Kritische Edition der Vorlage von Beaumarchais, Kehl 1785       Diplomatische Übertragung der Vorlage von Beaumarchais, Kehl 1785 
SCÈNE II
 
SCENE II.
Le Comte seul, criant.
 
LE COMTE seul, criant.
Pédrille ?
 
Pedrille ?
SCÈNE III
 
FSCENE III
Le Comte, Pédrille revient.
 
LE COMTE, PEDRILLE revient.
Pédrille
 
PEDRILLE.
Excellence ?
 
Excellence ?
Le Comte
 
LE COMTE.
On ne t'a pas vu ?
 
On ne t'a pas vu ?
Pédrille
 
PEDRILLE.
Âme qui vive.
 
Ame qui vive.
Le Comte
 
LE COMTE.
Prenez le cheval barbe.
 
Prenez le cheval barbe.
Pédrille
 
PEDRILLE.
Il est à la grille du potager, tout sellé.
 
Il est à la grille du potager, tout sellé.
Le Comte
 
LE COMTE.
Ferme, d'un trait, jusqu'à Séville.
 
Ferme, d'un trait, jusqu'à Séville.
Pédrille
 
PEDRILLE.
Il n'y a que trois lieues, elles sont bonnes.
 
Il n'y a que trois lieues, elles sont bonnes.
Le Comte
 
LE COMTE.
En descendant, sachez si le page est arrivé.
 
En descendant, sachez si le Page est arrivé.
Pédrille
 
PEDRILLE.
Dans l'hôtel ?
 
Dans l'hôtel ?
Le Comte
 
LE COMTE.
Oui ; surtout depuis quel temps.
 
Oui ; surtout depuis quel temps ?
Pédrille
 
PEDRILLE.
J'entends.
 
J'entends.
Le Comte
 
LE COMTE.
Remets-lui son brevet et reviens vite.
 
Remets-lui son brevet, et reviens vîte.
Pédrille
 
FPEDRILLE.
Et s'il n'y était pas ?
 
Et s'il n'y était pas ?
Le Comte
 
LE COMTE.
Revenez plus vite et m'en rendez compte. Allez.
 
Revenez plus vîte, et m'en rendez compte : allez.
SCÈNE IV
 
SCENE IV.
Le Comte seul, marche en rêvant.
 
LE COMTE seul, marche en rêvant.
J'ai fait une gaucherie en éloignant Bazile !… la colère n'est bonne à rien. – Ce billet remis par lui, qui m'avertit d'une entreprise sur la Comtesse ; la camariste enfermée quand j'arrive ; la maîtresse affectée d'une terreur fausse ou vraie ; un homme qui saute par la fenêtre, et l'autre après qui avoue… ou qui prétend que c'est lui… Le fil m'échappe. Il y a là-dedans une obscurité… Des libertés chez mes vassaux, qu'importe à gens de cette étoffe ? Mais la Comtesse ! si quelque insolent attentait… où m'égaré-je ? En vérité quand la tête se monte, l'imagination la mieux réglée devient folle comme un rêve ! – Elle s'amusait ; ces ris étouffés, cette joie mal éteinte ! – Elle se respecte, et mon honneur… où diable on l'a placé ! De l'autre part où suis-je ? cette friponne de Suzanne a-t-elle trahi mon secret ?… Comme il n'est pas encore le sien… Qui donc m'enchaîne à cette fantaisie ? j'ai voulu vingt fois y renoncer… Étrange effet de l'irrésolution ! si je la voulais sans débat, je la désirerais mille fois moins. – Ce Figaro se fait bien attendre ! il faut le sonder adroitement, (Figaro paraît dans le fond ; il s'arrête.) et tâcher, dans la conversation que je vais avoir avec lui, de démêler d'une manière détournée s'il est instruit ou non de mon amour pour Suzanne.
 
J'ai fait une gaucherie en éloignant Bazile !… la colère
n'est bonne à rien. – Ce billet remis par lui, qui
m'avertit d'une entreprise sur la Comtesse ; la Camariste
enfermée quand j'arrive ; la maîtresse affectée d'une
terreur fausse ou vraie ; un homme qui saute par la
fenêtre, et l'autre après qui avoue… ou qui prétend
que c'est lui… le fil m'échappe. Il y a là-dedans
une obscurité… Des libertés chez mes vassaux, qu'im-
porte à gens de cette étoffe ? Mais la Comtesse ! si quelque
insolent attentait… où m'égarai-je ? En vérité quand
la tête se monte, l'imagination la mieux réglée devient
folle comme un rêve ! – Elle s'amusait ; ces ris étouffés,
cette joie mal éteinte ! – Elle se respecte, et mon hon-
neur… où diable on l'a placé ! De l'autre part où
suis-je ? Cette friponne de Suzanne a-t-elle trahi mon
secret ? comme il n'est pas encore le sien… Qui donc
m'enchaîne à cette fantaisie ? j'ai voulu vingt fois y
renoncer… Etrange effet de l'irrésolution ! si je la
voulais sans débat, je la désirerais mille fois moins.
– Ce Figaro se fait bien attendre ! il faut le sonder
adroitement, (Figaro paraît dans le fond ; il s'arrête.) et
tâcher, dans la conversation que je vais avoir avec lui,
de démêler, d'une manière détournée, s'il est instruit
ou non de mon amour pour Suzanne ;
SCÈNE V
 
FSCENE V.
Le Comte, Figaro.
 
LE COMTE, FIGARO.
Figaro, à part.
 
FIGARO, à part.
Nous y voilà.
 
Nous y voilà.
Le Comte
 
LE COMTE.
…S'il en sait par elle un seul mot…
 
…s'il en sait par elle un seul mot…
Figaro, à part.
 
FIGARO, à part.
Je m'en suis douté.
 
Je m'en suis douté.
Le Comte
 
LE COMTE.
…je lui fais épouser la vieille.
 
…je lui fais épouser la vieille.
Figaro, à part.
 
FIGARO, à part.
Les amours de monsieur Bazile.
 
Les amours de monsieur Bazile.
Le Comte
 
LE COMTE.
…Et voyons ce que nous ferons de la jeune.
 
…et voyons ce que nous ferons de la jeune.
Figaro, à part.
 
FIGARO, à part.
Ah ! ma femme, s'il vous plaît.
 
Ah ! ma femme, s'il vous plaît.
Le Comtese retourne.
 
LE COMTE se retourne.
Hein ? quoi ? qu'est-ce que c'est ?
 
Hein ? quoi ? qu'est-ce que c'est ?
Figaros'avance.
 
FIGARO s'avance.
Moi, qui me rends à vos ordres.
 
Moi, qui me rends à vos ordres.
Le Comte
 
LE COMTE.
Et pourquoi ces mots ?
 
Et pourquoi ces mots ?
Figaro
 
FIGARO.
Je n'ai rien dit.
 
Je n'ai rien dit.
Le Comterépète.
 
LE COMTE répète.
« Ma femme, s'il vous plaît ? »
 
Ma femme, s'il vous plaît ?
Figaro
 
FFIGARO.
C'est… la fin d'une réponse que je faisais : « Allez le dire à ma femme, s'il vous plaît ».
 
C'est… la fin d'une réponse que je fesais : allez le
dire à ma femme, s'il vous plaît
.
Le Comtese promène.
 
LE COMTE se promène.
« Sa femme » !… Je voudrais bien savoir quelle affaire peut arrêter Monsieur, quand je le fais appeler ?
 
Sa femme !… Je voudrais bien savoir quelle affaire
peut arrêter Monsieur, quand je le fais appeler ?
Figaro, feignant d'assurer son habillement.
 
FIGARO feignant d'assurer son habillement.
Je m'étais sali sur ces couches en tombant ; je me changeais.
 
Je m'étais sali sur ces couches en tombant ; je me
changeais.
Le Comte
 
LE COMTE.
Faut-il une heure ?
 
Faut-il une heure ?
Figaro
 
FIGARO.
Il faut le temps.
 
