tribunaux.
Brid'oison
Ce garçon-là n'è-est pas si niais que je l'avais cru d'abord. Eh bien, l'ami, puisque tu en sais tant, nou-ous aurons soin de ton affaire.
Figaro
Monsieur, je m'en rapporte à votre équité, quoique vous soyez de notre justice.
Brid'oison
Hein ?… Oui, je suis de la-a justice. Mais si tu dois et que tu-u ne payes pas ?…
Figaro
Alors Monsieur voit bien que c'est comme si je ne devais pas.
Brid'oison
San-ans doute. – Eh mais ! qu'est-ce donc qu'il dit ?
SCÈNE XIV
Bartholo, Marceline, le Comte, Brid’oison, Figaro, un Huissier.
L'Huissier, précédant le Comte, crie.
Monseigneur, messieurs.
Le Comte
En robe ici, seigneur Brid'oison ! ce n'est qu'une affaire domestique : l'habit de ville était trop bon.
Brid'oison
C'è-est vous qui l'êtes, Monsieur le Comte. Mais je ne vais jamais san-ans elle ; parce que la forme, voyez-vous, la forme ! Tel rit d'un juge en habit court, qui-i tremble au seul aspect d'un procureur en robe. La forme, la-a forme !
Le Comte, à l'huissier.
Faites entrer l'audience.
L'Huissierva ouvrir en glapissant.
L'audience !
SCENA IV
Vierter Auftritt
SCÈNE XV
Il Conte, Marcellina, Don Curzio, Figaro, Bartolo; poi Susanna.
Der Graf, die Marzellina, Don Curzio, Figaro, Bartholo.
Les acteurs précedents, Antonio, les valets du château, les paysans et paysannes en habits de fête; le Comte s'assied sur le grand fauteuil, Brid’oison sur une chaise à côté; le Greffier sur le tabouret derrière sa table; les juges, les advocats sur les banquettes; Marceline à côté de Bartholo; Figaro sur l'autre banquette; les paysans et valets debout derrière.
Brid'oison, à Double-Main.
Double-Main, a-appelez les causes.
Double-Mainlit un papier.
Noble, très noble, infiniment noble, Dom Pedro George, Hidalgo, baron de Los Altos, y Montes Fieros, y otros montes ; contre Alonzo Calderon, jeune auteur dramatique. Il est question d'une comédie mort-née, que chacun désavoue et rejette sur l'autre.
Le Comte
Ils ont raison tous deux. Hors de Cour. S'ils font ensemble un autre ouvrage, pour qu'il marque un peu dans le grand monde, ordonné que le noble y mettra son nom, le poète son talent.
Double-Mainlit un autre papier.
André Petrutchio, laboureur ; contre le receveur de la province. Il s'agit d'un forcement arbitraire.
Le Comte
L'affaire n'est pas de mon ressort. Je servirai mieux mes vassaux en les protégeant près du Roi. Passez.
Double-Mainen prend un troisième.
(Bartholo et Figaro se lèvent.)
Barbe-Agar-Raab-Magdelène-Nicole-Marceline de Verte-Allure, fille majeure ; (Marceline se lève et salue.) contre Figaro… nom de baptême en blanc ?
Figaro
Anonyme.
Brid'oison
A-anonyme ! Què-el patron est-ce-là ?
Figaro
C'est le mien.
Double-Mainécrit.
Contre anonyme Figaro. Qualités ?
Figaro
Gentilhomme.
Le Comte
Vous êtes gentilhomme ? (Le greffier écrit.)
Figaro
Si le Ciel l'eût voulu, je serais fils d'un prince.
Le Comte, au greffier.
Allez.
L'Huissier, glapissant.
Silence, messieurs.
Double-Mainlit.
…Pour cause d'opposition faite au mariage dudit Figaro, par ladite de Verte-Allure. Le docteur Bartholo plaidant pour la demanderesse, et ledit Figaro pour lui-même ; si la Cour le permet, contre le vœu de l'usage, et la jurisprudence du siège.
