Kritische Edition des vertonten Textes (Partiturtext)   Kritische Edition der Vorlage von Beaumarchais, Kehl 1785 (Vorlage)  
SCENA V
Susanna, Marcellina, Figaro e Bartolo.
Recitativo
Marcellina
(A Bartolo.)
1255
Eccovi, o caro amico, il dolce frutto
dell'antico amor nostro…
Bartolo
Or non parliamo
di fatti sì rimoti; egli è mio figlio,
mia consorte voi siete,
e le nozze farem quando volete.
Marcellina
Marcelinelui remet un papier.
1260
Oggi, e doppie saranno:
(Dà il biglietto a Figaro.)
prendi, questo è il biglietto
Il est à toi : reprends ton billet, c'est ta dot.
del denar che a me devi, ed è tua dote.
Susanna
Suzannelui jette la bourse.
(Gitta per terra una borsa di danari.)
Prendi ancor questa borsa.
Prends encore celle-ci.
Bartolo
(Fa lo stesso.)
E questa ancora.
Figaro
Figaro
Bravi, gittate pur ch'io piglio ognora.
Grand merci.
Marceline, exaltée.
Fille assez malheureuse, j'allais devenir la plus misérable des femmes et je suis la plus fortunée des mères ! Embrassez-moi, mes deux enfants ; j'unis dans vous toutes mes tendresses. Heureuse autant que je puis l'être, ah ! mes enfants, combien je vais aimer !
Figaro, attendri, avec vivacité.
Arrête donc, chère mère ! arrête donc ! voudrais-tu voir se fondre en eau mes yeux noyés des premières larmes que je connaisse ? elles sont de joie, au moins. Mais quelle stupidité ! j'ai manqué d'en être honteux : je les sentais couler entre mes doigts, regarde ; (Il montre ses doigts écartés.) et je les retenais bêtement ! va te promener, la honte ! je veux rire et pleurer en même temps ; on ne sent pas deux fois ce que j'éprouve. (Il embrasse sa mère d'un côté, Suzanne de l'autre.)
(Bartholo, Antonio, Suzanne, Figaro, Marceline, Brid'oison.)
Marceline
Ô mon ami !
Suzanne
Mon cher ami !
Brid'oison, s'essuyant les yeux d'un mouchoir.
Eh bien ! moi ! je suis donc bê-ête aussi !
Figaro, exalté.
Chagrin, c'est maintenant que je puis te défier : atteins-moi, si tu l'oses, entre ces deux femmes chéries.
Antonio, à Figaro.
Pas tant de cajoleries, s'il vous plaît. En fait de mariage dans les familles, celui des parents va devant, savez. Les vôtres se baillent-ils la main ?
Bartholo
Ma main ! puisse-t-elle se dessécher et tomber, si jamais je la donne à la mère d'un tel drôle !
Antonio, à Bartholo.
Vous n'êtes donc qu'un père marâtre ? (À Figaro.) En ce cas, not' galant, plus de parole.
Suzanne
Ah ! mon oncle…
Antonio
Irai-je donner l'enfant de not' sœur à sti qui n'est l'enfant de personne ?
Brid'oison
Est-ce que cela-a se peut, imbécile ? on-on est toujours l'enfant de quelqu'un.
Antonio
Tarare !… il ne l'aura jamais. (Il sort.)
SCÈNE XIX
Bartholo, Suzanne, Figaro, Marceline, Brid’oison.
Bartholo, à Figaro.
Et cherche à présent qui t'adopte. (Il veut sortir.)
Marceline, courant prendre Bartholo à bras le corps, le ramène.
Arrêtez, docteur, ne sortez pas.
Figaro, à part.
Non, tous les sots d'Andalousie sont, je crois, déchaînés contre mon pauvre mariage !
(Suzanne, Bartholo, Marceline, Figaro, Brid'oison.)
Suzanne, à Bartholo.
Bon petit papa, c'est votre fils.
Marceline, à Bartholo.
De l'esprit, des talents, de la figure.
Figaro, à Bartholo.
Et qui ne vous a pas coûté une obole.
Bartholo
Et les cent écus qu'il m'a pris ?
Marceline, le caressant.
Nous aurons tant de soin de vous, papa !
Suzanne, le caressant.
Nous vous aimerons tant, petit papa !
Bartholo, attendri.
Papa ! bon papa ! petit papa ! voilà que je suis plus bête encore que Monsieur, moi. (Montrant Brid'oison.) Je me laisse aller comme un enfant. (Marceline et Suzanne l'embrassent.) Oh ! non, je n'ai pas dit oui. (Il se retourne.) Qu'est donc devenu Monseigneur ?
Susanna
1265
Voliamo ad informar d'ogni avventura
madama e nostro zio.
Chi al par di me contenta!
Figaro
Io.
Bartolo
Io.
Marcellina
Io.
Susanna, Marcellina, Bartolo, Figaro
Figaro
E schiatti il signor Conte al gusto mio.
Courons le joindre ; arrachons-lui son dernier mot. S'il machinait quelqu'autre intrigue, il faudrait tout recommencer.
TOUS ENSEMBLE
Courons, courons.
(Partono abbracciati.)
(Ils entraînent Bartholo dehors.)
SCÈNE XX
Brid’oison, seul.
Plus bê-ête encore que Monsieur ! On peut se dire à soi-même ces-es sortes de choses-là, mais… I-ils ne sont pas polis du tout dan-ans cet endroit-ci. (Il sort.)
Fin du troisième acte.
ACTE IV
Le théâtre représente une galerie ornée de candélabres, de lustres allumés, de fleurs, de guirlandes, en un mot préparée pour donner une fête. Sur le devant à droite est une table avec une écritoire, un fauteuil derrière.
