SCÈNE XVIII
 
 
Bartholo, Antonio, Suzanne, Figaro, Marceline, Brid’oison.
 
 
Antonio, voyant Figaro embrasser sa mère, dit à Suzanne.
 
 
Ah ! oui, payer ! Tiens, tiens.
 
 
Suzannese retourne.
 
 
J'en vois assez : sortons, mon oncle.
 
 
Figaro, l'arrêtant.
 
 
Non, s'il vous plaît. Que vois-tu donc ?
 
 
Suzanne
 
 
Ma bêtise et ta lâcheté.
 
 
Figaro
 
 
Pas plus de l'une que de l'autre.
 
 
Suzanne, en colère.
 
 
Et que tu l'épouses à gré, puisque tu la caresses.
 
 
Figaro, gaiement.
 
 
Je la caresse ; mais je ne l'épouse pas.
 
 
(Suzanne veut sortir, Figaro la retient.)
 
 
Suzannelui donne un soufflet.
 
 
Vous êtes bien insolent d'oser me retenir !
 
 
Figaro, à la compagnie.
 
 
C'est-il çà de l'amour ? Avant de nous quitter, je t'en supplie, envisage bien cette chère femme-là.
 
 
Suzanne
 
 
Je la regarde.
 
 
Figaro
 
 
Et tu la trouves ?
 
 
Suzanne
 
 
Affreuse.
 
 
Figaro
 
 
Et vive la jalousie ! elle ne vous marchande pas.
 
 
Marceline, les bras ouverts.
 
 
Embrasse ta mère, ma jolie Suzanette. Le méchant qui te tourmente est mon fils.
 
 
Suzannecourt à elle.
 
 
Vous sa mère ! (Elles restent dans les bras l'une de l'autre.)
 
 
Antonio
 
 
C'est donc de tout à l'heure ?
 
 
Figaro
 
 
…Que je le sais.
 
 
Marceline, exaltée.
 
 
Non, mon cœur entraîné vers lui ne se trompait que de motif ; c'était le sang qui me parlait.
 
 
Figaro
 
 
Et moi le bon sens, ma mère, qui me servait d'instinct quand je vous refusais, car j'étais loin de vous haïr ; témoin l'argent…
 
 
Marcelinelui remet un papier.
 
 
Il est à toi : reprends ton billet, c'est ta dot.
 
 
Suzannelui jette la bourse.
 
 
Prends encore celle-ci.
 
 
Figaro
 
 
Grand merci.
 
 
Marceline, exaltée.
 
 
Fille assez malheureuse, j'allais devenir la plus misérable des femmes et je suis la plus fortunée des mères ! Embrassez-moi, mes deux enfants ; j'unis dans vous toutes mes tendresses. Heureuse autant que je puis l'être, ah ! mes enfants, combien je vais aimer !
 
 
Figaro, attendri, avec vivacité.
 
 
Arrête donc, chère mère ! arrête donc ! voudrais-tu voir se fondre en eau mes yeux noyés des premières larmes que je connaisse ? elles sont de joie, au moins. Mais quelle stupidité ! j'ai manqué d'en être honteux : je les sentais couler entre mes doigts, regarde ; (Il montre ses doigts écartés.) et je les retenais bêtement ! va te promener, la honte ! je veux rire et pleurer en même temps ; on ne sent pas deux fois ce que j'éprouve. (Il embrasse sa mère d'un côté, Suzanne de l'autre.)
 
 
(Bartholo, Antonio, Suzanne, Figaro, Marceline, Brid'oison.)
 
 
Marceline
 
 
Ô mon ami !
 
 
Suzanne
 
 
Mon cher ami !
 
 
Brid'oison, s'essuyant les yeux d'un mouchoir.
 
 
Eh bien ! moi ! je suis donc bê-ête aussi !
 
 
Figaro, exalté.
 
 
Chagrin, c'est maintenant que je puis te défier : atteins-moi, si tu l'oses, entre ces deux femmes chéries.
 
 
Antonio, à Figaro.
 
 
Pas tant de cajoleries, s'il vous plaît. En fait de mariage dans les familles, celui des parents va devant, savez. Les vôtres se baillent-ils la main ?
 
 
Bartholo
 
 
Ma main ! puisse-t-elle se dessécher et tomber, si jamais je la donne à la mère d'un tel drôle !
 
 
Antonio, à Bartholo.
 
 
Vous n'êtes donc qu'un père marâtre ? (À Figaro.) En ce cas, not' galant, plus de parole.
 
 
Suzanne
 
 
Ah ! mon oncle…
 
 
Antonio
 
 
Irai-je donner l'enfant de not' sœur à sti qui n'est l'enfant de personne ?
 
 
Brid'oison
 
 
Est-ce que cela-a se peut, imbécile ? on-on est toujours l'enfant de quelqu'un.
 
 
Antonio
 
 
Tarare !… il ne l'aura jamais. (Il sort.)
 
 
SCÈNE XIX
 
 
Bartholo, Suzanne, Figaro, Marceline, Brid’oison.
 
 
Bartholo, à Figaro.
 
 
Et cherche à présent qui t'adopte. (Il veut sortir.)
 
 
Marceline, courant prendre Bartholo à bras le corps, le ramène.
 
 
Arrêtez, docteur, ne sortez pas.
 
 
Figaro, à part.
 
 
Non, tous les sots d'Andalousie sont, je crois, déchaînés contre mon pauvre mariage !
 
 
(Suzanne, Bartholo, Marceline, Figaro, Brid'oison.)
 
 
Suzanne, à Bartholo.
 
 
Bon petit papa, c'est votre fils.
 
 
Marceline, à Bartholo.
 
 
De l'esprit, des talents, de la figure.
 
 
Figaro, à Bartholo.
 
 
Et qui ne vous a pas coûté une obole.
 
 
Bartholo
 
 
Et les cent écus qu'il m'a pris ?
 
 
Marceline, le caressant.
 
 
Nous aurons tant de soin de vous, papa !
 
 
Suzanne, le caressant.
 
 
Nous vous aimerons tant, petit papa !
 
 
Bartholo, attendri.
 
 
Papa ! bon papa ! petit papa ! voilà que je suis plus bête encore que Monsieur, moi. (Montrant Brid'oison.) Je me laisse aller comme un enfant. (Marceline et Suzanne l'embrassent.) Oh ! non, je n'ai pas dit oui. (Il se retourne.) Qu'est donc devenu Monseigneur ?
 
 
Figaro
 
 
Courons le joindre ; arrachons-lui son dernier mot. S'il machinait quelqu'autre intrigue, il faudrait tout recommencer.
 
 
TOUS ENSEMBLE
 
 
Courons, courons.
 
 
(Ils entraînent Bartholo dehors.)
 
 
SCÈNE XX
 
 
Brid’oison, seul.
 
 
Plus bê-ête encore que Monsieur ! On peut se dire à soi-même ces-es sortes de choses-là, mais… I-ils ne sont pas polis du tout dan-ans cet endroit-ci. (Il sort.)
 
 
Fin du troisième acte.