Kritische Edition der Vorlage von Beaumarchais, Kehl 1785       Diplomatische Übertragung der Vorlage von Beaumarchais, Kehl 1785 
SCÈNE XVI
 
SCENE XVI.
Le Comte, allant de côté et d'autre; Marceline, Bartholo, Figaro, Brid’oison.
 
LE COMTE, allant de côté et d'autre; MARCELINE,
BARTHOLO, FIGARO, BRID'OISON.
Marcelines'assied.
 
MARCELINE s'assied.
Ah ! je respire.
 
Ah ! je respire.
Figaro
 
FIGARO.
Et moi, j'étouffe.
 
Et moi, j'étouffe.
Le Comte, à part.
 
LE COMTE, à part.
Au moins je suis vengé, cela soulage.
 
Au moins je suis vengé, cela soulage.
Figaro, à part.
 
FIGARO, à part.
Et ce Bazile qui devait s'opposer au mariage de Marceline ; voyez comme il revient ! – (Au Comte qui sort.) Monseigneur, vous nous quittez ?
 
Et ce Bazile qui devait s'opposer au mariage de Mar-
celine, voyez comme il revient ! – (au Comte qui sort)
Monseigneur, vous nous quittez ?
Le Comte
 
LE COMTE.
Tout est jugé.
 
Tout est jugé.
Figaro, à Brid'oison.
 
FIGARO, à Brid'oison.
C'est ce gros enflé de conseiller…
 
C'est ce gros enflé de Conseiller…
Brid'oison
 
Brid'oison.
Moi, gro-os enflé !
 
Moi, gro-os enflé !
Figaro
 
FFIGARO.
Sans doute. Et je ne l'épouserai pas : je suis gentilhomme une fois. (Le Comte s'arrête.)
 
Sans doute. Et je ne l'épouserai pas : je suis gentil-
homme une fois. (le Comte s'arrête.)
Bartholo
 
BARTHOLO.
Vous l'épouserez.
 
Vous l'épouserez.
Figaro
 
FIGARO.
Sans l'aveu de mes nobles parents ?
 
Sans l'aveu de mes nobles parens ?
Bartholo
 
BARTHOLO.
Nommez-les, montrez-les.
 
Nommez-les, montrez-les.
Figaro
 
FIGARO.
Qu'on me donne un peu de temps : je suis bien près de les revoir ; il y a quinze ans que je les cherche.
 
Qu'on me donne un peu de temps : je suis bien près
de les revoir ; il y a quinze ans que je les cherche.
Bartholo
 
BARTHOLO.
Le fat ! c'est quelqu'enfant trouvé !
 
Le fat ! c'est quelqu'enfant trouvé !
Figaro
 
FIGARO.
Enfant perdu, docteur ; ou plutôt enfant volé.
 
Enfant perdu, Docteur ; ou plutôt enfant volé.
Le Comterevient.
 
LE COMTE revient.
« Volé, perdu », la preuve ? il crierait qu'on lui fait injure !
 
Volé, perdu, la preuve ? il crierait qu'on lui fait
injure !
Figaro
 
FIGARO.
Monseigneur, quand les langes à dentelles, tapis brodés et joyaux d'or trouvés sur moi par les brigands n'indiqueraient pas ma haute naissance, la précaution qu'on avait prise de me faire des marques distinctives témoignerait assez combien j'étais un fils précieux ; et cet hiéroglyphe à mon bras… (Il veut se dépouiller le bras droit.)
 
Monseigneur, quand les langes à dentelles, tapis
brodés et joyaux d'or trouvés sur moi par les brigands,
n'indiqueraient pas ma haute naissance, la précaution
qu'on avait prise de me faire des marques distinctives,
témoignerait assez combien j'étais un fils précieux : et
cet hiéroglyphe à mon bras… (il veut se dépouiller le
bras droit.)
Marceline, se levant vivement.
 
MARCELINE, se levant vivement.
Une spatule à ton bras droit ?
 
Une spatule à ton bras droit ?
Figaro
 
FFIGARO.
D'où savez-vous que je dois l'avoir ?
 