SCÈNE PREMIÈRE
Figaro, Suzanne.
Figaro, la tenant à bras-le-corps.
Eh bien ! amour, es-tu contente ? elle a converti son docteur, cette fine langue dorée de ma mère ! malgré sa répugnance il l'épouse, et ton bourru d'oncle est bridé ; il n'y a que Monseigneur qui rage, car enfin notre hymen va devenir le prix du leur. Ris donc un peu de ce bon résultat.
Suzanne
As-tu rien vu de plus étrange ?
Figaro
Ou plutôt d'aussi gai. Nous ne voulions qu'une dot arrachée à l'Excellence ; en voilà deux dans nos mains, qui ne sortent pas des siennes. Une rivale acharnée te poursuivait ; j'étais tourmenté par une furie ; tout cela s'est changé, pour nous, dans « la plus bonne » des mères. Hier j'étais comme seul au monde ; et voilà que j'ai tous mes parents ; pas si magnifiques, il est vrai, que je me les étais galonnés ; mais assez bien pour nous, qui n'avons pas la vanité des riches.
Suzanne
Aucune des choses que tu avais disposées, que nous attendions, mon ami, n'est pourtant arrivée !
Figaro
Le hasard a mieux fait que nous tous, ma petite : ainsi va le monde ; on travaille, on projette, on arrange d'un côté ; la fortune accomplit de l'autre : et depuis l'affamé conquérant qui voudrait avaler la terre, jusqu'au paisible aveugle qui se laisse mener par son chien, tous sont le jouet de ses caprices ; encore l'aveugle au chien est-il souvent mieux conduit, moins trompé dans ses vues, que l'autre aveugle avec son entourage. – Pour cet aimable aveugle, qu'on nomme Amour… (Il la reprend tendrement à bras-le-corps.)
Suzanne
Ah ! c'est le seul qui m'intéresse !
Figaro
Permets donc que, prenant l'emploi de la folie, je sois le bon chien qui le mène à ta jolie mignone porte ; et nous voilà logés pour la vie.
Suzanne, riant.
L'Amour et toi ?
Figaro
Moi et l'Amour.
Suzanne
Et vous ne chercherez pas d'autre gîte ?
Figaro
Si tu m'y prends, je veux bien que mille millions de galants…
Suzanne
Tu vas exagérer : dis ta bonne vérité.
Figaro
Ma vérité la plus vraie !
Suzanne
Fi donc, vilain ! en a-t-on plusieurs ?
Figaro
Oh ! que oui. Depuis qu'on a remarqué qu'avec le temps vieilles folies deviennent sagesse, et qu'anciens petits mensonges, assez mal plantés, ont produit de grosses, grosses vérités, on en a de mille espèces ! Et celles qu'on sait, sans oser les divulguer : car toute vérité n'est pas bonne à dire ; et celles qu'on vante, sans y ajouter foi : car toute vérité n'est pas bonne à croire ; et les serments passionnés, les menaces des mères, les protestations des buveurs, les promesses des gens en place, le dernier mot de nos marchands ; cela ne finit pas. Il n'y a que mon amour pour Suzon qui soit une vérité de bon aloi.
Suzanne
J'aime ta joie, parce qu'elle est folle ; elle annonce que tu es heureux. Parlons du rendez-vous du Comte.
Figaro
Ou plutôt n'en parlons jamais ; il a failli me coûter Suzanne.
Suzanne
Tu ne veux donc plus qu'il ait lieu ?
Figaro
Si vous m'aimez, Suzon, votre parole d'honneur sur ce point : qu'il s'y morfonde ; et c'est sa punition.
Suzanne
Il m'en a plus coûté de l'accorder que je n'ai de peine à le rompre ; il n'en sera plus question.
Figaro
Ta bonne vérité ?
Suzanne
Je ne suis pas comme vous autres savants ; moi, je n'en ai qu'une.
Figaro
Et tu m'aimeras un peu ?
Suzanne
Beaucoup.
Figaro
Ce n'est guère.
Suzanne
Et comment ?
Figaro
En fait d'amour, vois-tu, trop n'est pas même assez.
Suzanne
Je n'entends pas toutes ces finesses ; mais je n'aimerai que mon mari.
Figaro
Tiens parole, et tu feras une belle exception à l'usage. (Il veut l'embrasser.)
SCÈNE II
Figaro, Suzanne, la Comtesse.
La Comtesse
Ah ! j'avais raison de le dire : en quelque endroit qu'ils soient, croyez qu'ils sont ensemble. Allons donc, Figaro, c'est voler l'avenir, le mariage et vous-même, que d'usurper un tête-à-tête. On vous attend, on s'impatiente.
Figaro
Il est vrai, madame, je m'oublie. Je vais leur montrer mon excuse.
(Il veut emmener Suzanne.)
La Comtessela retient.
Elle vous suit.
SCENA VI
Barbarina, Cherubino.
Recitativo
Barbarina
Andiam, andiam, bel paggio; in casa mia
1270
tutte ritroverai
le più belle ragazze del castello,
di tutte sarai tu certo il più bello.
Cherubino
Ah se il Conte mi trova,
misero me! Tu sai
1275
che partito ei mi crede per Siviglia.
Barbarina
Oh ve' che maraviglia! E se ti trova
non sarà cosa nova… Odi… Vogliamo
vestirti come noi:
tutte insiem andrem poi
1280
a presentar de' fiori a madamina;
fidati, o Cherubin, di Barbarina.
(Partono.)
SCENA VII
La Contessa sola.
