Kritische Edition der Vorlage von Beaumarchais, Kehl 1785       Diplomatische Übertragung der Vorlage von Beaumarchais, Kehl 1785 
SCÈNE XII
 
FSCENE XII.
Grippe-Soleil, Figaro, Marceline, le Comte.
 
GRIPE-SOLEIL, FIGARO, MARCELINE,
LE COMTE.
Grippe-Soleil, à Figaro.
 
GRIPE-SOLEIL, à Figaro.
Et moi, je vas aider à ranger le feu d'artifice sous les grands maronniers, comme on l'a dit.
 
Et moi, je vas aider à ranger le feu d'artifice sous
les grands maronniers, comme on l'a dit.
Le Comterevient en courant.
 
LE COMTE revient en courant.
Quel sot a donné un tel ordre ?
 
Quel sot a donné un tel ordre ?
Figaro
 
FIGARO.
Où est le mal ?
 
Où est le mal ?
Le Comte, vivement.
 
LE COMTE, vivement.
Et la Comtesse qui est incommodée, d'où le verra-t-elle, l'artifice ? C'est sur la terrasse qu'il le faut, vis-à-vis son appartement.
 
Et la Comtesse, qui est incommodée, d'où le verra-
t-elle l'artifice ? c'est sur la terrasse qu'il le faut, vis-à-vis
son appartement.
Figaro
 
FIGARO.
Tu l'entends, Grippe-Soleil ? la terrasse.
 
Tu l'entends, Gripe-soleil ? la terrasse.
Le Comte
 
LE COMTE.
Sous les grands maronniers ! belle idée ! (En s'en allant, à part.) Ils allaient incendier mon rendez-vous !
 
Sous les grands maronniers ! belle idée ! (en s'en
allant, à part)
Ils allaient incendier mon rendez-vous !
SCÈNE XIII
 
FSCENE XIII.
Figaro, Marceline.
 
FIGARO, MARCELINE.
Figaro
 
FIGARO.
Quel excès d'attention pour sa femme ! (Il veut sortir.)
 
Quel excès d'attention pour sa femme ! (Il veut sortir.)
Marcelinel'arrête.
 
MARCELINE l'arrête.
Deux mots, mon fils. Je veux m'acquitter avec toi : un sentiment mal dirigé m'avait rendue injuste envers ta charmante femme : je la supposais d'accord avec le Comte, quoique j'eusse appris de Bazile qu'elle l'avait toujours rebuté.
 
Deux mots, mon fils. Je veux m'acquitter avec toi :
un sentiment mal dirigé m'avait rendue injuste envers ta
charmante femme : je la supposais d'accord avec le
Comte, quoique j'eusse appris de Bazile qu'elle l'avait
toujours rebuté.
Figaro
 
FIGARO.
Vous connaissiez mal votre fils, de le croire ébranlé par ces impulsions féminines. Je puis défier la plus rusée de m'en faire accroire.
 
Vous connaissiez mal votre fils, de le croire ébranlé
par ces impulsions féminines. Je puis défier la plus rusée
de m'en faire accroire.
Marceline
 
MARCELINE.
Il est toujours heureux de le penser, mon fils ; la jalousie…
 
Il est toujours heureux de le penser, mon fils ; la
jalousie…
Figaro
 
FIGARO.
…N'est qu'un sot enfant de l'orgueil, ou c'est la maladie d'un fou. Oh ! j'ai là-dessus, ma mère, une philosophie… imperturbable ; et si Suzanne doit me tromper un jour, je lui pardonne d'avance ; elle aura longtemps travaillé… (Il se retourne et aperçoit Fanchette qui cherche de côté et d'autre.)
 
…N'est qu'un sot enfant de l'orgueil, ou c'est la
maladie d'un fou. Oh ! j'ai là-dessus, ma mère, une
philosophie… imperturbable ; et si Suzanne doit me
tromper un jour, je lui pardonne d'avance ; elle aura
long-temps travaillé… (Il se retourne et aperçoit Fanchette
qui cherche de côté et d'autre.)
SCÈNE XIV
 
FSCENE XIV.
Figaro, Fanchette, Marceline.
 
FIGARO, FANCHETTE, MARCELINE.
Figaro
 
FIGARO.
Eeeh… ma petite cousine qui nous écoute !
 
Eeeh… ma petite cousine qui nous écoute !
Fanchette
 
FANCHETTE.
Oh ! pour ça, non : on dit que c'est malhonnête.
 
Oh ! pour ça non : on dit que c'est malhonnête.
Figaro
 
FIGARO.
Il est vrai ; mais comme cela est utile, on fait aller souvent l'un pour l'autre.
 
Il est vrai ; mais comme cela est utile, on fait aller
souvent l'un pour l'autre.
Fanchette
 
FANCHETTE.
Je regardais si quelqu'un était là.
 
Je regardais si quelqu'un était là.
Figaro
 
FIGARO.
Déjà dissimulée, friponne ! Vous savez bien qu'il n'y peut être.
 