Figaro
L'usage, maître Double-Main, est souvent un abus ; le client un peu instruit sait toujours mieux sa cause que certains avocats qui, suant à froid, criant à tue tête, et connaissant tout, hors le fait, s'embarrassent aussi peu de ruiner le plaideur que d'ennuyer l'auditoire, et d'endormir Messieurs ; plus boursoufflés après que s'ils eussent composé l'Oratio pro Murena ; moi je dirai le fait en peu de mots. Messieurs…
Double-Main
En voilà beaucoup d'inutiles, car vous n'êtes pas demandeur et n'avez que la défense. Avancez, docteur, et lisez la promesse.
Figaro
Oui, promesse !
Bartholo, mettant ses lunettes.
Elle est précise.
Brid'oison
I-il faut la voir.
Double-Main
Silence donc, messieurs.
L'Huissier, glapissant.
Silence.
Barthololit.
« Je soussigné reconnais avoir reçu de damoiselle, etc., Marceline de Verte-Allure, dans le château d'Aguas-Frescas, la somme de deux mille piastres fortes cordonnées ; laquelle somme je lui rendrai à sa réquisition, dans ce château, et je l'épouserai, par forme de reconnaissance, etc. » Signé Figaro, tout court. Mes conclusions sont au payement du billet, et à l'exécution de la promesse, avec dépens. (Il plaide.) Messieurs… jamais cause plus intéressante ne fut soumise au jugement de la Cour ! et depuis Alexandre le Grand, qui promit mariage à la belle Thalestris…
Le Comte, interrompant.
Avant d'aller plus loin, avocat… convient-on de la validité du titre ?
Brid'oison, à Figaro.
Qu'oppo… qu'oppo-osez-vous à cette lecture ?
Figaro
Qu'il y a, messieurs, malice, erreur, ou distraction dans la manière dont on a lu la pièce ; car il n'est pas dit dans l'écrit : « laquelle somme je lui rendrai et je l'épouserai » ; mais : « laquelle somme je lui rendrai ou je l'épouserai » ; ce qui est bien différent.
Le Comte
Y a-t-il et dans l'acte, ou bien ou ?
Bartholo
Il y a et.
Figaro
Il y a ou.
Brid'oison
Dou-ouble-Main, lisez vous-même.
Double-Main, prenant le papier.
Et c'est le plus sûr ; car souvent les parties déguisent en lisant. (Il lit.) « E, e, e, damoiselle e, e, e, de Verte-allure e, e, e… Ha ! laquelle somme je lui rendrai à sa réquisition, dans ce château… etouetou… » Le mot est si mal écrit… il y a un pâté.
Brid'oison
Un pâ-âté ? je sais ce que c'est.
Bartholo, plaidant.
Je soutiens, moi, que c'est la conjonction copulative et qui lie les membres corrélatifs de la phrase : je paierai la demoiselle et je l'épouserai.
Figaro, plaidant.
Je soutiens, moi, que c'est la conjonction alternative ou qui sépare lesdits membres ; je payerai la donzelle ou je l'épouserai : à pédant, pédant et demi ; qu'il s'avise de parler latin, j'y suis grec ; je l'extermine.
Le Comte
Comment juger pareille question ?
Bartholo
Pour la trancher, messieurs, et ne plus chicaner sur un mot, nous passons qu'il y ait ou.
Figaro
J'en demande acte.
Bartholo
Et nous y adhérons. Un si mauvais refuge ne sauvera pas le coupable : examinons le titre en ce sens. (Il lit.) « Laquelle somme je lui rendrai dans ce château je l'épouserai ». C'est ainsi qu'on dirait, messieurs : « vous vous ferez saigner dans ce lit vous resterez chaudement », c'est « dans lequel ».
« Il prendra deux gros de rhubarbe vous mêlerez un peu de tamarin » ; dans lesquels on mêlera. Ainsi « château je l'épouserai », messieurs, c'est « château dans lequel »…
Figaro
Point du tout : la phrase est dans le sens de celle-ci : « ou la maladie vous tuera, ou ce sera le médecin ; ou bien le médecin » ; c'est incontestable. Autre exemple : « ou vous n'écrirez rien qui plaise, ou les sots vous dénigreront ; ou bien les sots » ; le sens est clair ; car, audit cas, « sots ou méchants » sont le substantif qui gouverne. Maître Bartholo croit-il donc que j'aie oublié ma syntaxe ? Ainsi, je la payerai dans ce château, virgule ; ou je l'épouserai…
Bartholo, vite.
Sans virgule.