N° 20 Recitativo istromentato ed Aria
Recitativo
La Contessa
E Susanna non vien! Sono ansiosa
di saper come il Conte
accolse la proposta: alquanto ardito
1285
il progetto mi par, e ad uno sposo
sì vivace e geloso…
Ma che mal c'è?
Cangiando i miei vestiti
con quelli di Susanna e i suoi co' miei…
al favor della notte… Oh cielo, a qual
1290
umil stato fatale io son ridotta
da un consorte crudel che, dopo avermi
con un misto inaudito
d'infedeltà, di gelosia, di sdegni
prima amata, indi offesa e alfin tradita,
1295
fammi or cercar da una mia serva aita!
Aria
La Contessa
    Dove sono i bei momenti
di dolcezza e di piacer,
dove andaro i giuramenti
di quel labbro menzogner?
1300
    Perché mai se in pianti e in pene
per me tutto si cangiò,
la memoria di quel beneVariante in den Textwiederholungen:
la memoria di quel ben
non trapassò?
dal mio sen non trapassò?
    Ah se almen la mia costanza,
1305
nel languire amando ognor,
mi portasse una speranza
di cangiar l'ingrato cor!
(Parte.)
SCENA VIII
Il Conte ed Antonio con cappello in mano.
Recitativo
Antonio
Io vi dico, signor, che Cherubino
è ancora nel castello,
1310
e vedete per prova il suo cappello.
Il Conte
Ma come, se a quest'ora
esser giunto a Siviglia egli dovria?
Antonio
Scusate, oggi Siviglia è a casa mia.
Là vestissi da donna e là lasciati
1315
ha gl'altri abiti suoi.
Il Conte
Perfidi!
Antonio
Andiam, e li vedrete voi.
(Partono.)
SCENA IX
SCÈNE III
La Contessa e Susanna.
Suzanne, la Comtesse.
Recitativo
La Comtesse
As-tu ce qu'il nous faut pour troquer de vêtement ?
Suzanne
Il ne faut rien, madame ; le rendez-vous ne tiendra pas.
La Comtesse
Ah ! vous changez d'avis ?
Suzanne
C'est Figaro.
La Comtesse
Vous me trompez.
Suzanne
Bonté divine !
La Comtesse
Figaro n'est pas homme à laisser échapper une dot.
Suzanne
Madame ! eh ! que croyez-vous donc ?
La Comtesse
Qu'enfin, d'accord avec le Comte, il vous fâche à présent de m'avoir confié ses projets. Je vous sais par cœur. Laissez-moi. (Elle veut sortir.)
Suzannese jette à genoux.
Au nom du Ciel, espoir de tous ! vous ne savez pas, madame, le mal que vous faites à Suzanne ! après vos bontés continuelles et la dot que vous me donnez !…
La Comtessela relève.
Eh mais… je ne sais ce que je dis ! En me cédant ta place au jardin, tu n'y vas pas, mon cœur ; tu tiens parole à ton mari ; tu m'aides à ramener le mien.
Suzanne
Comme vous m'avez affligée !
La Contessa
Cosa mi narri! E che ne disse il Conte?
Susanna
Gli si leggeva in fronte
il dispetto e la rabbia.
La Contessa
La Comtesse
1320
Piano, che meglio or lo porremo in gabbia.
C'est que je ne suis qu'une étourdie. (Elle la baise au front.) Où est ton rendez-vous ?
Dov'è l'appuntamento
che tu gli proponesti?
Susanna
Suzannelui baise la main.
In giardino.
Le mot de jardin m'a seul frappée.
La Contessa
La Comtesse, montrant la table.
Fissiamgli un loco. Scrivi.
Prends cette plume, et fixons un endroit.
Susanna
Suzanne
Ch'io scriva… Ma signora…
Lui écrire !
La Contessa
La Comtesse
1325
Eh scrivi, dico;
Il le faut.
Suzanne
Madame ! au moins, c'est vous…
La Comtesse
e tutto
Je mets tout sur mon compte. (Suzanne s'assied, la Comtesse dicte.)
io prendo su me stessa.
(Susanna siede e scrive.)
(La Contessa dettando.)
"Canzonetta su l'aria…"La Contessa wiederholt den letzten Vers des Rezitativs: "Canzonetta su l'aria…" im folgenden Duettino (Nr. 21) nach der Szenenanweisung "Leggono insieme lo scritto.". Vgl. NMA II/5/16, S. 420.
« Chanson nouvelle, sur l'air :… Qu'il fera beau ce soir sous les grands maronniers !… Qu'il fera beau, ce soir… »
N° 21 Duettino
Susanna
(Scrivendo.)
"…su l'aria…"
La Contessa
(Dettando.)
    "Che soave zeffiretto…"
Susanna
"…zeffiretto…"
La Contessa
"…questa sera spirerà…"
Susanna
(Ripete le parole della Contessa.)
1330
"…questa sera spirerà…"
La Contessa
"…sotto i pini del boschetto."
Susanna
(Domandando.)
"…sotto i pini…"
La Contessa
"…sotto i pini del boschetto."
Susanna
(Scrivendo.)
Suzanneécrit.
"…sotto i pini del boschetto."
« Sous les grands maronniers !… » Après ?
La Contessa
La Comtesse
Ei già il resto capirà.
Crains-tu qu'il ne t'entende pas ?
Susanna
Suzannerelit.
Certo, certo, il capirà.
C'est juste. (Elle plie le billet.) Avec quoi cacheter ?
(Leggono insieme lo scritto.)
Recitativo
Susanna
(Piega la lettera.)
1335
Piegato è il foglio… Or come si sigilla?…
La Contessa
La Comtesse
(Si cava una spilla e gliela dà.)