D'où savez-vous que je dois l'avoir ?
Marceline
 
MARCELINE.
Dieux ! c'est lui !
 
Dieux ! c'est lui !
Figaro
 
FIGARO.
Oui, c'est moi.
 
Oui, c'est moi.
Bartholo, à Marceline.
 
BARTHOLO, à Marceline.
Et qui ? lui !
 
Et qui ? lui !
Marceline, vivement.
 
MARCELINE, vivement.
C'est Emmanuel.
 
C'est Emmanuel.
Bartholo, à Figaro.
 
BARTHOLO, à Figaro.
Tu fus enlevé par des bohémiens ?
 
Tu fus enlevé par des Bohémiens ?
Figaro, exalté.
 
FIGARO, exalté.
Tout près d'un château. Bon docteur, si vous me rendez à ma noble famille, mettez un prix à ce service ; des monceaux d'or n'arrêteront pas mes illustres parents.
 
Tout près d'un château. Bon Docteur, si vous me
rendez à ma noble famille, mettez un prix à ce service ;
des monceaux d'or n'arrêteront pas mes illustres parens.
Bartholo, montrant Marceline.
 
BARTHOLO, montrant Marceline.
Voilà ta mère.
 
Voilà ta mère.
Figaro
 
FIGARO.
…Nourrice ?
 
…Nourrice ?
Bartholo
 
BARTHOLO.
Ta propre mère.
 
Ta propre mère.
Le Comte
 
LE COMTE.
Sa mère !
 
Sa mère !
Figaro
 
FIGARO.
Expliquez-vous.
 
Expliquez-vous.
Marceline, montrant Bartholo.
 
MARCELINE, montrant Bartholo.
Voilà ton père.
 
Voilà ton père.
Figaro, désolé.
 
FFIGARO, désolé.
Oh oh oh ! aïe de moi !
 
Oh oh oh ! aye de moi.
Marceline
 
MARCELINE.
Est-ce que la nature ne te l'a pas dit mille fois ?
 
Est-ce que la nature ne te l'a pas dit mille fois ?
Figaro
 
FIGARO.
Jamais.
 
Jamais.
Le Comte, à part.
 
LE COMTE, à part.
Sa mère !
 
Sa mère !
Brid'oison
 
Brid'oison.
C'est clair, i-il ne l'épousera pas.
 
C'est clair, i-il ne l'épousera pas.
Ce qui suit, enfermé entre ces deux index, a été retranché par les Comédiens-Français aux représentations de Paris.Bartholo
 
Ce qui suit, enfermé entre ces deux index, a été retranché par/les Comédiens français aux représentations de Paris. BARTHOLO.
Ni moi non plus.
 
Ni moi non plus.
Marceline
 
MARCELINE.
Ni vous ! et votre fils ? vous m'aviez juré…
 
Ni vous ! et votre fils ? vous m'aviez juré…
Bartholo
 
BARTHOLO.
J'étais fou. Si pareils souvenirs engageaient, on serait tenu d'épouser tout le monde.
 
J'étais fou. Si pareils souvenirs engageaient, on serait
tenu d'épouser tout le monde.
Brid'oison
 
Brid'oison.
E-et si l'on y regardait de si près, per-ersonne n'épouserait personne.
 
E-et si l'on y regardait de si près, per-ersonne
n'épouserait personne.
Bartholo
 
BARTHOLO.
Des fautes si connues ! une jeunesse déplorable !
 
Des fautes si connues ! une jeunesse déplorable !
Marceline, s'échauffant par degrés.
 
MARCELINE, s'échauffant par degrés.
Oui, déplorable, et plus qu'on ne croit ! Je n'entends pas nier mes fautes, ce jour les a trop bien prouvées ! mais qu'il est dur de les expier après trente ans d'une vie modeste ! J'étais née, moi, pour être sage, et je la suis devenue sitôt qu'on m'a permis d'user de ma raison. Mais dans l'âge des illusions, de l'inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiègent, pendant que la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant à tant d'ennemis rassemblés ? Tel nous juge ici sévèrement, qui, peut-être, en sa vie a perdu dix infortunées !
 