Figaro, vîte.
Elle y est. C'est virgule, messieurs, ou bien je l'épouserai.
Bartholo, regardant le papier; vite.
Sans virgule, messieurs.
Figaro, vite.
Elle y était, messieurs. D'ailleurs, l'homme qui épouse est-il tenu de rembourser ?
Bartholo, vite.
Oui ; nous nous marions séparés de biens.
Figaro, vite.
Et nous de corps, dès que mariage n'est pas quittance. (Les juges se lèvent et opinent tout bas.)
Bartholo
Plaisant acquittement !
Double-Main
Silence, messieurs.
L'Huissier, glapissant.
Silence.
Bartholo
Un pareil fripon appelle cela payer ses dettes !
Figaro
Est-ce votre faute, avocat, que vous plaidez ?
Bartholo
Je défends cette demoiselle.
Figaro
Continuez à déraisonner ; mais cessez d'injurier. Lorsque, craignant l'emportement des plaideurs, les tribunaux ont toléré qu'on appelât des tiers, ils n'ont pas entendu que ces défenseurs modérés deviendraient impunément des insolents privilégiés. C'est dégrader le plus noble institut. (Les juges continuent d'opiner bas.)
Antonio, à Marceline, montrant les juges.
Qu'ont-ils tant à balbucifier ?
Marceline
On a corrompu le grand juge, il corrompt l'autre, et je perds mon procès.
Bartholo, bas, d'un ton sombre.
J'en ai peur.
Figaro, gaiement.
Courage, Marceline.
Double-Mainse lève; à Marceline.
Ah, c'est trop fort ! je vous dénonce ; et pour l'honneur du tribunal, je demande qu'avant faire droit sur l'autre affaire, il soit prononcé sur celle-ci.
Le Comtes'assied.
Non, greffier, je ne prononcerai point sur mon injure personnelle : un juge espagnol n'aura point à rougir d'un excès digne au plus des tribunaux asiatiques : c'est assez des autres abus ! J'en vais corriger un second en vous motivant mon arrêt : tout juge qui s'y refuse est un grand ennemi des lois ! Que peut requérir la demanderesse ? mariage à défaut de paiement ; les deux ensemble impliqueraient.
Double-Main
Silence, messieurs !
L'Huissier, glapissant.
Silence !
Le Comte
Que nous répond le défendeur ? qu'il veut garder sa personne ; à lui permis.
Figaro, avec joie.
J'ai gagné.
Don Curzio
Don Curzio
Le Comte
È decisa la lite.
Der Handel ist entschieden: Entweder bezahlen oder sie heuraten. Nun verstummet ihr.
Mais comme le texte dit : « laquelle femme je payerai à la première réquisition, ou bien j'épouserai, etc. », la Cour condamne le défendeur à payer deux mille piastres fortes à la demanderesse, ou bien à l'épouser dans le jour. (Il se lève.)
"O pagarla o sposarla." Ora ammutite.
Figaro, stupéfait.
J'ai perdu.
Antonio, avec joie.
Superbe arrêt.
Figaro
En quoi superbe ?
Antonio
En ce que tu n'es plus mon neveu. Grand merci, Monseigneur.
L'Huissier, glapissant.
Passez, messieurs. (Le peuple sort.)
Antonio
Je m'en vas tout conter à ma nièce. (Il sort.)
SCÈNE XVI
Le Comte, allant de côté et d'autre; Marceline, Bartholo, Figaro, Brid’oison.
Marcellina
Marzellina
Marcelines'assied.
Io respiro.
Ich erhohle mich!
Ah ! je respire.
Figaro
Figaro
Figaro
Ed io moro.
Und ich sterbe.
Et moi, j'étouffe.
Le Comte, à part.
Au moins je suis vengé, cela soulage.
Marcellina
Marzellina
1155
(Alfin sposa io sarò d'un uom che adoro.)
(Endlich werde ich doch die Braut desjenigen sein, den ich anbete.)
Figaro
Figaro
Figaro, à part.
Eccellenza, m'appello…
Euer Exzellenz, ich provoziere – – –
Et ce Bazile qui devait s'opposer au mariage de Marceline ; voyez comme il revient ! – (Au Comte qui sort.) Monseigneur, vous nous quittez ?