Il faut le temps.
Le Comte
 
LE COMTE.
Les domestiques ici… sont plus longs à s'habiller que les maîtres !
 
Les domestiques ici… sont plus longs à s'habiller
que les maîtres !
Figaro
 
FIGARO.
C'est qu'ils n'ont point de valets pour les y aider.
 
C'est qu'ils n'ont point de valets pour les y aider.
Le Comte
 
LE COMTE.
…Je n'ai pas trop compris ce qui vous avait forcé tantôt de courir un danger inutile, en vous jetant…
 
…Je n'ai pas trop compris ce qui vous avait forcé
tantôt de courir un danger inutile, en vous jetant…
Figaro
 
FIGARO.
Un danger ! on dirait que je me suis engouffré tout vivant…
 
Un danger ! on dirait que je me suis engouffré tout
vivant…
Le Comte
 
LE COMTE.
Essayez de me donner le change en feignant de le prendre, insidieux valet ! vous entendez fort bien que ce n'est pas le danger qui m'inquiète, mais le motif.
 
Essayez de me donner le change, en feignant de le
prendre, insidieux valet ! vous entendez fort bien que ce
n'est pas le danger qui m'inquiéte, mais le motif.
Figaro
 
FFIGARO.
Sur un faux avis, vous arrivez furieux, renversant tout, comme le torrent de la Morena ; vous cherchez un homme ; il vous le faut, ou vous allez briser les portes, enfoncer les cloisons ! je me trouve là par hasard ; qui sait dans votre emportement si…
 
Sur un faux avis, vous arrivez furieux, renversant
tout, comme le torrent de la Morena ; vous cherchez
un homme ; il vous le faut, ou vous allez briser les
portes, enfoncer les cloisons ; je me trouve-là par hasard ;
qui sait dans votre emportement si…
Le Comte, interrompant.
 
LE COMTE interrompant.
Vous pouviez fuir par l'escalier.
 
Vous pouviez fuir par l'escalier.
Figaro
 
FIGARO.
Et vous, me prendre au corridor.
 
Et vous, me prendre au corridor.
Le Comte, en colère.
 
LE COMTE en colère.
Au corridor ! (À part.) Je m'emporte, et nuis à ce que je veux savoir.
 
Au corridor ! (à part) je m'emporte, et nuis à ce que
je veux savoir.
Figaro, à part.
 
FIGARO, à part.
Voyons-le venir, et jouons serré.
 
Voyons-le venir, et jouons serré.
Le Comte, radouci.
 
LE COMTE radouci.
Ce n'est pas ce que je voulais dire, laissons cela. J'avais… oui, j'avais quelque envie de t'emmener à Londres, courrier de dépêches… mais toutes réflexions faites…
 
Ce n'est pas ce que je voulais dire, laissons cela.
J'avais… oui, j'avais quelqu'envie de t'emmener à
Londres, courrier de dépêches… mais toutes réflexions
faites…
Figaro
 
FIGARO.
Monseigneur a changé d'avis ?
 
Monseigneur a changé d'avis ?
Le Comte
 
LE COMTE.
Premièrement, tu ne sais pas l'anglais.
 
Premièrement, tu ne sais pas l'anglais.
Figaro
 
FIGARO.
Je sais God-dam.
 
Je sais God-dam.
Le Comte
 
LE COMTE.
Je n'entends pas.
 
Je n'entends pas.
Figaro
 
FIGARO.
Je dis que je sais God-dam.
 
Je dis que je sais God-dam.
Le Comte
 
FLE COMTE.
Eh bien ?
 
Hé bien ?
Figaro
 
FIGARO.
Diable ! c'est une belle langue que l'anglais ; il en faut peu pour aller loin. Avec God-dam en Angleterre, on ne manque de rien nulle part. – Voulez-vous tâter d'un bon poulet gras ? entrez dans une taverne, et faites seulement ce geste au garçon. (Il tourne la broche.) God-dam ! on vous apporte un pied de bœuf salé sans pain. C'est admirable ! Aimez-vous à boire un coup d'excellent bourgogne ou de clairet ? rien que celui-ci. (Il débouche une bouteille.) God-dam ! on vous sert un pot de bière, en bel étain, la mousse aux bords. Quelle satisfaction ! Rencontrez-vous une de ces jolies personnes qui vont trottant menu, les yeux baissés, coudes en arrière, et tortillant un peu des hanches ? mettez mignardement tous les doigts unis sur la bouche. Ah ! God-dam ! elle vous sangle un soufflet de crocheteur. Preuve qu'elle entend. Les Anglais, à la vérité, ajoutent par-ci, par-là quelques autres mots en conversant ; mais il est bien aisé de voir que God-dam est le fond de la langue ; et si Monseigneur n'a pas d'autre motif de me laisser en Espagne…
 
Diable ! c'est une belle langue que l'anglais ; il en
faut peu pour aller loin : avec God-dam en Angleterre,
on ne manque de rien nulle part. – Voulez-vous tâter
d'un bon poulet gras ? entrez dans une taverne, et faites
seulement ce geste au garçon ; (il tourne la broche) God-dam !
on vous apporte un pied de bœuf salé sans pain. C'est
admirable ! Aimez-vous à boire un coup d'excellent
Bourgogne ou de Clairet ? rien que celui-ci ; (il débouche
une bouteille)
God-dam ! on vous sert un pot de bierre en
bel étain, la mousse aux bords : quelle satisfaction ! Ren-
contrez vous une de ces jolies personnes qui vont trottant
menu, les yeux baissés, coudes en arrière, et tortillant
un peu des hanches ? mettez mignardement tous les
doigts unis sur la bouche ; ah ! God-dam ! elle vous sangle
un soufflet de crocheteur : preuve qu'elle entend. Les
Anglais, à la vérité, ajoutent par-ci, par-là quelques
autres mots en conversant ; mais il est bien aisé de voir
que God-dam est le fond de la langue ; et si Monseigneur
n'a pas d'autre motif de me laisser en Espagne…
Le Comte, à part.
 
LE COMTE, à part.
Il veut venir à Londres ; elle n'a pas parlé.
 
Il veut venir à Londres ; elle n'a pas parlé.
Figaro, à part.
 
FIGARO, à part.
Il croit que je ne sais rien ; travaillons-le un peu dans son genre.
 
Il croit que je ne sais rien ; travaillons-le un peu
dans son genre.
Le Comte
 
LE COMTE.
Quel motif avait la Comtesse pour me jouer un pareil tour ?
 
Quel motif avait la Comtesse pour me jouer un
pareil tour ?
Figaro
 
FIGARO.
Ma foi, Monseigneur, vous le savez mieux que moi.
 
Ma foi, Monseigneur, vous le savez mieux que moi.
Le Comte
 
FLE COMTE.
Je la préviens sur tout et la comble de présents.
 
Je la préviens sur tout, et la comble de présens.
Figaro
 
FIGARO.
Vous lui donnez, mais vous êtes infidèle. Sait-on gré du superflu à qui nous prive du nécessaire ?
 
Vous lui donnez, mais vous êtes infidèle. Sait-on
gré du superflu à qui nous prive du nécessaire ?
Le Comte
 
LE COMTE.
…Autrefois tu me disais tout.
 
…Autrefois tu me disais tout.
Figaro
 
FIGARO.
Et maintenant je ne vous cache rien.
 
Et maintenant je ne vous cache rien.
Le Comte
 
LE COMTE.
Combien la Comtesse t'a-t-elle donné pour cette belle association ?
 
Combien la Comtesse t'a-t-elle donné pour cette belle
association ?
Figaro
 
FIGARO.
Combien me donnâtes-vous pour la tirer des mains du docteur ? Tenez, Monseigneur, n'humilions pas l'homme qui nous sert bien, crainte d'en faire un mauvais valet.
 