Déjà dissimulée, friponne ! vous savez bien qu'il n'y
peut être.
Fanchette
 
FANCHETTE.
Et qui donc ?
 
Et qui donc ?
Figaro
 
FIGARO.
Chérubin.
 
Chérubin.
Fanchette
 
FANCHETTE.
Ce n'est pas lui que je cherche, car je sais fort bien où il est ; c'est ma cousine Suzanne.
 
Ce n'est pas lui que je cherche, car je sais fort bien
où il est ; c'est ma cousine Suzanne.
Figaro
 
FIGARO.
Et que lui veut ma petite cousine ?
 
Et que lui veut ma petite cousine ?
Fanchette
 
FANCHETTE.
À vous, petit cousin, je le dirai. – C'est… ce n'est qu'une épingle que je veux lui remettre.
 
A vous, petit cousin, je le dirai. – C'est… ce n'est
qu'une épingle que je veux lui remettre.
Figaro, vivement.
 
FFIGARO, vivement.
Une épingle ! une épingle !… et de quelle part, coquine ? à votre âge, vous faites déjà un mét… (Il se reprend, et dit d'un ton doux.) Vous faites déjà très bien tout ce que vous entreprenez, Fanchette ; et ma jolie cousine est si obligeante…
 
Une épingle ! une épingle !… et de quelle part,
coquine ? à votre âge vous faites déjà un mét… (il se
reprend, et dit d'un ton doux)
Vous faites déjà très-bien
tout ce que vous entreprenez, Fanchette ; et ma jolie
cousine est si obligeante…
Fanchette
 
FANCHETTE.
À qui donc en a-t-il de se fâcher ? Je m'en vais.
 
A qui donc en a-t-il de se fâcher ? je m'en vais.
Figaro, l'arrêtant.
 
FIGARO, l'arrêtant.
Non, non, je badine ; tiens, ta petite épingle est celle que Monseigneur t'a dit de remettre à Suzanne, et qui servait à cacheter un petit papier qu'il tenait ; tu vois que je suis au fait.
 
Non, non, je badine ; tiens, ta petite épingle est
celle que Monseigneur t'a dit de remettre à Suzanne, et
qui servait à cacheter un petit papier qu'il tenait ; tu
vois que je suis au fait.
Fanchette
 
FANCHETTE.
Pourquoi donc le demander, quand vous le savez si bien ?
 
Pourquoi donc le demander, quand vous le savez si
bien ?
Figaro, cherchant.
 
FIGARO, cherchant.
C'est qu'il est assez gai de savoir comment Monseigneur s'y est pris pour t'en donner la commission.
 
C'est qu'il est assez gai de savoir comment Monseigneur
s'y est pris pour t'en donner la commission.
Fanchette, naïvement.
 
FANCHETTE, naïvement.
Pas autrement que vous ne dites : « Tiens, petite Fanchette, rends cette épingle à ta belle cousine, et dis-lui seulement que c'est le cachet des grands maronniers. »
 
Pas autrement que vous ne dites : tiens, petite Fanchette,
rends cette épingle à ta belle cousine, et dis-lui seulement que c'est
le cachet des grands maronniers
.
Figaro
 
FIGARO.
« Des grands… » ?
 
Des grands ?…
Fanchette
 
FANCHETTE.
« Maronniers. » Il est vrai qu'il a ajouté : « Prends garde que personne ne te voie. »
 
Maronniers. Il est vrai qu'il a ajouté : prends garde que
personne ne te voie
.
Figaro
 
FFIGARO.
Il faut obéir, ma cousine : heureusement personne ne vous a vue. Faites donc joliment votre commission ; et n'en dites pas plus à Suzanne que Monseigneur n'a ordonné.
 
Il faut obéir, ma cousine : heureusement personne ne
vous a vue. Faites donc joliment votre commission ;
et n'en dites pas plus à Suzanne que Monseigneur n'a
ordonné.
Fanchette
 
FANCHETTE.
Et pourquoi lui en dirais-je ? il me prend pour un enfant, mon cousin. (Elle sort en sautant.)
 
Et pourquoi lui en dirais-je ? il me prend pour un
enfant, mon cousin. (Elle sort en sautant.)
SCÈNE XV
 
SCENE XV.
Figaro, Marceline.
 
FIGARO, MARCELINE.
Figaro
 
FIGARO.
Eh bien, ma mère ?
 
bien, ma mère !
Marceline
 
MARCELINE.
Eh bien, mon fils ?
 
Hé bien, mon fils !
Figaro, comme étouffé.
 
FIGARO, comme étouffé.
Pour celui-ci !… il y a réellement des choses…
 
Pour celui-ci !… il y a réellement des choses…
Marceline
 
MARCELINE.
« Il y a des choses » ! hé, qu'est-ce qu'il y a ?
 
Il y a des choses ! hé ! qu'est-ce qu'il y a ?
Figaro, les mains sur la poitrine.
 