Oui, déplorable, et plus qu'on ne croit ! je n'entends
pas nier mes fautes, ce jour les a trop bien prouvées !
mais qu'il est dur de les expier après trente ans d'une
vie modeste ! j'étais née, moi, pour être sage, et je la
Fsuis devenue sitôt qu'on m'a permis d'user de ma raison.
Mais dans l'âge des illusions, de l'inexpérience et des
besoins, où les séducteurs nous assiégent, pendant que
la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant
à tant d'ennemis rassemblés ? Tel nous juge ici sévère-
ment, qui, peut-être, en sa vie a perdu dix infortunées !
Figaro
 
FIGARO.
Les plus coupables sont les moins généreux ! c'est la règle.
 
Les plus coupables sont les moins généreux ! c'est
la règle.
Marceline, vivement.
 
MARCELINE, vivement.
Hommes plus qu'ingrats, qui flétrissez par le mépris les jouets de vos passions, vos victimes ! c'est vous qu'il faut punir des erreurs de notre jeunesse ; vous et vos magistrats, si vains du droit de nous juger, et qui nous laissent enlever, par leur coupable négligence, tout honnête moyen de subsister. Est-il un seul état pour les malheureuses filles ? Elles avaient un droit naturel à toute la parure des femmes : on y laisse former mille ouvriers de l'autre sexe.
 
Hommes plus qu'ingrats, qui flétrissez par le mépris
les jouets de vos passions, vos victimes ! c'est vous qu'il
faut punir des erreurs de notre jeunesse ; vous et vos
magistrats, si vains du droit de nous juger, et qui nous
laissent enlever, par leur coupable négligence, tout
honnête moyen de subsister. Est-il un seul état pour les
malheureuses filles ? Elles avaient un droit naturel à
toute la parure des femmes ; on y laisse former mille
ouvriers de l'autre sexe.
Figaro, en colère.
 
FIGARO, en colère.
Ils font broder jusqu'aux soldats !
 
Ils font broder jusqu'aux soldats !
Marceline, exaltée.
 
MARCELINE exaltée.
Dans les rangs mêmes plus élevés, les femmes n'obtiennent de vous qu'une considération dérisoire ; leurrées de respects apparents, dans une servitude réelle ; traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes ! ah ! sous tous les aspects, votre conduite avec nous fait horreur ou pitié !
 
Dans les rangs mêmes plus élevés, les femmes n'ob-
tiennent de vous qu'une considération dérisoire ; leurées
de respects apparens, dans une servitude réelle ; traitées
en mineures pour nos biens, punies en majeures pour
nos fautes ! ah ! sous tous les aspects, votre conduite
avec nous fait horreur ou pitié !
Figaro
 
FIGARO.
Elle a raison !
 
Elle a raison !
Le Comte, à part.
 
LE COMTE, à part.
Que trop raison !
 
Que trop raison !
Brid'oison
 
FBrid'oison.
Elle a, mon-on Dieu, raison.
 
Elle a, mon-on Dieu, raison.
Marceline
 
MARCELINE.
Mais que nous sont, mon fils, les refus d'un homme injuste ? ne regarde pas d'où tu viens, vois où tu vas ; cela seul importe à chacun. Dans quelques mois, ta fiancée ne dépendra plus que d'elle-même ; elle t'acceptera, j'en réponds : vis entre une épouse, une mère tendres qui te chériront à qui mieux mieux. Sois indulgent pour elles, heureux pour toi, mon fils ; gai, libre, et bon pour tout le monde : il ne manquera rien à ta mère.
 