Il Conte
Der Graf
Le Comte
È giusta la sentenza.
Der Ausspruch ist gerecht. Entweder zahlen oder sie heuraten; so ist recht, Don Curz!
Tout est jugé.
O pagar o sposar. Bravo, Don Curzio.
Figaro, à Brid'oison.
C'est ce gros enflé de conseiller…
Brid'oison
Moi, gro-os enflé !
Don Curzio
Don Curzio
Bontà di Sua Eccellenza.
Bloße Güte, Euer Exzellenz.
Bartolo
Bartholo
1160
Che superba sentenza!
Vortrefflicher Ausspruch!
Figaro
Figaro
In che superba?
Warum vortrefflich?
Bartolo
Bartholo
Siam tutti vendicati.
Wir sind dadurch alle gerächet.
Figaro
Figaro
Figaro
Io non la sposerò.
Ich heirate sie nicht.
Sans doute. Et je ne l'épouserai pas : je suis gentilhomme une fois. (Le Comte s'arrête.)
Bartolo
Bartholo
Bartholo
La sposerai.
Du wirst sie gewiss heuraten!
Vous l'épouserez.
Don Curzio
Don Curzio
O pagarla o sposarla.
Entweder zahlen oder heuraten!
Marcellina
Marzellina
Io t'ho prestati
Ich habe dir 2000 Dukaten geliehen.
1165
duemila pezzi duri.
Figaro
Figaro
Figaro
Son gentiluomo, e senza
Ich bin ein Edelmann, und ohne Einwilligung meiner adelichen Herren Ältern – – – –
Sans l'aveu de mes nobles parents ?
l'assenso de' miei nobili parenti…
Il Conte
Der Graf
Bartholo
(in einem hämischen Ton)
Dove sono? Chi sono?…
Wo sind sie? Wer sind sie?
Nommez-les, montrez-les.
Figaro
Figaro
Figaro
Lasciate ancor cercarli:
Erlauben Sie mir, selben nachzusuchen. In zehen Jahren hoffe ich sie zu finden.
Qu'on me donne un peu de temps : je suis bien près de les revoir ; il y a quinze ans que je les cherche.
1170
dopo dieci anni io spero di trovarli.
Bartolo
Bartholo
Bartholo
(höhnisch)
Qualche bambin trovato.
Etwa ein Findelkind!
Le fat ! c'est quelqu'enfant trouvé !
Figaro
Figaro
Figaro
No, perduto, dottor, anzi rubato.
Nein, Doktor, ein verlornes, wohl gar ein geraubtes!
Enfant perdu, docteur ; ou plutôt enfant volé.
Il Conte
Der Graf
Come?
Wie?
Marcellina
Marzellina
Cosa?
Was?
Bartolo
Bartholo
Le Comterevient.
La pruova?
Ein Beweis?
« Volé, perdu », la preuve ? il crierait qu'on lui fait injure !
Don Curzio
Don Curzio
Il testimonio?
Ein Zeuge?
Figaro
Figaro
Figaro
L'oro, le gemme e i ricamati panni
Das Gold, die Edelgesteine, der reichgestickte Zeug, so die Seeräuber in meinen Kindesjahren an mir gefunden haben, beweisen genugsam, dass ich von adelicher Herkunft sei, vor allen anderen aber ein in meinen Arm eingeprägtes hieroglyphisches Zeichen…
Monseigneur, quand les langes à dentelles, tapis brodés et joyaux d'or trouvés sur moi par les brigands n'indiqueraient pas ma haute naissance, la précaution qu'on avait prise de me faire des marques distinctives témoignerait assez combien j'étais un fils précieux ; et cet hiéroglyphe à mon bras… (Il veut se dépouiller le bras droit.)
1175
che ne' più teneri anni
mi ritrovaro addosso i masnadieri
sono gli indizi veri
di mia nascita illustre, e sopra tutto
questo al mio braccio impresso geroglifico…
Marcellina
Marzellina
Marceline, se levant vivement.
1180
Una spatola impressa al braccio destro…
Ein in den rechten Arm eingeprägter Apothekerspatel…
Une spatule à ton bras droit ?
Figaro
Figaro
Figaro
E a voi chi 'l disse?
Und wer hat es dir gesagt?
D'où savez-vous que je dois l'avoir ?