Combien me donnâtes-vous pour la tirer des mains du
Docteur ! tenez, Monseigneur ; n'humilions pas l'homme
qui nous sert bien, crainte d'en faire un mauvais valet.
Le Comte
 
LE COMTE.
Pourquoi faut-il qu'il y ait toujours du louche en ce que tu fais ?
 
Pourquoi faut-il qu'il y ait toujours du louche en
ce que tu fais ?
Figaro
 
FIGARO.
C'est qu'on en voit partout quand on cherche des torts.
 
C'est qu'on en voit par-tout quand on cherche des
torts.
Le Comte
 
LE COMTE.
Une réputation détestable !
 
Une réputation détestable !
Figaro
 
FIGARO.
Et si je vaux mieux qu'elle ? y a-t-il beaucoup de seigneurs qui puissent en dire autant ?
 
Et si je vaux mieux qu'elle ? y a-t-il beaucoup de
seigneurs qui puissent en dire autant ?
Le Comte
 
LE COMTE.
Cent fois je t'ai vu marcher à la fortune, et jamais aller droit.
 
Cent fois je t'ai vu marcher à la fortune, et jamais
aller droit.
Figaro
 
FFIGARO.
Comment voulez-vous ? la foule est là : chacun veut courir, on se presse, on pousse, on coudoie, on renverse, arrive qui peut ; le reste est écrasé. Aussi c'est fait ; pour moi, j'y renonce.
 
Comment voulez-vous ? la foule est là : chacun veut
courir, on se presse, on pousse, on coudoie, on ren-
verse, arrive qui peut ; le reste est écrasé. Aussi, c'est fait ;
pour moi j'y renonce.
Le Comte
 
LE COMTE.
À la fortune ? (À part.) Voici du neuf.
 
A la fortune ? (à part) Voici du neuf.
Figaro
 
FIGARO.
(À part.) À mon tour maintenant. (Haut.) Votre Excellence m'a gratifié de la conciergerie du château ; c'est un fort joli sort ; à la vérité je ne serai pas le courtier étrenné des nouvelles intéressantes ; mais en revanche, heureux avec ma femme au fond de l'Andalousie…
 
(à part) A mon tour maintenant. (haut) Votre Excel-
lence m'a gratifié de la conciergerie du château ; c'est un
fort joli sort : à la vérité je ne serai pas le courtier étrenné
des nouvelles intéressantes ; mais en revanche, heureux
avec ma femme au fond de l'Andalousie…
Le Comte
 
LE COMTE.
Qui t'empêcherait de l'emmener à Londres ?
 
Qui t'empêcherait de l'emmener à Londres ?
Figaro
 
FIGARO.
Il faudrait la quitter si souvent que j'aurais bientôt du mariage par-dessus la tête.
 
Il faudrait la quitter si souvent, que j'aurais bientôt
du mariage par-dessus la tête.
Le Comte
 
LE COMTE.
Avec du caractère et de l'esprit, tu pourrais un jour t'avancer dans les bureaux.
 
Avec du caractère et de l'esprit, tu pourrais un jour
t'avancer dans les bureaux.
Figaro
 
FIGARO.
De l'esprit pour s'avancer ? Monseigneur se rit du mien. Médiocre et rampant ; et l'on arrive à tout.
 
De l'esprit pour s'avancer ? Monseigneur se rit du mien.
Médiocre et rampant ; et l'on arrive à tout.
Le Comte
 
LE COMTE.
…Il ne faudrait qu'étudier un peu sous moi la politique.
 
…Il ne faudrait qu'étudier un peu sous moi la
politique.
Figaro
 
FIGARO.
Je la sais.
 
Je la sais.
Le Comte
 
LE COMTE.
Comme l'anglais, le fond de la langue !
 
Comme l'anglais, le fond de la langue !
Figaro
 
FFIGARO.
Oui, s'il y avait de quoi se vanter. Mais feindre d'ignorer ce qu'on sait, de savoir tout ce qu'on ignore, d'entendre ce qu'on ne comprend pas, de ne point ouïr ce qu'on entend, surtout de pouvoir au-delà de ses forces ; avoir souvent pour grand secret de cacher qu'il n'y en a point ; s'enfermer pour tailler des plumes et paraître profond, quand on n'est, comme on dit, que vide et creux ; jouer bien ou mal un personnage ; répandre des espions et pensionner des traîtres ; amolir des cachets ; intercepter des lettres ; et tâcher d'ennoblir la pauvreté des moyens par l'importance des objets : voilà toute la politique, ou je meure !
 
Oui, s'il y avait de quoi se vanter. Mais feindre
d'ignorer ce qu'on sait, de savoir tout ce qu'on ignore ;
d'entendre ce qu'on ne comprend pas, de ne point ouïr
ce qu'on entend ; surtout de pouvoir au-delà de ses
forces ; avoir souvent pour grand secret de cacher qu'il
n'y en a point ; s'enfermer pour tailler des plumes, et
paraître profond quand on n'est, comme on dit, que vide
et creux ; jouer bien ou mal un personnage ; répandre des
espions et pensionner des traîtres ; amolir des cachets ;
intercepter des lettres ; et tâcher d'anoblir la pauvreté
des moyens par l'importance des objets : voilà toute la
politique, ou je meure !
Le Comte
 
LE COMTE.
Eh ! c'est l'intrigue que tu définis !
 
Eh ! c'est l'intrigue que tu définis !
Figaro
 
FIGARO.
La politique, l'intrigue, volontiers ; mais comme je les crois un peu germaines, en fasse qui voudra. « J'aime mieux ma mie, ô gué », comme dit la chanson du bon roi.
 
La politique, l'intrigue, volontiers ; mais comme je
les crois un peu germaines, en fasse qui voudra. J'aime
mieux ma mie au gué
, comme dit la chanson du bon roi.
Le Comte, à part.
 
LE COMTE à part.
Il veut rester. J'entends… Suzanne m'a trahi.
 
Il veut rester. J'entends… Suzanne m'a trahi.
Figaro, à part.
 
FIGARO à part.
Je l'enfile et le paye en sa monnaie.
 
Je l'enfile, et le paye en sa monnaie.
Le Comte
 
LE COMTE.
Ainsi tu espères gagner ton procès contre Marceline ?
 
Ainsi tu espères gagner ton procès contre Marceline ?
Figaro
 
FIGARO.
Me feriez-vous un crime de refuser une vieille fille, quand Votre Excellence se permet de nous souffler toutes les jeunes ?
 
Me feriez-vous un crime de refuser une vieille fille,
quand votre Excellence se permet de nous souffler toutes
les jeunes ?
Le Comte, raillant.
 
FLE COMTE raillant.
Au tribunal, le magistrat s'oublie et ne voit plus que l'ordonnance.
 
Au tribunal, le magistrat s'oublie, et ne voit plus
que l'ordonnance.
Figaro
 
FIGARO.
Indulgente aux grands, dure aux petits…
 
Indulgente aux grands, dure aux petits…
Le Comte
 
LE COMTE.
Crois-tu donc que je plaisante ?
 
Crois-tu donc que je plaisante ?
Figaro
 
FIGARO.
Eh ! qui le sait, Monseigneur ? Tempo è galant'uomo, dit l'italien ; il dit toujours la vérité : c'est lui qui m'apprendra qui me veut du mal ou du bien.
 
Eh ! qui le sait, Monseigneur ? Tempo e galant'uomo,
dit l'italien ; il dit toujours la vérité ; c'est lui qui m'ap-
prendra qui me veut du mal ou du bien.
Le Comte, à part.
 
LE COMTE à part.
Je vois qu'on lui a tout dit ; il épousera la duègne.
 
Je vois qu'on lui a tout dit ; il épousera la duègne.
Figaro, à part.
 
FIGARO, à part.
Il a joué au fin avec moi ; qu'a-t-il appris ?
 
Il a joué au fin avec moi ; qu'a-t-il appris ?
SCÈNE VI
 
SCENE VI.
Le Comte, un Laquais, Figaro.
 
LE COMTE, UN LAQUAIS, FIGARO.
Le Laquais, annonçant.
 