Mais que nous sont, mon fils, les refus d'un homme
injuste ? ne regarde pas d'où tu viens, vois où tu vas ;
cela seul importe à chacun. Dans quelques mois ta
fiancée ne dépendra plus que d'elle-même ; elle t'accep-
tera, j'en réponds : vis entre une épouse, une mère
tendres, qui te chériront à qui mieux mieux. Sois
indulgent pour elles, heureux pour toi, mon fils ; gai,
libre ; et bon pour tout le monde : il ne manquera rien
à ta mère.
Figaro
 
FIGARO.
Tu parles d'or, maman, et je me tiens à ton avis. Qu'on est sot, en effet ! il y a des mille, mille ans que le monde roule, et dans cet océan de durée où j'ai par hasard attrapé quelques chétifs trente ans qui ne reviendront plus, j'irais me tourmenter pour savoir à qui je les dois ! tant pis pour qui s'en inquiète ! Passer ainsi la vie à chamailler, c'est peser sur le collier sans relâche, comme les malheureux chevaux de la remonte des fleuves qui ne reposent pas, même quand ils s'arrêtent, et qui tirent toujours quoiqu'ils cessent de marcher. Nous attendrons… ←
 
Tu parles d'or, maman, et je me tiens à ton avis.
Qu'on est sot en effet ! il y a des mille mille ans que le
monde roule ; et dans cet océan de durée où j'ai par
hasard attrapé quelques chétifs trente ans qui ne revien-
dront plus, j'irais me tourmenter pour savoir à qui je
les dois ! tant pis pour qui s'en inquiète. Passer ainsi la
vie à chamailler, c'est peser sur le collier sans relâche,
comme les malheureux chevaux de la remonte des fleuves,
qui ne reposent pas, même quand ils s'arrêtent, et qui
tirent toujours quoiqu'ils cessent de marcher. Nous
attendrons. ←
Le Comte
 
LE COMTE.
Sot événement qui me dérange !
 
Sot événement qui me dérange !
Brid'oison, à Figaro.
 
Brid'oison, à Figaro.
Et la noblesse et le château ? vous impo-osez à la justice ?
 
Et la noblesse et le château ? vous impo-osez à la
justice ?
Figaro
 
FFIGARO.
Elle allait me faire faire une belle sottise, la justice ! après que j'ai manqué, pour ces maudits cent écus, d'assommer vingt fois monsieur, qui se trouve aujourd'hui mon père ! Mais, puisque le Ciel à sauvé ma vertu de ces dangers, mon père, agréez mes excuses… Et vous, ma mère, embrassez-moi… le plus maternellement que vous pourrez.
 
Elle allait me faire faire une belle sottise, la justice !
après que j'ai manqué, pour ces maudits cent écus,
d'assommer vingt fois Monsieur, qui se trouve aujourd'hui
mon père ! mais, puisque le ciel à sauvé ma vertu de
ces dangers, mon père, agréez mes excuses… Et
vous, ma mère, embrassez-moi… le plus maternel-
lement que vous pourrez.
(Marceline lui saute au cou.)
 
(Marceline lui saute au cou.)
SCÈNE XVII
 
SCENE XVII.
Bartholo, Figaro, Marceline, Brid’oison, Suzanne, Antonio, le Comte.
 
BARTHOLO, FIGARO, MARCELINE,
BRID'OISON, SUZANNE, ANTONIO,
LE COMTE.
Suzanne, accourant une bourse à la main.
 
SUZANNE, accourant une bourse à la main.
Monseigneur, arrêtez ; qu'on ne les marie pas : je viens payer madame avec la dot que ma maîtresse me donne.
 
Monseigneur, arrêtez ; qu'on ne les marie pas :
je viens payer Madame avec la dot que ma maîtresse
me donne.
Le Comte, à part.
 
LE COMTE, à part.
Au diable la maîtresse ! Il semble que tout conspire…
 
Au diable la maîtresse ! Il semble que tout conspire…
(Il sort.)
 
(Il sort.)
SCÈNE XVIII
 
FSCENE XVIII.
Bartholo, Antonio, Suzanne, Figaro, Marceline, Brid’oison.
 
BARTHOLO, ANTONIO, SUZANNE,
FIGARO, MARCELINE, BRID'OISON.
Antonio, voyant Figaro embrasser sa mère, dit à Suzanne.
 
ANTONIO, voyant Figaro embrasser sa mère,/dit à Suzanne.
Ah ! oui, payer ! Tiens, tiens.
 
Ah ! oui, payer ! Tiens, tiens.
Suzannese retourne.
 
SUZANNE se retourne.
J'en vois assez : sortons, mon oncle.
 