Marcellina
Marzellina
Marceline
Oddio!
O Gott… er ist…
Dieux ! c'est lui !
È egli…
Figaro
Figaro
Figaro
È ver, son io.
Ja, ich bin's.
Oui, c'est moi.
Don Curzio
Don Curzio, der Graf, Bartholo
Bartholo, à Marceline.
Chi?
Wer?
Et qui ? lui !
Il Conte
Chi?
Bartolo
Chi?
Marcellina
Marzellina
Marceline, vivement.
Raffaello.
Rafael.
C'est Emmanuel.
Bartolo
Bartholo
Bartholo, à Figaro.
E i ladri ti rapir…
Und die Diebe haben dich geraubet?…
Tu fus enlevé par des bohémiens ?
Figaro
Figaro
Figaro, exalté.
…presso un castello.
Nahe an einem Schlosse.
Tout près d'un château. Bon docteur, si vous me rendez à ma noble famille, mettez un prix à ce service ; des monceaux d'or n'arrêteront pas mes illustres parents.
Bartolo
Bartholo
Bartholo, montrant Marceline.
1185
Ecco tua madre.
Sieh deine Mutter.
Voilà ta mère.
Figaro
Figaro
Figaro
Balia…
Meine Säugamme!…
…Nourrice ?
Bartolo
Bartholo
Bartholo
No, tua madre.
Nein, deine Mutter.
Ta propre mère.
Don Curzio, il Conte
Don Curzio, der Graf
Le Comte
Sua madre!
Seine Mutter.
Sa mère !
Figaro
Figaro
Figaro
Cosa sento!
Was hör ich!
Expliquez-vous.
Marcellina
Marzellina
Marceline, montrant Bartholo.
Ecco tuo padre.
Sieh, dieser ist dein Vater.
Voilà ton père.
Figaro, désolé.
Oh oh oh ! aïe de moi !
Marceline
Est-ce que la nature ne te l'a pas dit mille fois ?
Figaro
Jamais.
Le Comte, à part.
Sa mère !
Marcellina
Marzellina
(Corre ad abbracciar Figaro.)
(läuft zu Figaro und umarmet ihn)
    Riconosci in questo amplesso
Erkenne deine Mutter bei dieser Umarmung, geliebter Sohn.
una madre, amato figlio!
Figaro
Figaro
(A Bartolo.)
Padre mio, fate lo stesso,
Lieber Vater, tu das nämliche, lass mich nicht erröten.
1190
non mi fate più arrossir.
Bartolo
Bartholo
(Abbraccia Figaro e restano così fino al verso "Lascia, iniquo".)
(umarmt Figaro und sie bleiben so bis zum Worte "Lass mich")
    Resistenza la coscienza
Das Gewissen kann deinem Verlangen nicht widerstehen.
far non lascia al tuo desir.
Don Curzio
Don Curzio
Brid'oison
Ei suo padre, ella sua madre:
Er sein Vater, sie seine Mutter, die Heurat kann nicht erfolgen.
C'est clair, i-il ne l'épousera pas.
l'imeneo non può seguir.
Ce qui suit, enfermé entre ces deux index, a été retranché par les Comédiens-Français aux représentations de Paris.Bartholo
Ni moi non plus.
Marceline
Ni vous ! et votre fils ? vous m'aviez juré…
Bartholo
J'étais fou. Si pareils souvenirs engageaient, on serait tenu d'épouser tout le monde.
Brid'oison
E-et si l'on y regardait de si près, per-ersonne n'épouserait personne.
Bartholo
Des fautes si connues ! une jeunesse déplorable !
Marceline, s'échauffant par degrés.
Oui, déplorable, et plus qu'on ne croit ! Je n'entends pas nier mes fautes, ce jour les a trop bien prouvées ! mais qu'il est dur de les expier après trente ans d'une vie modeste ! J'étais née, moi, pour être sage, et je la suis devenue sitôt qu'on m'a permis d'user de ma raison. Mais dans l'âge des illusions, de l'inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiègent, pendant que la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant à tant d'ennemis rassemblés ? Tel nous juge ici sévèrement, qui, peut-être, en sa vie a perdu dix infortunées !
Figaro
Les plus coupables sont les moins généreux ! c'est la règle.
Marceline, vivement.