FIGARO, les mains sur la poitrine.
Ce que je viens d'entendre, ma mère, je l'ai là comme un plomb.
 
Ce que je viens d'entendre, ma mère, je l'ai là
comme un plomb.
Marceline, riant.
 
MARCELINE, riant.
Ce cœur plein d'assurance n'était donc qu'un ballon gonflé ? une épingle a tout fait partir !
 
Ce cœur plein d'assurance n'était donc qu'un ballon
gonflé ? une épingle a tout fait partir !
Figaro, furieux.
 
FFIGARO furieux.
Mais cette épingle, ma mère, est celle qu'il a ramassée !…
 
Mais cette épingle, ma mère, est celle qu'il a
ramassée !…
Marceline, rappelant ce qu'il a dit.
 
MARCELINE, rappelant ce qu'il a dit.
« La jalousie ! oh, j'ai là-dessus, ma mère, une philosophie… imperturbable ; et si Suzanne m'attrape un jour, je le lui pardonne… »
 
La jalousie ! oh, j'ai là-dessus, ma mère, une philo-
sophie… imperturbable ; et si Suzanne m'attrape un
jour, je le lui pardonne…
Figaro, vivement.
 
FIGARO, vivement.
Oh, ma mère ! on parle comme on sent : mettez le plus glacé des juges à plaider dans sa propre cause, et voyez-le expliquer la loi ! – Je ne m'étonne plus s'il avait tant d'humeur sur ce feu ! – Pour la mignonne aux fines épingles, elle n'en est pas où elle le croit, ma mère, avec ses maronniers ! Si mon mariage est assez fait pour légitimer ma colère, en revanche, il ne l'est pas assez pour que je n'en puisse épouser une autre, et l'abandonner…
 
Oh, ma mère ! on parle comme on sent : mettez le
plus glacé des juges à plaider dans sa propre cause, et
voyez-le expliquer la loi ! – Je ne m'étonne plus s'il avait
tant d'humeur sur ce feu ! – Pour la mignonne aux fines
épingles, elle n'en est pas où elle le croit, ma mère, avec
ses maronniers ! si mon mariage est assez fait pour légi-
timer ma colère, en revanche, il ne l'est pas assez pour
que je n'en puisse épouser une autre, et l'abandonner…
Marceline
 
MARCELINE.
Bien conclu ! abîmons tout sur un soupçon. Qui t'a prouvé, dis-moi, que c'est toi qu'elle joue, et non le Comte ? L'as-tu étudiée de nouveau, pour la condamner sans appel ? Sais-tu si elle se rendra sous les arbres, à quelle intention elle y va ? ce qu'elle y dira, ce qu'elle y fera ? Je te croyais plus fort en jugement.
 
Bien conclu ! abymons tout sur un soupçon. Qui t'a
prouvé, dis-moi, que c'est toi qu'elle joue, et non le
Comte ? L'as-tu étudiée de nouveau, pour la condamner
sans appel ? sais-tu si elle se rendra sous les arbres, à
quelle intention elle y va, ce qu'elle y dira, ce qu'elle
y fera ? je te croyais plus fort en jugement.
Figaro, lui baisant la main avec respect.
 
FIGARO, lui baisant la main avec respect.
Elle a raison, ma mère, elle a raison, raison, toujours raison ! Mais accordons, maman, quelque chose à la nature ; on en vaut mieux après. Examinons en effet, avant d'accuser et d'agir. Je sais où est le rendez-vous. Adieu, ma mère.
 
Elle a raison, ma mère, elle a raison, raison, toujours
raison ! mais accordons, maman, quelque chose à la
nature ; on en vaut mieux après. Examinons en effet,
avant d'accuser et d'agir. Je sais où est le rendez-vous.
Adieu, ma mère.
(Il sort.)
 
(Il sort.)
SCÈNE XVI
 
FSCENE XVI.
Marceline, seule.
 
MARCELINE seule.
Adieu ; et moi aussi, je le sais. Après l'avoir arrêté, veillons sur les voies de Suzanne ; ou plutôt avertissons-la ; elle est si jolie créature ! Ah ! quand l'intérêt personnel ne nous arme pas les unes contre les autres, nous sommes toutes portées à soutenir notre pauvre sexe opprimé, contre ce fier, ce terrible… (en riant.) et pourtant un peu nigaud de sexe masculin.
 
Adieu : et moi aussi, je le sais. Après l'avoir arrêté,
veillons sur les voies de Suzanne ; ou plutôt avertissons-la ;
elle est si jolie créature ! Ah ! quand l'intérêt personnel ne
nous arme pas les unes contre les autres, nous sommes
toutes portées à soutenir notre pauvre sexe opprimé,
contre ce fier, ce terrible… (en riant) et pourtant un
peu nigaud de sexe masculin.
(Elle sort.)
 
(Elle sort.)
Fin du quatrième acte.
 
Fin du quatrième Acte.