Ecco… prendi una spilla:
Une épingle, dépêche : elle servira de réponse. Écris sur le revers : « Renvoyez-moi le cachet ».
servirà di sigillo. Attendi… Scrivi
sul riverso del foglio:
"Rimandate il sigillo."
Susanna
Suzanneécrit en riant.
È più bizzarro
Ah !… « le cachet »… Celui-ci, madame, est plus gai que celui du brevet.
1340
di quel della patente.
La Comtesse, avec un souvenir douloureux.
Ah !
Suzannecherche sur elle.
Je n'ai pas d'épingle à présent !
La Comtessedétache sa lévite.
Prends celle-ci. (Le ruban du page tombe de son sein à terre.) Ah ! mon ruban !
Suzannele ramasse.
C'est celui du petit voleur ! vous avez eu la cruauté ?…
La Comtesse
Fallait-il le laisser à son bras ? c'eût été joli ! Donnez donc !
Suzanne
Madame ne le portera plus, taché du sang de ce jeune homme.
La Comtessele reprend.
Excellent pour Fanchette… Le premier bouquet qu'elle m'apportera.
La Contessa
Presto, nascondi: io sento venir gente.
(Susanna si mette il biglietto nel seno.)
SCENA X
SCÈNE IV
Cherubino vestito da contadinella, Barbarina e alcune altre contadinelle vestite nel medesimo modo, con mazzetti di fiori.
Une jeune Bergère, Chérubin en fille, Fanchette, et beaucoup de jeunes filles habillées comme elle et tenant des bouquets. La Comtesse, Suzanne.
N° 22 Coro
Coro di contadinelle
Fanchette
    Ricevete, o padroncina,
Madame, ce sont les filles du bourg qui viennent vous présenter des fleurs.
queste rose e questi fior,
che abbiam colti stamattina
1345
per mostrarvi il nostro amor.
    Siamo tante contadine
e siam tutte poverine,
ma quel poco che rechiamo
ve lo diamo di buon cor.Variante in den Textwiederholungen:
ve lo diamo di bon cuor.
Recitativo
Barbarina
1350
Queste sono, madama,
le ragazze del loco,
che il poco ch'han vi vengono ad offrire
e vi chiedon perdon del loro ardire.
La Contessa
La Comtesse, serrant vite son ruban.
Oh brave! Vi ringrazio.
Susanna
1355
Come sono vezzose!
Elles sont charmantes : je me reproche, mes belles petites, de ne pas vous connaître toutes. (Montrant Chérubin.) Quelle est cette aimable enfant qui a l'air si modeste ?
La Contessa
E chi è, narratemi,
quell'amabil fanciulla
ch'ha l'aria sì modesta?
Barbarina
Une Bergère
Ell'è una mia cugina, e per le nozze
C'est une cousine à moi, madame, qui n'est ici que pour la noce.
è venuta ier sera.
La Contessa
La Comtesse
1360
Onoriamo la bella forestiera.
Elle est jolie. Ne pouvant porter vingt bouquets, faisons honneur à l'étrangère. (Elle prend le bouquet de Chérubin et le baise au front.) Elle en rougit ! (À Suzanne.) Ne trouves-tu pas, Suzon… qu'elle ressemble à quelqu'un ?
Venite qui…
Datemi i vostri fiori.
(Prende i fiori di Cherubino e lo bacia in fronte.)
Come arrossì!… Susanna, e non ti pare…
che somigli ad alcuno?…
Susanna
Suzanne
Al naturale.
À s'y méprendre, en vérité.
Chérubin, à part, les mains sur son cœur.
Ah ! Ce baiser-là m'a été bien loin !
SCENA XI
SCÈNE V
I detti, il Conte ed Antonio.
Les jeunes filles, Chérubin au milieu d'elles, Fanchette, Antonio, le Comte, la Comtesse, Suzanne.
(Antonio ha il cappello di Cherubino, entra in scena pian piano, gli cava la cuffia di donna e gli mette in testa il cappello stesso.)
Antonio
Antonio
Eh! Cospettaccio! È questi l'uffiziale.
Moi je vous dis, Monseigneur, qu'il y est ; elles l'ont habillé chez ma fille ; toutes ses hardes y sont encore, et voilà son chapeau d'ordonnance que j'ai retiré du paquet. (Il s'avance, et regardant toutes les filles, il reconnaît Chérubin, lui enlève son bonnet de femme, ce qui fait retomber ses longs cheveux en cadenette. Il lui met sur la tête le chapeau d'ordonnance et dit :.) Eh ! parguenne, v'là notre officier.
La Contessa
La Comtesserecule.
1365
(Oh stelle!)
Ah ! Ciel !
Susanna
Suzanne
(Malandrino!)
Ce friponneau !
Antonio
Quand je disais là-haut que c'était lui !…
Il Conte
Le Comte, en colère.
Ebben, madama?…
Eh bien, madame !
La Contessa
La Comtesse
Io sono, o signor mio,
Eh bien, monsieur ! vous me voyez plus surprise que vous, et, pour le moins, aussi fâchée.
irritata e sorpresa al par di voi.
Il Conte
Le Comte
Ma stamane?…
Oui ; mais tantôt, ce matin ?
La Contessa
La Comtesse
Stamane…
Je serais coupable en effet, si je dissimulais encore. Il était descendu chez moi. Nous entamions le badinage que ces enfants viennent d'achever ; vous nous avez surprises l'habillant ; votre premier mouvement est si vif ! il s'est sauvé, je me suis troublée, l'effroi général a fait le reste.
per l'odierna festa
1370
volevam travestirlo al modo stesso
che l'han vestito adesso.
Il Conte
Le Comte, avec dépit, à Chérubin.