Hommes plus qu'ingrats, qui flétrissez par le mépris les jouets de vos passions, vos victimes ! c'est vous qu'il faut punir des erreurs de notre jeunesse ; vous et vos magistrats, si vains du droit de nous juger, et qui nous laissent enlever, par leur coupable négligence, tout honnête moyen de subsister. Est-il un seul état pour les malheureuses filles ? Elles avaient un droit naturel à toute la parure des femmes : on y laisse former mille ouvriers de l'autre sexe.
Figaro, en colère.
Ils font broder jusqu'aux soldats !
Marceline, exaltée.
Dans les rangs mêmes plus élevés, les femmes n'obtiennent de vous qu'une considération dérisoire ; leurrées de respects apparents, dans une servitude réelle ; traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes ! ah ! sous tous les aspects, votre conduite avec nous fait horreur ou pitié !
Figaro
Elle a raison !
Le Comte, à part.
Que trop raison !
Brid'oison
Elle a, mon-on Dieu, raison.
Marceline
Mais que nous sont, mon fils, les refus d'un homme injuste ? ne regarde pas d'où tu viens, vois où tu vas ; cela seul importe à chacun. Dans quelques mois, ta fiancée ne dépendra plus que d'elle-même ; elle t'acceptera, j'en réponds : vis entre une épouse, une mère tendres qui te chériront à qui mieux mieux. Sois indulgent pour elles, heureux pour toi, mon fils ; gai, libre, et bon pour tout le monde : il ne manquera rien à ta mère.
Figaro
Tu parles d'or, maman, et je me tiens à ton avis. Qu'on est sot, en effet ! il y a des mille, mille ans que le monde roule, et dans cet océan de durée où j'ai par hasard attrapé quelques chétifs trente ans qui ne reviendront plus, j'irais me tourmenter pour savoir à qui je les dois ! tant pis pour qui s'en inquiète ! Passer ainsi la vie à chamailler, c'est peser sur le collier sans relâche, comme les malheureux chevaux de la remonte des fleuves qui ne reposent pas, même quand ils s'arrêtent, et qui tirent toujours quoiqu'ils cessent de marcher. Nous attendrons… ←
Il Conte
Der Graf
Le Comte
1195
Son deluso, son confuso;
Ich bin verwirret, bin betrogen, besser ist es, von da wegzugehen.
Sot événement qui me dérange !
meglio è assai di qua partir.
(Il Conte va per partire, Susanna l'arresta.)
Brid'oison, à Figaro.
Et la noblesse et le château ? vous impo-osez à la justice ?
Figaro
Elle allait me faire faire une belle sottise, la justice ! après que j'ai manqué, pour ces maudits cent écus, d'assommer vingt fois monsieur, qui se trouve aujourd'hui mon père ! Mais, puisque le Ciel à sauvé ma vertu de ces dangers, mon père, agréez mes excuses… Et vous, ma mère, embrassez-moi… le plus maternellement que vous pourrez.
(Marceline lui saute au cou.)
SCÈNE XVII
Bartholo, Figaro, Marceline, Brid’oison, Suzanne, Antonio, le Comte.
Susanna
Susanna
Suzanne, accourant une bourse à la main.
    Alto, alto, signor Conte,
Halt! Halt! Herr Graf! hier sind die 2000 Dukaten; ich bezahle für den Figaro, damit er in Freiheit gestellt werde.
Monseigneur, arrêtez ; qu'on ne les marie pas : je viens payer madame avec la dot que ma maîtresse me donne.
mille doppie son qui pronte:
a pagar vengo per Figaro
1200
ed a porlo in libertà.
Le Comte, à part.
Au diable la maîtresse ! Il semble que tout conspire…
(Il sort.)
SCÈNE XVIII
Bartholo, Antonio, Suzanne, Figaro, Marceline, Brid’oison.
Il Conte, Don Curzio
Der Graf, Don Curzio
Antonio, voyant Figaro embrasser sa mère, dit à Suzanne.
    Non sappiam com'è la cosa,
Wir wissen nicht, wie es sich mit der Sache verhalte. Wende einen Blick ein wenig hin.
Ah ! oui, payer ! Tiens, tiens.
osservate un poco là.
Suzannese retourne.
J'en vois assez : sortons, mon oncle.