J'en vois assez ; sortons, mon oncle.
Figaro, l'arrêtant.
 
FIGARO, l'arrêtant.
Non, s'il vous plaît. Que vois-tu donc ?
 
Non, s'il vous plaît. Que vois-tu donc ?
Suzanne
 
SUZANNE.
Ma bêtise et ta lâcheté.
 
Ma bêtise et ta lâcheté.
Figaro
 
FIGARO.
Pas plus de l'une que de l'autre.
 
Pas plus de l'une que de l'autre.
Suzanne, en colère.
 
SUZANNE en colère.
Et que tu l'épouses à gré, puisque tu la caresses.
 
Et que tu l'épouses à gré, puisque tu la caresses.
Figaro, gaiement.
 
FIGARO, gaiement.
Je la caresse ; mais je ne l'épouse pas.
 
Je la caresse ; mais je ne l'épouse pas.
(Suzanne veut sortir, Figaro la retient.)
 
(Suzanne veut sortir, Figaro la retient.)
Suzannelui donne un soufflet.
 
SUZANNE lui donne un soufflet.
Vous êtes bien insolent d'oser me retenir !
 
Vous êtes bien insolent d'oser me retenir !
Figaro, à la compagnie.
 
FIGARO, à la compagnie.
C'est-il çà de l'amour ? Avant de nous quitter, je t'en supplie, envisage bien cette chère femme-là.
 
C'est-il çà de l'amour ? Avant de nous quitter, je
t'en supplie, envisage bien cette chère femme-là.
Suzanne
 
SUZANNE.
Je la regarde.
 
Je la regarde.
Figaro
 
FFIGARO.
Et tu la trouves ?
 
Et tu la trouves ?
Suzanne
 
SUZANNE.
Affreuse.
 
Affreuse.
Figaro
 
FIGARO.
Et vive la jalousie ! elle ne vous marchande pas.
 
Et vive la jalousie ! elle ne vous marchande pas.
Marceline, les bras ouverts.
 
MARCELINE, les bras ouverts.
Embrasse ta mère, ma jolie Suzanette. Le méchant qui te tourmente est mon fils.
 
Embrasse ta mère, ma jolie Suzanette. Le méchant
qui te tourmente est mon fils.
Suzannecourt à elle.
 
SUZANNE court à elle.
Vous sa mère ! (Elles restent dans les bras l'une de l'autre.)
 
Vous sa mère ! (elles restent dans les bras l'une de
l'autre.)
Antonio
 
ANTONIO.
C'est donc de tout à l'heure ?
 
C'est donc de tout à l'heure ?
Figaro
 
FIGARO.
…Que je le sais.
 
…Que je le sais.
Marceline, exaltée.
 
MARCELINE exaltée.
Non, mon cœur entraîné vers lui ne se trompait que de motif ; c'était le sang qui me parlait.
 
Non, mon cœur entraîné vers lui ne se trompait que
de motif ; c'était le sang qui me parlait.
Figaro
 
FIGARO.
Et moi le bon sens, ma mère, qui me servait d'instinct quand je vous refusais, car j'étais loin de vous haïr ; témoin l'argent…
 
Et moi, le bon sens, ma mère, qui me servait d'ins-
tinct quand je vous refusais, car j'étais loin de vous haïr ;
témoin l'argent…
Marcelinelui remet un papier.
 
MARCELINE lui remet un papier.
Il est à toi : reprends ton billet, c'est ta dot.
 
Il est à toi : reprends ton billet, c'est ta dot.
Suzannelui jette la bourse.
 
SUZANNE lui jette la bourse.
Prends encore celle-ci.
 
Prends encore celle-ci.
Figaro
 
FIGARO.
Grand merci.
 
Grand merci.
Marceline, exaltée.
 
FMARCELINE exaltée.
Fille assez malheureuse, j'allais devenir la plus misérable des femmes et je suis la plus fortunée des mères ! Embrassez-moi, mes deux enfants ; j'unis dans vous toutes mes tendresses. Heureuse autant que je puis l'être, ah ! mes enfants, combien je vais aimer !
 