LE LAQUAIS annonçant.
Don Gusman Brid'oison.
 
Dom Gusman Brid'oison.
Le Comte
 
LE COMTE.
Brid'oison ?
 
Brid'oison ?
Figaro
 
FIGARO.
Eh ! sans doute. C'est le juge ordinaire ; le lieutenant du siège ; votre prud'homme.
 
Eh ! sans doute. C'est le juge ordinaire ; le lieutenant
du siége ; votre prud'homme.
Le Comte
 
LE COMTE.
Qu'il attende.
 
Qu'il attende.
(Le laquais sort.)
 
(Le laquais sort.)
SCÈNE VII
 
FSCENE VII.
Le Comte, Figaro.
 
LE COMTE, FIGARO.
Figaroreste un moment à regarder le Comte qui rêve.
 
FIGARO reste un moment à regarder le Comte qui rêve.
…Est-ce-là ce que Monseigneur voulait ?
 
Est-ce-la ce que Monseigneur voulait ?
Le Comte, revenant à lui.
 
LE COMTE revenant à lui.
Moi ?… Je disais d'arranger ce salon pour l'audience publique.
 
Moi ?… je disais d'arranger ce salon pour l'audience
publique.
Figaro
 
FIGARO.
Eh, qu'est-ce qu'il manque ? le grand fauteuil pour vous, de bonnes chaises aux prud'hommes, le tabouret du greffier, deux banquettes aux avocats, le plancher pour le beau monde, et la canaille derrière. Je vais renvoyer les frotteurs.
 
Hé, qu'est-ce qu'il manque ? le grand fauteuil pour
vous, de bonnes chaises aux prud'hommes, le tabouret
du greffier, deux banquettes aux avocats, le plancher
pour le beau monde, et la canaille derrière. Je vais
renvoyer les frotteurs.
(Il sort.)
 
(Il sort)
SCÈNE VIII
 
SCENE VIII.
Le Comte, seul.
 
LE COMTE seul.
Le maraud m'embarrassait ! en disputant, il prend son avantage, il vous serre, vous enveloppe… Ah ! friponne et fripon ! vous vous entendez pour me jouer ! Soyez amis, soyez amants, soyez ce qu'il vous plaira, j'y consens ; mais, parbleu, pour époux…
 
Le maraut m'embarrassait ! en disputant, il prend son
avantage, il vous serre, vous enveloppe… Ah friponne
et fripon ! vous vous entendez pour me jouer ? soyez
amis, soyez amans, soyez ce qu'il vous plaira, j'y con-
sens ; mais, parbleu, pour époux…
SCÈNE IX
 
FSCENE IX.
Suzanne, le Comte.
 
SUZANNE, LE COMTE.
Suzanne, essoufflée.
 
SUZANNE essoufflée.
Monseigneur… pardon, Monseigneur.
 
Monseigneur… pardon, Monseigneur.
Le Comte, avec humeur.
 
LE COMTE avec humeur.
Qu'est-ce qu'il y a, mademoiselle ?
 
Qu'est-ce qu'il y a, Mademoiselle ?
Suzanne
 
SUZANNE.
Vous êtes en colère !
 
Vous êtes en colère !
Le Comte
 
LE COMTE.
Vous voulez quelque chose apparemment ?
 
Vous voulez quelque chose apparemment ?
Suzanne, timidement.
 
SUZANNE timidement.
C'est que ma maîtresse a ses vapeurs. J'accourais vous prier de nous prêter votre flacon d'éther. Je l'aurais rapporté dans l'instant.
 
C'est que ma maîtresse a ses vapeurs. J'accourais vous
prier de nous prêter votre flacon d'éther. Je l'aurais
rapporté dans l'instant.
Le Comtele lui donne.
 
LE COMTE le lui donne.
Non, non, gardez-le pour vous-même. Il ne tardera pas à vous être utile.
 
Non, non, gardez-le pour vous-même. Il ne tardera
pas à vous être utile.
Suzanne
 
SUZANNE.
Est-ce que les femmes de mon état ont des vapeurs, donc ? c'est un mal de condition qu'on ne prend que dans les boudoirs.
 
Est-ce que les femmes de mon état ont des vapeurs,
donc ? c'est un mal de condition qu'on ne prend que
dans les boudoirs.
Le Comte
 
LE COMTE.
Une fiancée bien éprise, et qui perd son futur…
 
Une fiancée bien éprise, et qui perd son futur…
Suzanne
 
SUZANNE.
En payant Marceline avec la dot que vous m'avez promise…
 
En payant Marceline, avec la dot que vous m'avez
promise…
Le Comte
 
FLE COMTE.
Que je vous ai promise, moi ?
 
Que je vous ai promise, moi ?
Suzanne, baissant les yeux.
 
SUZANNE baissant les yeux.
Monseigneur, j'avais cru l'entendre.
 
Monseigneur, j'avais cru l'entendre.
Le Comte
 
LE COMTE.
Oui, si vous consentiez à m'entendre vous-même.
 
Oui, si vous consentiez à m'entendre vous-même.
Suzanne, les yeux baissés.
 
SUZANNE les yeux baissés.
Et n'est-ce pas mon devoir d'écouter Son Excellence ?
 
Et n'est-ce pas mon devoir d'écouter son Excellence ?
Le Comte
 
LE COMTE.
Pourquoi donc, cruelle fille ! ne me l'avoir pas dit plutôt ?
 
Pourquoi donc, cruelle fille ! ne me l'avoir pas dit
plutôt ?
Suzanne
 
SUZANNE.
Est-il jamais trop tard pour dire la vérité ?
 
Est-il jamais trop tard pour dire la vérité ?
Le Comte
 
LE COMTE.
Tu te rendrais sur la brune au jardin ?
 
Tu te rendrais sur la brune au jardin ?
Suzanne
 
SUZANNE.
Est-ce que je ne m'y promène pas tous les soirs ?
 
Est-ce que je ne m'y promène pas tous les soirs ?
Le Comte
 
LE COMTE.
Tu m'as traité ce matin si durement !
 
Tu m'as traité ce matin si durement !
Suzanne
 
SUZANNE.
Ce matin ? – et le page derrière le fauteuil ?
 
Ce matin ? – et le Page derrière le fauteuil ?
Le Comte
 
LE COMTE.
Elle a raison, je l'oubliais. Mais pourquoi ce refus obstiné, quand Bazile, de ma part ?…
 
Elle a raison, je l'oubliais. Mais pourquoi ce refus
obstiné, quand Bazile, de ma part ?…
Suzanne
 
SUZANNE.
Quelle nécessité qu'un Bazile ?…
 
Quelle nécessité qu'un Bazile ?…
Le Comte
 
LE COMTE.
Elle a toujours raison. Cependant il y a un certain Figaro à qui je crains bien que vous n'ayez tout dit !
 
Elle a toujours raison. Cependant il y a un certain
Figaro à qui je crains bien que vous n'ayez tout dit !
Suzanne
 
FSUZANNE.
Dame ! oui, je lui dis tout – hors ce qu'il faut lui taire.
 
Dame ! oui, je lui dis tout, – hors ce qu'il faut
lui taire.
Le Comte, en riant.
 
LE COMTE en riant.
Ah ! charmante ! Et tu me le promets ? Si tu manquais à ta parole, entendons-nous, mon cœur : point de rendez-vous, point de dot, point de mariage.
 
Ah charmante ! et tu me le promets ? si tu manquais
à ta parole, entendons-nous, mon cœur : point de
rendez-vous ; point de dot, point de mariage.
Suzanne, faisant la révérence.
 
SUZANNE fesant la révérence.
Mais aussi, point de mariage, point de droit du seigneur, Monseigneur.
 
Mais aussi ; point de mariage, point de droit du
seigneur, Monseigneur.
Le Comte
 
LE COMTE.
Où prend-elle ce qu'elle dit ? d'honneur j'en rafollerai ! Mais ta maîtresse attend le flacon…
 
Où prend-elle ce qu'elle dit ? d'honneur j'en rafol-
lerai ! mais ta maîtresse attend le flacon…
Suzanne, riant et rendant le flacon.
 