Figaro, l'arrêtant.
Non, s'il vous plaît. Que vois-tu donc ?
Suzanne
Ma bêtise et ta lâcheté.
Figaro
Pas plus de l'une que de l'autre.
Susanna
Susanna
Suzanne, en colère.
(Si volge e vede Figaro che abbraccia Marcellina.)
Già d'accordo ei se la sposa:
Er hat schon eingewilliget, sie zu heuraten! Gerechter Himmel! welch eine Untreue! Lass mich gehen, Treuloser.
Et que tu l'épouses à gré, puisque tu la caresses.
giusto ciel, che infedeltà!
(Vuol partire.)
1205
    Lascia, iniquo.
Figaro
Figaro
Figaro, gaiement.
No, t'arresta.
O bleibe doch, höre, meine Liebe!
Je la caresse ; mais je ne l'épouse pas.
Senti, o cara…
(Figaro la trattiene: ella fa forza, poi dà uno schiaffo a Figaro.)
(Figaro will sie aufhalten: Susanna macht sich los und gibt ihm eine Ohrfeige.)
(Suzanne veut sortir, Figaro la retient.)
Susanna
Susanna
Suzannelui donne un soufflet.
Senti questa.
Höre dieses.
Vous êtes bien insolent d'oser me retenir !
Bartolo, Figaro, Marcellina
Bartholo, Figaro, Marzellina
Figaro, à la compagnie.
È un effetto di bon core,
Es kömmt aus gutem Herzen: Was sie tut, das tut sie aus Liebe.
C'est-il çà de l'amour ? Avant de nous quitter, je t'en supplie, envisage bien cette chère femme-là.
tutto amore è quel che fa.
Il Conte, Don Curzio
Der Graf, Don Curzio
Fremo|Freme, smanio|smania dal furore,
Ich zittre|Er zittert, ich tobe|er tobet vor Wut, das Schicksal hat mich|ihn getroffen.
1210
il destino me la|gliela fa.
Susanna
Susanna
Suzanne
Fremo, smanio dal furore,
Ich zittre, ich tobe vor Wut, eine Alte hat über mich gesieget.
Je la regarde.
Figaro
Et tu la trouves ?
Suzanne
una vecchia a me la fa.
Affreuse.
Figaro
Et vive la jalousie ! elle ne vous marchande pas.
Marcellina
Marzellina
Marceline, les bras ouverts.
(Corre ad abbracciar Susanna.)
    Lo sdegno calmate,
Stille deinen Zorn, meine liebe Tochter; umarme seine Mutter, die bald die deine wird.
Embrasse ta mère, ma jolie Suzanette. Le méchant qui te tourmente est mon fils.
mia cara figliuola,
1215
sua madre abbracciate
che vostra or sarà.
Susanna
Susanna
Suzannecourt à elle.
    Sua madre?
Seine Mutter?
Vous sa mère ! (Elles restent dans les bras l'une de l'autre.)
Antonio
C'est donc de tout à l'heure ?
Figaro
…Que je le sais.
Marceline, exaltée.
Non, mon cœur entraîné vers lui ne se trompait que de motif ; c'était le sang qui me parlait.
Figaro
Et moi le bon sens, ma mère, qui me servait d'instinct quand je vous refusais, car j'étais loin de vous haïr ; témoin l'argent…
Tutti
Alle
(A Susanna.)
Sua madre.
Seine Mutter.
Figaro
Figaro
(A Susanna.)
E quello è mio padre
Und der ist mein Vater, der es dir sagen wird.
che a te lo dirà.
Susanna
Susanna
1220
    Suo padre?
Sein Vater?
Tutti
Alle
(A Susanna.)
Suo padre.
Sein Vater.
Figaro
Figaro
(A Susanna.)
E quella è mia madre
Und jene meine Mutter, die es dir sagen wird.
che a te lo dirà.
(Corrono tutti quattro ad abbracciarsi.)
(Alle laufen zusammen und umarmen sich.)
Susanna, Figaro, Bartolo, Marcellina
Susanna, Figaro, Bartholo, Marzellina
    Al dolce diletto
Ach, welch eine süße Freude durchströmt itzt mein Herz.
che m'agita il petto
1225
quest'anima appena
resistere or sa.