Fille assez malheureuse, j'allais devenir la plus misé-
rable des femmes, et je suis la plus fortunée des mères !
Embrassez-moi, mes deux enfans ; j'unis dans vous toutes
mes tendresses. Heureuse autant que je puis l'être, ah !
mes enfans, combien je vais aimer !
Figaro, attendri, avec vivacité.
 
FIGARO attendri; avec vivacité.
Arrête donc, chère mère ! arrête donc ! voudrais-tu voir se fondre en eau mes yeux noyés des premières larmes que je connaisse ? elles sont de joie, au moins. Mais quelle stupidité ! j'ai manqué d'en être honteux : je les sentais couler entre mes doigts, regarde ; (Il montre ses doigts écartés.) et je les retenais bêtement ! va te promener, la honte ! je veux rire et pleurer en même temps ; on ne sent pas deux fois ce que j'éprouve. (Il embrasse sa mère d'un côté, Suzanne de l'autre.)
 
Arrête donc, chère mère ! arrête donc ! voudrais-tu
voir se fondre en eau mes yeux noyés des premières
larmes que je connaisse ? elles sont de joie, au moins.
Mais quelle stupidité ! j'ai manqué d'en être honteux :
je les sentais couler entre mes doigts, regarde ; (il montre
ses doigts écartés)
et je les retenais bêtement ! vas te pro-
mener la honte ! je veux rire et pleurer en même temps ;
on ne sent pas deux fois ce que j'éprouve. (il embrasse
sa mère d'un côté, Suzanne de l'autre.)
(Bartholo, Antonio, Suzanne, Figaro, Marceline, Brid'oison.)
 
Bartholo.
Antonio.
Suzanne.
Figaro.
Marceline.
Brid'oison.
Marceline
 
MARCELINE.
Ô mon ami !
 
O mon ami !
Suzanne
 
SUZANNE.
Mon cher ami !
 
Mon cher ami !
Brid'oison, s'essuyant les yeux d'un mouchoir.
 
Brid'oisons'essuyant les yeux d'un mouchoir.
Eh bien ! moi ! je suis donc bê-ête aussi !
 
Eh bien ! moi ! je suis donc bê-ête aussi !
Figaro, exalté.
 
FIGARO exalté.
Chagrin, c'est maintenant que je puis te défier : atteins-moi, si tu l'oses, entre ces deux femmes chéries.
 
Chagrin, c'est maintenant que je puis te défier ; atteins-
moi, si tu l'oses, entre ces deux femmes chéries.
Antonio, à Figaro.
 
ANTONIO, à Figaro.
Pas tant de cajoleries, s'il vous plaît. En fait de mariage dans les familles, celui des parents va devant, savez. Les vôtres se baillent-ils la main ?
 
Pas tant de cajoleries, s'il vous plaît. En fait de mariage
dans les familles, celui des parens va devant, savez. Les
vôtres se baillent-ils la main ?
Bartholo
 
FBARTHOLO.
Ma main ! puisse-t-elle se dessécher et tomber, si jamais je la donne à la mère d'un tel drôle !
 
Ma main ! puisse-t-elle se dessécher et tomber, si jamais
je la donne à la mère d'un tel drôle !
Antonio, à Bartholo.
 
ANTONIO, à Bartholo.
Vous n'êtes donc qu'un père marâtre ? (À Figaro.) En ce cas, not' galant, plus de parole.
 
Vous n'êtes donc qu'un père marâtre ? (à Figaro)
En ce cas, not' galant, plus de parole.
Suzanne
 
SUZANNE.
Ah ! mon oncle…
 
Ah ! mon oncle…
Antonio
 
ANTONIO.
Irai-je donner l'enfant de not' sœur à sti qui n'est l'enfant de personne ?
 
Irai-je donner l'enfant de not' sœur à sti qui n'est
l'enfant de personne ?
Brid'oison
 
Brid'oison.
Est-ce que cela-a se peut, imbécile ? on-on est toujours l'enfant de quelqu'un.
 
Est-ce que cela-a se peut, imbécille ? on-on est tou-
jours l'enfant de quelqu'un.
Antonio
 
ANTONIO.
Tarare !… il ne l'aura jamais. (Il sort.)
 