SUZANNE riant et rendant le flacon.
Aurais-je pu vous parler sans un prétexte ?
 
Aurais-je pu vous parler sans un prétexte ?
Le Comteveut l'embrasser.
 
LE COMTE veut l'embrasser.
Délicieuse créature !
 
Délicieuse créature !
Suzannes'échappe.
 
SUZANNE s'échappe.
Voilà du monde.
 
Voilà du monde.
Le Comte, à part.
 
LE COMTE à part.
Elle est à moi. (Il s'enfuit.)
 
Elle est à moi. (il s'enfuit.)
Suzanne
 
SUZANNE.
Allons vite rendre compte à Madame.
 
Allons vîte rendre compte à Madame.
SCÈNE X
 
FSCENE X.
Suzanne, Figaro.
 
SUZANNE, FIGARO.
Figaro
 
FIGARO.
Suzanne, Suzanne ! où cours-tu donc si vite en quittant Monseigneur ?
 
Suzanne, Suzanne ! où cours-tu donc si vîte en
quittant Monseigneur ?
Suzanne
 
SUZANNE.
Plaide à présent, si tu le veux ; tu viens de gagner ton procès. (Elle s'enfuit.)
 
Plaide à présent, si tu le veux ; tu viens de gagner
ton procès. (elle s'enfuit.)
Figarola suit.
 
FIGARO la suit.
Ah ! mais, dis donc…
 
Ah ! mais, dis donc…
SCÈNE XI
 
SCENE XI.
Le Comte rentre seul.
 
LE COMTE rentre seul.
« Tu viens de gagner ton procès » ! – Je donnais là dans un bon piège ! Ô mes chers insolents ! je vous punirai de façon… Un bon arrêt, bien juste… mais s'il allait payer la duègne… avec quoi ?… s'il payait… Eeeeh ! n'ai-je pas le fier Antonio, dont le noble orgueil dédaigne en Figaro un inconnu pour sa nièce ? En caressant cette manie… pourquoi non ? dans le vaste champ de l'intrigue, il faut savoir tout cultiver, jusqu'à la vanité d'un sot. (Il appelle.) Anto… (Il voit entrer Marceline, etc.)
 
Tu viens de gagner ton procès ! – Je donnais-là dans
un bon piége ! O mes chers insolens ! je vous punirai
de façon… Un bon arrêt, bien juste… mais s'il allait
payer la duègne… avec quoi ?… s'il payait… Eeeeh !
n'ai-je pas le fier Antonio, dont le noble orgueil dédaigne
en Figaro un inconnu pour sa nièce ? En caressant cette
manie… pourquoi non ? dans le vaste champ de l'in-
trigue, il faut savoir tout cultiver, jusqu'à la vanité d'un
sot. (il appelle) Anto… (il voit entrer Marceline, &c.)
(Il sort.)
 
(Il sort.)
SCÈNE XII
 
FSCENE XII.
Bartholo, Marceline, Brid’oison.
 
BARTHOLO, MARCELINE, BRID'OISON.
Marceline, à Brid'oison.
 
MARCELINE à Brid'oison.
Monsieur, écoutez mon affaire.
 
Monsieur, écoutez mon affaire.
Brid'oison, en robe, et bégayant un peu.
 
BRID'OISON en robe, et bégayant un peu.
Eh bien ! pa-arlons-en verbalement.
 
Eh bien ! pa-arlons-en verbalement.
Bartholo
 
BARTHOLO.
C'est une promesse de mariage.
 
C'est une promesse de mariage.
Marceline
 
MARCELINE
Accompagnée d'un prêt d'argent.
 
Accompagnée d'un prêt d'argent.
Brid'oison
 
Brid'oison.
J'en-entends, et cætera, le reste.
 
J'en-entends, et cætera, le reste.
Marceline
 
MARCELINE.
Non, monsieur, point d'et cætera.
 
Non, Monsieur, point d'et cætera.
Brid'oison
 
Brid'oison.
J'en-entends : vous avez la somme ?
 
J'en-entends : vous avez la somme ?
Marceline
 
MARCELINE.
Non, monsieur, c'est moi qui l'ai prêtée.
 
Non, Monsieur, c'est moi qui l'ai prêtée.
Brid'oison
 
Brid'oison.
J'en-entends bien : vou-ous redemandez l'argent ?
 
J'en-entends bien, vou-ous redemandez l'argent ?
Marceline
 
MARCELINE.
Non, monsieur ; je demande qu'il m'épouse.
 
Non, Monsieur ; je demande qu'il m'épouse.
Brid'oison
 
Brid'oison.
Eh, mais, j'en-entends fort bien ; et lui, veu-eut-il vous épouser ?
 
Hé mais, j'en-entends fort bien ; et lui, veu-eut-il
vous épouser ?
Marceline
 
FMARCELINE.
Non, monsieur ; voilà tout le procès !
 
Non, Monsieur ; voilà tout le procès !
Brid'oison
 
Brid'oison.
Croyez-vous que je ne l'en-entende pas, le procès ?
 
Croyez-vous que je ne l'en-entende pas, le procès ?
Marceline
 
MARCELINE.
Non, monsieur. (À Bartholo.) Où sommes-nous ! (À Brid'oison.) Quoi ! c'est vous qui nous jugerez ?
 
Non, Monsieur : (à Bartholo) où sommes-nous !
(à Brid'oison) Quoi ! c'est vous qui nous jugerez ?
Brid'oison
 
Brid'oison.
Est-ce que j'ai a-acheté ma charge pour autre chose ?
 
Est-ce que j'ai a-acheté ma charge pour autre chose ?
Marceline, en soupirant.
 
MARCELINE, en soupirant.
C'est un grand abus que de les vendre !
 
C'est un grand abus que de les vendre !
Brid'oison
 
Brid'oison.
Oui, l'on-on ferait mieux de nous les donner pour rien. Contre qui plai-aidez-vous ?
 
Oui, l'on-on ferait mieux de nous les donner pour
rien. Contre qui plai-aidez-vous ?
SCÈNE XIII
 
SCENE XIII.
Bartholo, Marceline, Brid’oison; Figaro rentre en se frottant les mains.
 
BARTHOLO, MARCELINE, BRID'OISON,
FIGARO rentre en se frottant les mains.
Marceline, montrant Figaro.
 
MARCELINE, montrant Figaro.
Monsieur, contre ce malhonnête homme.
 
Monsieur, contre ce malhonnête-homme.
Figaro, très gaiement, à Marceline.
 
FIGARO, très- gaiement, à Marceline.
Je vous gêne, peut-être. – Monseigneur revient dans l'instant, monsieur le conseiller.
 
Je vous gêne, peut-être. – Monseigneur revient dans
l'instant, monsieur le Conseiller.
Brid'oison
 
Brid'oison.
J'ai vu ce ga-arçon-là quelque part.
 
J'ai vu ce ga-arçon-là quelque part.
Figaro
 
FIGARO.
Chez madame votre femme, à Séville, pour la servir, monsieur le conseiller.
 
Chez madame votre femme, à Séville, pour la servir,
monsieur le Conseiller.
Brid'oison
 
FBrid'oison.
Dan-ans quel temps ?
 
Dan-ans quel temps ?
Figaro
 
FIGARO.
Un peu moins d'un an avant la naissance de monsieur votre fils, le cadet, qui est un bien joli enfant, je m'en vante.
 
Un peu moins d'un an avant la naissance de monsieur
votre fils le cadet, qui est un bien joli enfant, je m'en
vante.
Brid'oison
 
Brid'oison.
Oui, c'est le plus jo-oli de tous. On dit que tu-u fais ici des tiennes ?
 
Oui, c'est le plus jo-oli de tous. On dit que tu-u fais
ici des tiennes ?
Figaro
 
FIGARO.
Monsieur est bien bon. Ce n'est là qu'une misère.
 