(A Cherubino.)
E perché non partisti?
Pourquoi n'êtes-vous pas parti ?
Cherubino
Chérubin, ôtant son chapeau brusquement.
(Cavandosi il cappello bruscamente.)
Signor!…
Monseigneur…
Il Conte
Le Comte
Saprò punire
Je punirai ta désobéissance.
la tua disubbidienza.
Barbarina
Fanchette, étourdiment.
1375
Eccellenza, eccellenza,
Ah ! Monseigneur, entendez-moi ! Toutes les fois que vous venez m'embrasser, vous savez bien que vous dites toujours : « Si tu veux m'aimer, petite Fanchette, je te donnerai ce que tu voudras. »
voi mi dite sì spesso
qualvolta m'abbracciate e mi baciate:
"Barbarina, se m'ami
ti darò quel che brami…"
Il Conte
Le Comte, rougissant.
1380
Io dissi questo?…
Moi ! j'ai dit cela ?
Barbarina
Fanchette
Voi.
Oui, Monseigneur. Au lieu de punir Chérubin, donnez-le-moi en mariage, et je vous aimerai à la folie.
Or datemi, padrone,
in sposo Cherubino,
e v'amerò com'amo il mio gattino.
Le Comte, à part.
Être ensorcelé par un page !
La Contessa
La Comtesse
(Al Conte.)
Ebbene, or tocca a voi.
Eh bien ! monsieur, à votre tour ; l'aveu de cette enfant, aussi naïf que le mien, atteste enfin deux vérités : que c'est toujours sans le vouloir si je vous cause des inquiétudes, pendant que vous épuisez tout pour augmenter et justifier les miennes.
Antonio
Antonio
Brava, figliuola!
Vous aussi, Monseigneur ? Dame ! je vous la redresserai comme feue sa mère, qui est morte… Ce n'est pas pour la conséquence ; mais c'est que Madame sait bien que les petites filles, quand elles sont grandes…
1385
Hai buon maestro che ti fa la scola.
Il Conte
Le Comte, déconcerté, à part.
(Non so qual uom, qual demone, qual dio
Il y a un mauvais génie qui tourne tout ici contre moi !
rivolga tutto quanto a torto mio.)
SCENA XII
SCÈNE VI
I detti, Figaro.
Les jeunes filles, Chérubin, Antonio, Figaro, le Comte, la Comtesse, Suzanne.
Figaro
Figaro
Signor… se trattenete
Monseigneur, si vous retenez nos filles, on ne pourra commencer ni la fête ni la danse.
tutte queste ragazze,
1390
addio festa… addio danza…
Il Conte
Le Comte
E che? Vorresti
Vous, danser ! vous n'y pensez pas. Après votre chute de ce matin, qui vous a foulé le pied droit !
ballar col piè stravolto?
Figaro
Figaro, remuant la jambe.
(Finge di dirizzarsi la gamba e poi si pruova a ballare.)
Eh non mi duol più molto.
Je souffre encore un peu ; ce n'est rien. (Aux jeunes filles.) Allons, mes belles, allons !
Andiam, belle fanciulle…
(Chiama tutte le giovani, vuol partire, il Conte lo richiama.)
La Contessa
(A Susanna.)
Come si caverà dall'imbarazzo?
Susanna
(A la Contessa.)
1395
Lasciate fare a lui.
Il Conte
Le Comtele retourne.
Per buona sorte
Vous avez été fort heureux que ces couches ne fussent que du terreau bien doux !
i vasi eran di creta.
Figaro
Figaro
Senza fallo.
Très heureux, sans doute ; autrement…
Antoniole retourne.
Puis il s'est pelotonné en tombant jusqu'en bas.
Figaro
Andiamo, dunque, andiamo.
Un plus adroit, n'est-ce pas, serait resté en l'air ! (Aux jeunes filles.) Venez-vous, mesdemoiselles ?
(Come sopra: Antonio lo richiama.)
Antonio
Antoniole retourne.
E intanto a cavallo
Et pendant ce temps, le petit page galopait sur son cheval à Séville ?
di galoppo a Siviglia andava il paggio.
Figaro
Figaro
1400
Di galoppo o di passo… buon viaggio.
Galopait ou marchait au pas…
Venite, o belle giovani.
(Come sopra.)
Il Conte
Le Comtele retourne.
(Torna a ricondurlo in mezzo.)
E a te la sua patente
Et vous aviez son brevet dans la poche ?
era in tasca rimasta…
Figaro
Figaro, un peu étonné.
Certamente,
Assurément, mais quelle enquête ? (Aux jeunes filles.) Allons donc, jeunes filles !
che razza di domande!
Antonio
Antonio, attirant Chérubin par le bras.
(A Susanna, che fa de' motti a Figaro.)
1405
Via, non gli far più motti, ei non t'intende.
(Prende per mano Cherubino e lo presenta a Figaro.)
Ed ecco chi pretende
En voici une qui prétend que mon neveu futur n'est qu'un menteur.
che sia un bugiardo il mio signor nipote.
Figaro
Figaro, surpris.
Cherubino?
Chérubin !… (À part.) Peste du petit fat !
Antonio
Antonio
Or ci sei.
Y es-tu maintenant ?
Figaro
Figaro, cherchant.
(Al Conte.)
Che diamin canta?
J'y suis… j'y suis… Eh ! qu'est-ce qu'il chante ?
Il Conte
Le Comte, sèchement.
Non canta, no, ma dice
Il ne chante pas ; il dit que c'est lui qui a sauté sur les giroflées.
1410
ch'egli saltò stamane in sui garofani…
Figaro
Figaro, rêvant.