Tarare !… il ne l'aura jamais. (il sort.)
SCÈNE XIX
 
SCENE XIX.
Bartholo, Suzanne, Figaro, Marceline, Brid’oison.
 
BARTHOLO, SUZANNE, FIGARO,
MARCELINE, BRID'OISON.
Bartholo, à Figaro.
 
BARTHOLO, à Figaro.
Et cherche à présent qui t'adopte. (Il veut sortir.)
 
Et cherche à présent qui t'adopte. (il veut sortir.)
Marceline, courant prendre Bartholo à bras le corps, le ramène.
 
MARCELINE courant prendre Bartholo à bras/le corps, le ramène.
Arrêtez, docteur, ne sortez pas.
 
Arrêtez, Docteur, ne sortez pas.
Figaro, à part.
 
FIGARO, à part.
Non, tous les sots d'Andalousie sont, je crois, déchaînés contre mon pauvre mariage !
 
Non, tous les sots d'Andalousie sont, je crois,
déchaînés contre mon pauvre mariage !
(Suzanne, Bartholo, Marceline, Figaro, Brid'oison.)
 
Suzanne.
Bartholo.
Marceline.
Figaro.
Brid'oison.
Suzanne, à Bartholo.
 
FSUZANNE, à Bartholo.
Bon petit papa, c'est votre fils.
 
Bon petit papa, c'est votre fils.
Marceline, à Bartholo.
 
MARCELINE, à Bartholo.
De l'esprit, des talents, de la figure.
 
De l'esprit, des talens, de la figure.
Figaro, à Bartholo.
 
FIGARO, à Bartholo.
Et qui ne vous a pas coûté une obole.
 
Et qui ne vous a pas coûté une obole.
Bartholo
 
BARTHOLO.
Et les cent écus qu'il m'a pris ?
 
Et les cent écus qu'il m'a pris ?
Marceline, le caressant.
 
MARCELINE, le caressant.
Nous aurons tant de soin de vous, papa !
 
Nous aurons tant de soin de vous, papa !
Suzanne, le caressant.
 
SUZANNE, le caressant.
Nous vous aimerons tant, petit papa !
 
Nous vous aimerons tant, petit papa !
Bartholo, attendri.
 
BARTHOLO, attendri.
Papa ! bon papa ! petit papa ! voilà que je suis plus bête encore que Monsieur, moi. (Montrant Brid'oison.) Je me laisse aller comme un enfant. (Marceline et Suzanne l'embrassent.) Oh ! non, je n'ai pas dit oui. (Il se retourne.) Qu'est donc devenu Monseigneur ?
 
Papa ! bon papa ! petit papa ! voilà que je suis plus
bête encore que Monsieur, moi. (montrant Brid'oison)
Je me laisse aller comme un enfant. (Marceline et Suzanne
l'embrassent)
Oh ! non, je n'ai pas dit oui. (il se retourne)
Qu'est donc devenu Monseigneur ?
Figaro
 
FIGARO.
Courons le joindre ; arrachons-lui son dernier mot. S'il machinait quelqu'autre intrigue, il faudrait tout recommencer.
 
Courons le joindre ; arrachons-lui son dernier mot.
S'il machinait quelqu'autre intrigue, il faudrait tout
recommencer.
TOUS ENSEMBLE
 
TOUS ENSEMBLE.
Courons, courons.
 
Courons, courons.
(Ils entraînent Bartholo dehors.)
 
(Ils entraînent Bartholo dehors.)
SCÈNE XX
 
SCENE XX.
Brid’oison, seul.
 
BRID'OISON seul.
Plus bê-ête encore que Monsieur ! On peut se dire à soi-même ces-es sortes de choses-là, mais… I-ils ne sont pas polis du tout dan-ans cet endroit-ci. (Il sort.)
 
Plus bê-ête encore que Monsieur ! on peut se dire à
soi-même ces-es sortes de choses-là, mais… i-ils ne sont
pas polis du tout dan-ans cet endroit-ci. (il sort.)
Fin du troisième acte.
 
Fin du troisième Acte.