Monsieur est bien bon. Ce n'est-là qu'une misère.
Brid'oison
 
Brid'oison.
Une promesse de mariage ! A-ah ! le pauvre benêt !
 
Une promesse de mariage ! A-ah ! le pauvre benêt !
Figaro
 
FIGARO.
Monsieur…
 
Monsieur…
Brid'oison
 
Brid'oison.
A-t-il vu mon-on secrétaire, ce bon garçon ?
 
A-t-il vu mon-on secrétaire, ce bon garçon ?
Figaro
 
FIGARO.
N'est-ce pas Double-Main, le greffier ?
 
N'est-ce pas Double-main, le greffier ?
Brid'oison
 
Brid'oison.
Oui, c'est qu'il mange à deux râteliers.
 
Oui, c'est qu'il mange à deux rateliers.
Figaro
 
FIGARO.
Manger ! je suis garant qu'il dévore. Oh que oui, je l'ai vu, pour l'extrait et pour le supplément d'extrait ; comme cela se pratique, au reste.
 
Manger ! je suis garant qu'il dévore. Oh que oui, je
l'ai vu, pour l'extrait et pour le supplément d'extrait ;
comme cela se pratique, au reste.
Brid'oison
 
Brid'oison.
On-on doit remplir les formes.
 
On-on doit remplir les formes.
Figaro
 
FIGARO.
Assurément, monsieur : si le fond des procès appartient aux plaideurs, on sait bien que la forme est le patrimoine des tribunaux.
 
Assurément, Monsieur : si le fond des procès appar-
tient aux plaideurs, on sait bien que la forme est le
patrimoine des tribunaux.
Brid'oison
 
FBrid'oison.
Ce garçon-là n'è-est pas si niais que je l'avais cru d'abord. Eh bien, l'ami, puisque tu en sais tant, nou-ous aurons soin de ton affaire.
 
Ce garçon-là n'è-est pas si niais que je l'avais cru
d'abord. Hé bien, l'ami, puisque tu en sais tant ; nou-ous
aurons soin de ton affaire.
Figaro
 
FIGARO.
Monsieur, je m'en rapporte à votre équité, quoique vous soyez de notre justice.
 
Monsieur, je m'en rapporte à votre équité, quoique
vous soyez de notre justice.
Brid'oison
 
Brid'oison.
Hein ?… Oui, je suis de la-a justice. Mais si tu dois et que tu-u ne payes pas ?…
 
Hein ?… Oui, je suis de la-a justice. Mais si tu
dois, et que tu-u ne payes pas ?…
Figaro
 
FIGARO.
Alors Monsieur voit bien que c'est comme si je ne devais pas.
 
Alors Monsieur voit bien que c'est comme si je ne
devais pas.
Brid'oison
 
Brid'oison.
San-ans doute. – Eh mais ! qu'est-ce donc qu'il dit ?
 
San-ans doute. – Hé mais, qu'est-ce donc qu'il dit ?
SCÈNE XIV
 
SCENE XIV.
Bartholo, Marceline, le Comte, Brid’oison, Figaro, un Huissier.
 
BARTHOLO, MARCELINE, LE COMTE,
BRID'OISON, FIGARO, UN HUISSIER.
L'Huissier, précédant le Comte, crie.
 
L’HUISSIER précédant le Comte, crie.
Monseigneur, messieurs.
 
Monseigneur, Messieurs.
Le Comte
 
LE COMTE.
En robe ici, seigneur Brid'oison ! ce n'est qu'une affaire domestique : l'habit de ville était trop bon.
 
En robe ici, seigneur Brid'oison ! ce n'est qu'une affaire
domestique : l'habit de ville était trop bon.
Brid'oison
 
Brid'oison.
C'è-est vous qui l'êtes, Monsieur le Comte. Mais je ne vais jamais san-ans elle ; parce que la forme, voyez-vous, la forme ! Tel rit d'un juge en habit court, qui-i tremble au seul aspect d'un procureur en robe. La forme, la-a forme !
 
C'è-est vous qui l'êtes, monsieur le Comte. Mais je ne
vais jamais san-ans elle ; parce que la forme, voyez-vous ;
la forme ! Tel rit d'un juge en habit court, qui-i tremble
au seul aspect d'un procureur en robe. La forme, la-a
forme !
Le Comte, à l'huissier.
 
FLE COMTE, à l'huissier.
Faites entrer l'audience.
 
Faites entrer l'audience.
L'Huissierva ouvrir en glapissant.
 
L’HUISSIER va ouvrir en glapissant.
L'audience !
 
L'audience.
SCÈNE XV
 
SCENE XV.
Les acteurs précedents, Antonio, les valets du château, les paysans et paysannes en habits de fête; le Comte s'assied sur le grand fauteuil, Brid’oison sur une chaise à côté; le Greffier sur le tabouret derrière sa table; les juges, les advocats sur les banquettes; Marceline à côté de Bartholo; Figaro sur l'autre banquette; les paysans et valets debout derrière.
 
LES ACTEURS PRÉCÉDENTS, ANTONIO, LES VALETS
DU CHATEAU, LES PAYSANS ET PAYSANNES,
en habits de fête, LE COMTE s'assied sur le grand
fauteuil
, BRID'OISON sur une chaise à côté, LE GREFFIER
sur le tabouret derrière sa table; LES JUGES, LES AVOCATS
sur les banquettes; MARCELINE à côté de BARTHOLO;
FIGARO sur l'autre banquette; LES PAYSANS ET VALETS
debout derrière.
Brid'oison, à Double-Main.
 
Brid'oisonà Double-main.
Double-Main, a-appelez les causes.
 
Double-main, a-appelez les causes.
Double-Mainlit un papier.
 
DOUBLE-MAIN lit un papier.
Noble, très noble, infiniment noble, Dom Pedro George, Hidalgo, baron de Los Altos, y Montes Fieros, y otros montes ; contre Alonzo Calderon, jeune auteur dramatique. Il est question d'une comédie mort-née, que chacun désavoue et rejette sur l'autre.
 
Noble, très-noble, infiniment noble, dom Pedro
George, Hidalgo, baron de Los altos, y montes fieros, y otros
montes
; contre Alonzo Calderon, jeune auteur dramatique.
Il est question d'une comédie mort-née, que chacun
désavoue et rejette sur l'autre.
Le Comte
 
LE COMTE.
Ils ont raison tous deux. Hors de Cour. S'ils font ensemble un autre ouvrage, pour qu'il marque un peu dans le grand monde, ordonné que le noble y mettra son nom, le poète son talent.
 
Ils ont raison tous deux. Hors de cour. S'ils font
ensemble un autre ouvrage, pour qu'il marque un peu
dans le grand monde, ordonné que le noble y mettra
son nom, le poëte son talent.
Double-Mainlit un autre papier.
 
FDOUBLE-MAIN lit un autre papier.
André Petrutchio, laboureur ; contre le receveur de la province. Il s'agit d'un forcement arbitraire.
 
André Pétrutchio, laboureur ; contre le receveur de la
province. Il s'agit d'un forcement arbitraire.
Le Comte
 
LE COMTE.
L'affaire n'est pas de mon ressort. Je servirai mieux mes vassaux en les protégeant près du Roi. Passez.
 
L'affaire n'est pas de mon ressort. Je servirai mieux
mes vassaux, en les protégeant près du roi. Passez.
Double-Mainen prend un troisième.
 
DOUBLE-MAIN en prend un troisième.
(Bartholo et Figaro se lèvent.)
 
(Bartholo et Figaro se lèvent.)
Barbe-Agar-Raab-Magdelène-Nicole-Marceline de Verte-Allure, fille majeure ; (Marceline se lève et salue.) contre Figaro… nom de baptême en blanc ?
 
Barbe-Agar-Raab-Magdelène-Nicole-Marceline de
Verte-allure
, fille majeure ; (Marceline se lève et salue)
contre Figaro… nom de baptême en blanc ?
Figaro
 
FIGARO.
Anonyme.
 