Ei lo dice!… Sarà… Se ho saltato io
Ah ! s'il le dit… cela se peut ; je ne dispute pas de ce que j'ignore.
si può dare ch'anch'esso
abbia fatto lo stesso.
Il Conte
Le Comte
Anch'esso?
Ainsi vous et lui ?…
Figaro
Figaro
Perché no?…
Pourquoi non ? la rage de sauter peut gagner : voyez les moutons de Panurge ; et quand vous êtes en colère, il n'y a personne qui n'aime mieux risquer…
1415
Io non impugno mai quel che non so.
Le Comte
Comment, deux à la fois !…
Figaro
On aurait sauté deux douzaines ; et qu'est-ce que cela fait, Monseigneur, dès qu'il n'y a personne de blessé ? (Aux jeunes filles.) Ah ça, voulez-vous venir, ou non ?
Le Comte, outré.
Jouons-nous une comédie ? (On entend un prélude de fanfare.)
(S'ode la marcia spagnuola da lontano e seguita il recitativo nella marcia.)
N° 23 Finale
Figaro
Figaro
Ecco la marcia… andiamo.
Voilà le signal de la marche. À vos postes, les belles, à vos postes. Allons, Suzanne, donne-moi le bras. (Tous s'enfuient, Chérubin reste seul la tête baissée.)
Ai vostri posti, o belle, a' vostri posti.
Susanna, dammi il braccio.
Susanna
Eccolo.
(Figaro prende per un braccio Antonio, per l'altro la Susanna, e partono tutti eccettuati il Conte e la Contessa.)
Il Conte
Temerari!
La Contessa
Io son di ghiaccio!
SCÈNE VII
Chérubin, le Comte, la Comtesse.
Le Comte, regardant aller Figaro.
En voit-on de plus audacieux ? (Au page.) Pour vous, monsieur le sournois, qui faites le honteux, allez vous rhabiller bien vite ; et que je ne vous rencontre nulle part de la soirée.
La Comtesse
Il va bien s'ennuyer.
Chérubin, étourdiment.
M'ennuyer ! j'emporte à mon front du bonheur pour plus de cent années de prison.
(Il met son chapeau et s'enfuit.)
SCENA XIII
SCÈNE VIII
Il Conte, la Contessa.
Le Comte, la Comtesse.
(La Comtesse s'évente fortement sans parler.)
Le Comte
Qu'a-t-il au front de si heureux ?
La Comtesse, avec embarras.
Son… premier chapeau d'officier, sans doute ; aux enfants tout sert de hochet.
(Elle veut sortir.)
Il Conte
Le Comte
1420
Contessa…
Vous ne nous restez pas, Comtesse ?
La Contessa
La Comtesse
Or non parliamo.
Vous savez que je ne me porte pas bien.
Le Comte
Un instant pour votre protégée, ou je vous croirais en colère.
La Comtesse
Ecco qui le due nozze,
Voici les deux noces, asseyons-nous donc pour les recevoir.
riceverle dobbiam: alfin si tratta
d'una vostra protetta.
Seggiamo.Im Erstdruck des Librettos "seggiam"; in Mozarts Vertonung "seggiamo", wodurch der ursprüngliche gebrochene Elfsilber "Seggiam2. / Seggia4mo (e meditiam8 vendet10ta.)" eine metrisch überzählige Silbe erhält.
Il Conte
Le Comte, à part.
Seggiamo (e meditiam vendetta.)
La noce ! il faut souffrir ce qu'on ne peut empêcher.
(Siedono.)
(Le Comte et la Comtesse s'assoient vers un des côtés de la galerie.)
(La marcia s'avvicina.)
SCENA XIV
SCÈNE IX
I sudetti. Cacciatori con fucile in spalla. Gente del foro. Contadini e contadine. Due giovinette che portano il cappello verginale con piume bianche, due altre un bianco velo, due altre i guanti e il mazzetto di fiori. Figaro con Marcellina. Due altre giovinette che portano un simile cappello per Susanna etc. Bartolo con Susanna. Due giovinette incominciano il coro che termina in ripieno. Bartolo conduce la Susanna al Conte e s'inginocchia per ricever da lui il cappello etc. Figaro conduce Marcellina alla Contessa e fa la stessa funzione.
Le Comte, la Comtesse, assis; l'on joue les «Folies d'espagne» d'un mouvement de marche. (Symphonie notée.)

MARCHE
Les gardes-chasse, fusil sur l'épaule.
L'alguazil, les prud'hommes, Brid’oison.
Les paysans et paysannes, en habits de fête.
Deux jeunes filles portant la toque virginale à plumes blanches.
Deux autres, le voile blanc.
Deux autres, les gants et le bouquet de côté.
Antonio donne la main à Suzanne, comme étant celui qui la marie à Figaro.
D'autres jeunes filles portent une autre toque, un autre voile, un autre bouquet blanc, semblables aux premiers, pour Marceline.
Figaro donne la main à Marceline, comme celui qui doit la remettre au docteur, lequel ferme la marche, un gros bouquet au côté. Les jeunes filles, en passant devant le Comte, remettent à ses valets tous les ajustements destinés à Suzanne et à Marceline.
Les Paysans et Paysannes s'étant rangés sur deux colonnes à chaque côté du salon, on danse une reprise du fandango (air noté) avec des castagnettes; puis on joue la ritournelle du duo, pendant laquelle
Antonio conduit Suzanne au Comte; elle se met à genoux devant lui.
Pendant que le Comte lui pose la toque, le voile, et lui donne le bouquet, deux jeunes filles chantent le duo suivant (air noté).