Il Conte, Don Curzio
Der Graf, Don Curzio
    A l'ira, al dispetto
Dem Zorne, der Missgunst, so meinem Herze itzt brennet, kann meine Seele nicht mehr widerstehen.
che m'agita il petto
quest'|quell'anima appena
1230
resistere or sa.
(Il Conte e Don Curzio partono.)
(Der Graf und Don Curzio gehen ab.)
SCENA V
Fünfter Auftritt
Marcellina, Bartolo, Figaro, Susanna.
Marzellina, Bartholo, Figaro, Susanna.
Marcellina
Marzellina
(A Bartolo.)
Eccovi, o caro amico, il dolce frutto
Sieh da, lieber Freund, die zärtliche Frucht unserer alten Liebe – – – –
de l'antico amor nostro…
Bartolo
Bartholo
Or non parliamo
Nun ist es nicht Zeit, von so entlegenen Begebenheiten zu reden; er ist mein Sohn und du meine Ehefrau; die Hochzeit soll geschehen, wann Ihr es wollt.
di fatti sì rimoti; egli è mio figlio,
mia consorte voi siete,
1235
e le nozze farem quando volete.
Marcellina
Marzellina
Marcelinelui remet un papier.
Oggi, e doppie saranno:
Heute, heute! Und es soll eine zweifache Hochzeit geschehen. Da hast du den Schuldschein des Geldes, so du mir schuldig bist: Das soll deine Mitgabe sein.
(Dà il biglietto a Figaro.)
prendi, questo è il biglietto
Il est à toi : reprends ton billet, c'est ta dot.
del danar che a me devi, ed è tua dote.
Susanna
Susanna
Suzannelui jette la bourse.
(Gitta per terra una borsa di danari.)
(wirft ihm einen Beutel zu)
Prendi ancor questa borsa.
Nimm auch diesen Beutel.
Prends encore celle-ci.
Bartolo
Bartholo
(Fa lo stesso.)
(tut das nämliche)
E questa ancora.
Und auch diesen.
Figaro
Figaro
Figaro
1240
Bravi, gittate pur ch'io piglio ognora.
Das ist wohl gut; noch mehr, ich nehme alles an.
Grand merci.
Marceline, exaltée.
Fille assez malheureuse, j'allais devenir la plus misérable des femmes et je suis la plus fortunée des mères ! Embrassez-moi, mes deux enfants ; j'unis dans vous toutes mes tendresses. Heureuse autant que je puis l'être, ah ! mes enfants, combien je vais aimer !
Figaro, attendri, avec vivacité.
Arrête donc, chère mère ! arrête donc ! voudrais-tu voir se fondre en eau mes yeux noyés des premières larmes que je connaisse ? elles sont de joie, au moins. Mais quelle stupidité ! j'ai manqué d'en être honteux : je les sentais couler entre mes doigts, regarde ; (Il montre ses doigts écartés.) et je les retenais bêtement ! va te promener, la honte ! je veux rire et pleurer en même temps ; on ne sent pas deux fois ce que j'éprouve. (Il embrasse sa mère d'un côté, Suzanne de l'autre.)
(Bartholo, Antonio, Suzanne, Figaro, Marceline, Brid'oison.)
Marceline
Ô mon ami !
Suzanne
Mon cher ami !
Brid'oison, s'essuyant les yeux d'un mouchoir.
Eh bien ! moi ! je suis donc bê-ête aussi !
Figaro, exalté.
Chagrin, c'est maintenant que je puis te défier : atteins-moi, si tu l'oses, entre ces deux femmes chéries.
Antonio, à Figaro.
Pas tant de cajoleries, s'il vous plaît. En fait de mariage dans les familles, celui des parents va devant, savez. Les vôtres se baillent-ils la main ?
Bartholo
Ma main ! puisse-t-elle se dessécher et tomber, si jamais je la donne à la mère d'un tel drôle !
Antonio, à Bartholo.
Vous n'êtes donc qu'un père marâtre ? (À Figaro.) En ce cas, not' galant, plus de parole.
Suzanne
Ah ! mon oncle…
Antonio
Irai-je donner l'enfant de not' sœur à sti qui n'est l'enfant de personne ?
Brid'oison
Est-ce que cela-a se peut, imbécile ? on-on est toujours l'enfant de quelqu'un.
Antonio