Anonyme.
Brid'oison
 
Brid'oison.
A-anonyme ! Què-el patron est-ce-là ?
 
A-anonyme ! Què-el patron est-ce-là ?
Figaro
 
FIGARO.
C'est le mien.
 
C'est le mien.
Double-Mainécrit.
 
DOUBLE-MAIN écrit.
Contre anonyme Figaro. Qualités ?
 
Contre anonyme Figaro. Qualités ?
Figaro
 
FIGARO.
Gentilhomme.
 
Gentilhomme.
Le Comte
 
LE COMTE.
Vous êtes gentilhomme ? (Le greffier écrit.)
 
Vous êtes gentilhomme ? (le greffier écrit)
Figaro
 
FIGARO.
Si le Ciel l'eût voulu, je serais fils d'un prince.
 
Si le ciel l'eût voulu, je serais fils d'un prince.
Le Comte, au greffier.
 
LE COMTE, au Greffier.
Allez.
 
Allez.
L'Huissier, glapissant.
 
L’HUISSIER, glapissant.
Silence, messieurs.
 
Silence, Messieurs.
Double-Mainlit.
 
FDOUBLE-MAIN lit.
…Pour cause d'opposition faite au mariage dudit Figaro, par ladite de Verte-Allure. Le docteur Bartholo plaidant pour la demanderesse, et ledit Figaro pour lui-même ; si la Cour le permet, contre le vœu de l'usage, et la jurisprudence du siège.
 
…Pour cause d'opposition faite au mariage dudit
Figaro, par ladite de Verte-allure. Le docteur Bartholo
plaidant pour la demanderesse, et ledit Figaro pour lui-
même ; si la cour le permet, contre le vœu de l'usage,
et la jurisprudence du siége.
Figaro
 
FIGARO.
L'usage, maître Double-Main, est souvent un abus ; le client un peu instruit sait toujours mieux sa cause que certains avocats qui, suant à froid, criant à tue tête, et connaissant tout, hors le fait, s'embarrassent aussi peu de ruiner le plaideur que d'ennuyer l'auditoire, et d'endormir Messieurs ; plus boursoufflés après que s'ils eussent composé l'Oratio pro Murena ; moi je dirai le fait en peu de mots. Messieurs…
 
L'usage, maître Double-main, est souvent un abus ;
le client un peu instruit sait toujours mieux sa cause
que certains avocats, qui, suant à froid, criant à tue
tête, et connaissant tout, hors le fait, s'embarrassent
aussi peu de ruiner le plaideur, que d'ennuyer l'audi-
toire et d'endormir Messieurs ; plus boursoufflés après
que s'ils eussent composé l'oratio pro Murena ; moi je
dirai le fait en peu de mots. Messieurs…
Double-Main
 
DOUBLE-MAIN.
En voilà beaucoup d'inutiles, car vous n'êtes pas demandeur et n'avez que la défense. Avancez, docteur, et lisez la promesse.
 
En voilà beaucoup d'inutiles, car vous n'êtes pas
demandeur, et n'avez que la défense ; avancez, Docteur,
et lisez la promesse.
Figaro
 
FIGARO.
Oui, promesse !
 
Oui, promesse !
Bartholo, mettant ses lunettes.
 
BARTHOLO, mettant ses lunettes.
Elle est précise.
 
Elle est précise.
Brid'oison
 
Brid'oison.
I-il faut la voir.
 
I-il faut la voir.
Double-Main
 
DOUBLE-MAIN.
Silence donc, messieurs.
 
Silence donc, Messieurs.
L'Huissier, glapissant.
 
L’HUISSIER, glapissant.
Silence.
 
Silence.
Barthololit.
 
FBARTHOLO lit.
« Je soussigné reconnais avoir reçu de damoiselle, etc., Marceline de Verte-Allure, dans le château d'Aguas-Frescas, la somme de deux mille piastres fortes cordonnées ; laquelle somme je lui rendrai à sa réquisition, dans ce château, et je l'épouserai, par forme de reconnaissance, etc. » Signé Figaro, tout court. Mes conclusions sont au payement du billet, et à l'exécution de la promesse, avec dépens. (Il plaide.) Messieurs… jamais cause plus intéressante ne fut soumise au jugement de la Cour ! et depuis Alexandre le Grand, qui promit mariage à la belle Thalestris…
 
Je soussigné, reconnais avoir reçu de damoiselle, &c…
Marceline de Verte-allure, dans le château d'Aguas-Frescas,
la somme de deux mille piastres fortes cordonnées ; laquelle
somme je lui rendrai à sa réquisition, dans ce château ; et je
l'épouserai, par forme de reconnaissance, &c.
signé Figaro,
tout court. Mes conclusions sont au payement du billet,
et à l'exécution de la promesse, avec dépens. (il plaide)
Messieurs… jamais cause plus intéressante ne fut sou-
mise au jugement de la cour ! et depuis Alexandre le
grand
, qui promit mariage à la belle Thalestris
Le Comte, interrompant.
 
LE COMTE, interrompant.
Avant d'aller plus loin, avocat… convient-on de la validité du titre ?
 
Avant d'aller plus loin, Avocat, convient-on de la
validité du titre ?
Brid'oison, à Figaro.
 
Brid'oison, à Figaro.
Qu'oppo… qu'oppo-osez-vous à cette lecture ?
 
Qu'oppo… qu'oppo-osez-vous à cette lecture ?
Figaro
 
FIGARO.
Qu'il y a, messieurs, malice, erreur, ou distraction dans la manière dont on a lu la pièce ; car il n'est pas dit dans l'écrit : « laquelle somme je lui rendrai et je l'épouserai » ; mais : « laquelle somme je lui rendrai ou je l'épouserai » ; ce qui est bien différent.
 
Qu'il y a, Messieurs, malice, erreur, ou distraction
dans la manière dont on a lu la pièce ; car il n'est pas
dit dans l'écrit : laquelle somme je lui rendrai, ET je l'épou-
serai ; mais, laquelle somme je lui rendrai, OU je l'épouserai
;
ce qui est bien différent.
Le Comte
 
LE COMTE.
Y a-t-il et dans l'acte, ou bien ou ?
 
Y a-t-il ET dans l'acte, ou bien OU ?
Bartholo
 
BARTHOLO.
Il y a et.
 
Il y a ET.
Figaro
 
FIGARO.
Il y a ou.
 
Il y a OU.
Brid'oison
 
Brid'oison.
Dou-ouble-Main, lisez vous-même.
 
Dou-ouble-main, lisez vous-même.
Double-Main, prenant le papier.
 
FDOUBLE-MAIN, prenant le papier.
Et c'est le plus sûr ; car souvent les parties déguisent en lisant. (Il lit.) « E, e, e, damoiselle e, e, e, de Verte-allure e, e, e… Ha ! laquelle somme je lui rendrai à sa réquisition, dans ce château… etouetou… » Le mot est si mal écrit… il y a un pâté.
 
Et c'est le plus sûr ; car souvent les parties déguisent
en lisant. (il lit) E e e damoiselle e e e de Verte-allure e e e.
Ha ! laquelle somme je lui rendrai à sa réquisition, dans ce
château
… ET… OU… ET… OU… Le mot est si
mal écrit… il y a un pâté.
Brid'oison
 
Brid'oison.
Un pâ-âté ? je sais ce que c'est.
 
Un pâ-âté ? je sais ce que c'est.
Bartholo, plaidant.
 
BARTHOLO, plaidant.
Je soutiens, moi, que c'est la conjonction copulative et qui lie les membres corrélatifs de la phrase : je paierai la demoiselle et je l'épouserai.
 
Je soutiens, moi, que c'est la conjonction copulative
ET qui lie les membres co-relatifs de la phrase : je
paierai la demoiselle, ET je l'épouserai.
Figaro, plaidant.
 