Coro
Due donne
1425
    Amanti costanti,
    Jeune épouse, chantez les bienfaits et la gloire
seguaci d'onor,
cantate, lodate
D'un maître qui renonce aux droits qu'il eut sur vous :
sì saggio signor.
    A un dritto cedendo
Préférant au plaisir la plus noble victoire,
1430
che oltraggia, che offende,
ei caste vi rende
Il vous rend chaste et pure aux mains de votre époux.
ai vostri amator.
Tutti
    Cantiamo, lodiamo
sì saggio signor.
(I figuranti ballano.)
(Susanna, essendo in ginocchio durante il duo, tira il Conte per l'abito, gli mostra il bigliettino, dopo passa la mano dal lato degli spettatori alla testa, dove pare che il Conte le aggiusti il cappello, e gli dà il biglietto. Il Conte se lo mette furtivamente in seno. Susanna s'alza, gli fa una riverenza. Figaro viene a riceverla, e si balla il fandango. Marcellina s'alza un po' più tardi. Bartolo viene a riceverla dalle mani della Contessa.)
Suzanne est à genoux, et, pendant les derniers vers du duo, elle tire le Comte par son manteau et lui montre le billet qu'elle tient; puis elle porte la main qu'elle a du côté des spectateurs à sa tête, où le Comte a l'air d'ajuster sa toque; elle lui donne le billet.
Le Comte le met furtivement dans son sein; on achève de chanter le duo; la fiancée se relève et lui fait une grande révérence.
Figaro vient la recevoir des mains du Comte et se retire avec elle, à l'autre côté du salon, près de Marceline.
(On danse une autre reprise du fandango, pendant ce temps.)
(Il Conte va da un lato, cava il biglietto e nell'aprirlo si punge il dito, lo scuote, lo preme, lo succhia e, vedendo il biglietto sigillato colla spilla, dice gittando la spilla a terra e intanto che la orchestra suona pianissimo:)
Le Comte, pressé de lire ce qu'il a reçu, s'avance au bord du théâtre et tire le papier de son sein; mais en le sortant il fait le geste d'un homme qui s'est cruellement piqué le doigt; il le secoue, le presse, le suce, et regardant le papier cacheté d'une épingle, il dit:
Il Conte
Le Comte
(Pendant qu'il parle, ainsi que Figaro, l'orchestre joue pianissimo.)
1435
Eh già, solita usanza!
Diantre soit des femmes, qui fourrent des épingles partout ! (Il la jette à terre, puis il lit le billet et le baise.)
Le donne ficcan gli aghi in ogni loco…
Ah ah, capisco il gioco.
Figaro
Figaro, qui a tout vu, dit à sa mère et à Suzanne:
(Vede tutto e dice a Susanna:)
Un biglietto amoroso
C'est un billet doux, qu'une fillette aura glissé dans sa main en passant. Il était cacheté d'une épingle, qui l'a outrageusement piqué.
che gli diè nel passar qualche galante
1440
ed era sigillato d'una spilla,
ond'ei si punse il dito.
(Il Conte legge, bacia il biglietto, cerca la spilla, la trova e se la mette alla manica del saio.)
La danse reprend: le Comte qui a lu le billet le retourne; il y voit l'invitation de renvoyer le cachet pour réponse. Il cherche à terre, et retrouve enfin l'épingle qu'il attache à sa manche.
Figaro, à Suzanne et à Marceline.
Il narciso or la cerca: oh che stordito!
D'un objet aimé tout est cher. Le voilà qui ramasse l'épingle. Ah ! c'est une drôle de tête !
Il Conte
Andate, amici, e sia per questa sera
disposto l'apparato nuziale
1445
co la più ricca pompa: io vo' che sia
magnifica la festa, e canti e fochi,
e gran cena e gran ballo; e ognuno impari
com'io tratto color che a me son cari.
(Pendant ce temps, Suzanne a des signes d'intelligence avec la Comtesse. La danse finit, la ritournelle du duo recommence.)
Coro
    Amanti costanti,
1450
seguaci d'onor,
cantate, lodate
sì saggio signor.
    A un dritto cedendo
che oltraggia, che offende,
1455
ei caste vi rende
ai vostri amator.
    Cantiamo, lodiamo
sì saggio signor.
(Figaro conduit Marceline au Comte, ainsi qu'on a conduit Suzanne; à l'instant où le Comte prend la toque et où l'on va chanter le duo, on est interrompu par les cris suivants:)
L'Huissier, criant à la porte.
Arrêtez donc, messieurs ! vous ne pouvez entrer tous… Ici les gardes ! les gardes ! (Les gardes vont vite à cette porte.)
Le Comte, se levant.
Qu'est-ce qu'il y a ?
L'Huissier
Monseigneur, c'est monsieur Bazile, entouré d'un village entier, parce qu'il chante en marchant.
Le Comte
Qu'il entre seul.
La Comtesse
Ordonnez-moi de me retirer.
Le Comte
Je n'oublie pas votre complaisance.
La Comtesse
Suzanne !… elle reviendra. (À part, à Suzanne.) Allons changer d'habits. (Elle sort avec Suzanne.)
Marceline
Il n'arrive jamais que pour nuire.
Figaro
Ah ! je m'en vais vous le faire déchanter !
SCÈNE X
Tous les acteurs précédents, excepté la Comtesse et Suzanne; Bazile tenant sa guitare; Grippe-Soleil.
Bazileentre en chantant sur l'air du vaudeville de la fin (air noté):
    Cœurs sensibles, cœurs fidèles,
Qui blâmez l'amour léger,
Cessez vos plaintes cruelles :
Est-ce un crime de changer ?
Si l'Amour porte des ailes,
N'est-ce pas pour voltiger ?
N'est-ce pas pour voltiger ?
N'est-ce pas pour voltiger ?
Figaros'avance à lui.
Oui, c'est pour cela justement qu'il a des ailes au dos ; notre ami, qu'entendez-vous par cette musique ?
Bazile, montrant Grippe-Soleil.
Qu'après avoir prouvé mon obéissance à Monseigneur en amusant monsieur, qui est de sa compagnie, je pourrai, à mon tour, réclamer sa justice.
Grippe-Soleil
Bah ! Monsigneu ! il ne m'a pas amusé du tout : avec leux guenilles d'ariettes…
Le Comte
Enfin que demandez-vous, Bazile ?
Bazile
Ce qui m'appartient, Monseigneur, la main de Marceline ; et je viens m'opposer…
Figaros'approche.
Y a-t-il longtemps que monsieur n'a vu la figure d'un fou ?
Bazile
Monsieur, en ce moment même.
Figaro
Puisque mes yeux vous servent si bien de miroir, étudiez-y l'effet de ma prédiction. Si vous faites mine seulement d'approximer madame…
Bartholo, en riant.
Eh pourquoi ? laisse-le parler.
Brid'oisons'avance entre deux.
Fau-aut-il que deux amis ?…
Figaro
Nous, amis !
Bazile
Quelle erreur !
Figaro, vite.
Parce qu'il fait de plats airs de chapelle ?
Bazile, vite.
Et lui, des vers comme un journal ?
Figaro, vite.
Un musicien de guinguette !
Bazile, vite.
Un postillon de gazette !
Figaro, vite.
Cuistre d'oratorio !
Bazile, vite.
Jockey diplomatique !
Le Comte, assis.
Insolents tous les deux !
Bazile
Il me manque en toute occasion.
Figaro
C'est bien dit, si cela se pouvait !
Bazile
Disant partout que je ne suis qu'un sot.
Figaro
Vous me prenez donc pour un écho ?
Bazile
Tandis qu'il n'est pas un chanteur que mon talent n'ait fait briller.
Figaro
Brailler.
Bazile
Il le répète !
Figaro
Et pourquoi non, si cela est vrai ? es-tu un prince, pour qu'on te flagorne ? souffre la vérité, coquin ! puisque tu n'as pas de quoi gratifier un menteur ; ou si tu la crains de notre part, pourquoi viens-tu troubler nos noces ?
Bazile, à Marceline.
M'avez-vous promis, oui ou non, si dans quatre ans vous n'étiez pas pourvue, de me donner la préférence ?
Marceline
À quelle condition l'ai-je promis ?
Bazile
Que si vous retrouviez un certain fils perdu, je l'adopterais par complaisance.
Tous ensemble
Il est trouvé.
Bazile
Qu'à cela ne tienne !
Tous ensemble, montrant Figaro.
Et le voici.
Bazile, reculant de frayeur.
J'ai vu le diable !
Brid'oison, à Bazile.
Et vou-ous renoncez à sa chère mère !
Bazile
Qu'y aurait-il de plus fâcheux que d'être cru le père d'un garnement ?
Figaro
D'en être cru le fils ; tu te moques de moi !
Bazile, montrant Figaro.
Dès que monsieur est de quelque chose ici, je déclare, moi, que je n'y suis plus de rien.
(Il sort.)
SCÈNE XI
Les acteurs précédents, excepté Bazile.
Bartholo, riant.
Ha ! ha ! ha ! ha !
Figaro, sautant de joie.
Donc à la fin j'aurai ma femme !
Le Comte, à part.
Moi, ma maîtresse. (Il se lève.)
Brid'oison, à Marceline.
Et tou-out le monde est satisfait.
Le Comte
Qu'on dresse les deux contrats ; j'y signerai.
Tous ensemble
Vivat ! (Ils sortent.)
Le Comte
J'ai besoin d'une heure de retraite.
(Il veut sortir avec les autres.)
SCÈNE XII
Grippe-Soleil, Figaro, Marceline, le Comte.
Grippe-Soleil, à Figaro.
Et moi, je vas aider à ranger le feu d'artifice sous les grands maronniers, comme on l'a dit.
Le Comterevient en courant.
Quel sot a donné un tel ordre ?
Figaro
Où est le mal ?
Le Comte, vivement.
Et la Comtesse qui est incommodée, d'où le verra-t-elle, l'artifice ? C'est sur la terrasse qu'il le faut, vis-à-vis son appartement.
Figaro
Tu l'entends, Grippe-Soleil ? la terrasse.
Le Comte
Sous les grands maronniers ! belle idée ! (En s'en allant, à part.) Ils allaient incendier mon rendez-vous !
SCÈNE XIII
Figaro, Marceline.
Figaro
Quel excès d'attention pour sa femme ! (Il veut sortir.)
Marcelinel'arrête.
Deux mots, mon fils. Je veux m'acquitter avec toi : un sentiment mal dirigé m'avait rendue injuste envers ta charmante femme : je la supposais d'accord avec le Comte, quoique j'eusse appris de Bazile qu'elle l'avait toujours rebuté.
Figaro
Vous connaissiez mal votre fils, de le croire ébranlé par ces impulsions féminines. Je puis défier la plus rusée de m'en faire accroire.
Marceline
Il est toujours heureux de le penser, mon fils ; la jalousie…
Figaro
…N'est qu'un sot enfant de l'orgueil, ou c'est la maladie d'un fou. Oh ! j'ai là-dessus, ma mère, une philosophie… imperturbable ; et si Suzanne doit me tromper un jour, je lui pardonne d'avance ; elle aura longtemps travaillé… (Il se retourne et aperçoit Fanchette qui cherche de côté et d'autre.)
Fine dell'atto terzo.