FIGARO plaidant.
Je soutiens, moi, que c'est la conjonction alternative ou qui sépare lesdits membres ; je payerai la donzelle ou je l'épouserai : à pédant, pédant et demi ; qu'il s'avise de parler latin, j'y suis grec ; je l'extermine.
 
Je soutiens, moi, que c'est la conjonction alternative
OU qui sépare lesdits membres ; je paierai la donzelle,
OU je l'épouserai : à pédant, pédant et demi ; qu'il
s'avise de parler latin, j'y suis grec ; je l'extermine.
Le Comte
 
LE COMTE.
Comment juger pareille question ?
 
Comment juger pareille question ?
Bartholo
 
BARTHOLO.
Pour la trancher, messieurs, et ne plus chicaner sur un mot, nous passons qu'il y ait ou.
 
Pour la trancher, Messieurs, et ne plus chicaner sur
un mot, nous passons qu'il y ait OU.
Figaro
 
FIGARO.
J'en demande acte.
 
J'en demande acte.
Bartholo
 
BARTHOLO.
Et nous y adhérons. Un si mauvais refuge ne sauvera pas le coupable : examinons le titre en ce sens. (Il lit.) « Laquelle somme je lui rendrai dans ce château je l'épouserai ». C'est ainsi qu'on dirait, messieurs : « vous vous ferez saigner dans ce lit vous resterez chaudement », c'est « dans lequel ».
 
Et nous y adhérons. Un si mauvais refuge ne sauvera
pas le coupable : examinons le titre en ce sens. (il lit)
Laquelle somme je lui rendrai dans ce château où je l'épouserai ;
c'est ainsi qu'on dirait, Messieurs : Vous vous ferez saigner
dans ce lit
vous resterez chaudement, c'est dans lequel.
« Il prendra deux gros de rhubarbe vous mêlerez un peu de tamarin » ; dans lesquels on mêlera. Ainsi « château je l'épouserai », messieurs, c'est « château dans lequel »…
 
FIl prendra deux gros de rhubarbevous mêlerez un peu de
tamarin
, dans lesquels vous mêlerez. Ainsi, châteauje
l'épouserai
, Messieurs, c'est château dans lequel…
Figaro
 
FIGARO.
Point du tout : la phrase est dans le sens de celle-ci : « ou la maladie vous tuera, ou ce sera le médecin ; ou bien le médecin » ; c'est incontestable. Autre exemple : « ou vous n'écrirez rien qui plaise, ou les sots vous dénigreront ; ou bien les sots » ; le sens est clair ; car, audit cas, « sots ou méchants » sont le substantif qui gouverne. Maître Bartholo croit-il donc que j'aie oublié ma syntaxe ? Ainsi, je la payerai dans ce château, virgule ; ou je l'épouserai…
 
Point du tout : la phrase est dans le sens de celle-ci ;
Ou la maladie vous tuera, ou ce sera le médecin ; ou bien
le médecin ; c'est incontestable. Autre exemple : Ou vous
n'écrirez rien qui plaise
, ou les sots vous dénigreront ; ou
bien les sots ; le sens est clair ; car, audit cas, sots ou
méchans
sont le substantif qui gouverne. Maître Bartholo
croit-il donc que j'aye oublié ma syntaxe ? ainsi, je la
paierai dans ce château, virgule, ou je l'épouserai…
Bartholo, vite.
 
BARTHOLO, vîte.
Sans virgule.
 
Sans virgule.
Figaro, vîte.
 
FIGARO, vîte.
Elle y est. C'est virgule, messieurs, ou bien je l'épouserai.
 
Elle y est. C'est, virgule, Messieurs, ou bien je
l'épouserai.
Bartholo, regardant le papier; vite.
 
BARTHOLO, regardant le papier: vîte.
Sans virgule, messieurs.
 
Sans virgule, Messieurs.
Figaro, vite.
 
FIGARO, vîte.
Elle y était, messieurs. D'ailleurs, l'homme qui épouse est-il tenu de rembourser ?
 
Elle y était, Messieurs. D'ailleurs, l'homme qui épouse
est-il tenu de rembourser ?
Bartholo, vite.
 
BARTHOLO, vîte.
Oui ; nous nous marions séparés de biens.
 
Oui ; nous nous marions séparés de biens.
Figaro, vite.
 
FIGARO, vîte.
Et nous de corps, dès que mariage n'est pas quittance. (Les juges se lèvent et opinent tout bas.)
 
Et nous de corps, dès que mariage n'est pas quit-
tance. (les juges se lèvent et opinent tout bas.)
Bartholo
 
BARTHOLO.
Plaisant acquittement !
 
Plaisant acquittement !
Double-Main
 
FDOUBLE-MAIN.
Silence, messieurs.
 
Silence, Messieurs.
L'Huissier, glapissant.
 
L’HUISSIER, glapissant.
Silence.
 
Silence.
Bartholo
 
BARTHOLO.
Un pareil fripon appelle cela payer ses dettes !
 
Un pareil fripon appelle cela payer ses dettes !
Figaro
 
FIGARO.
Est-ce votre faute, avocat, que vous plaidez ?
 
Est-ce votre faute, Avocat, que vous plaidez ?
Bartholo
 
BARTHOLO.
Je défends cette demoiselle.
 
Je défends cette demoiselle.
Figaro
 
FIGARO.
Continuez à déraisonner ; mais cessez d'injurier. Lorsque, craignant l'emportement des plaideurs, les tribunaux ont toléré qu'on appelât des tiers, ils n'ont pas entendu que ces défenseurs modérés deviendraient impunément des insolents privilégiés. C'est dégrader le plus noble institut. (Les juges continuent d'opiner bas.)
 
Continuez à déraisonner ; mais cessez d'injurier.
Lorsque, craignant l'emportement des plaideurs, les
tribunaux ont toléré qu'on appelât des tiers, ils n'ont
pas entendu que ces défenseurs modérés deviendraient
impunément des insolens privilégiés. C'est dégrader le
plus noble institut. (Les juges continuent d'opiner bas.)
Antonio, à Marceline, montrant les juges.
 
ANTONIO, à Marceline, montrant les juges.
Qu'ont-ils tant à balbucifier ?
 
Qu'ont-ils tant à balbucifier ?
Marceline
 
MARCELINE.
On a corrompu le grand juge, il corrompt l'autre, et je perds mon procès.
 
On a corrompu le grand juge, il corrompt l'autre,
et je perds mon procès.
Bartholo, bas, d'un ton sombre.
 
BARTHOLO, bas, d'un ton sombre.
J'en ai peur.
 
J'en ai peur.
Figaro, gaiement.
 
FIGARO, gaiement.
Courage, Marceline.
 
Courage, Marceline.
Double-Mainse lève; à Marceline.
 
DOUBLE-MAIN se lève; à Marceline.
Ah, c'est trop fort ! je vous dénonce ; et pour l'honneur du tribunal, je demande qu'avant faire droit sur l'autre affaire, il soit prononcé sur celle-ci.
 
Ah, c'est trop fort ! je vous dénonce ; et pour l'hon-
neur du tribunal, je demande qu'avant faire droit sur
l'autre affaire, il soit prononcé sur celle-ci.
Le Comtes'assied.
 
FLE COMTE s'assied.
Non, greffier, je ne prononcerai point sur mon injure personnelle : un juge espagnol n'aura point à rougir d'un excès digne au plus des tribunaux asiatiques : c'est assez des autres abus ! J'en vais corriger un second en vous motivant mon arrêt : tout juge qui s'y refuse est un grand ennemi des lois ! Que peut requérir la demanderesse ? mariage à défaut de paiement ; les deux ensemble impliqueraient.
 
Non, Greffier, je ne prononcerai point sur mon injure
personnelle ; un juge espagnol n'aura point à rougir d'un
excès, digne au plus, des tribunaux asiatiques ; c'est assez
des autres abus ! J'en vais corriger un second en vous
motivant mon arrêt : tout juge qui s'y refuse, est un
grand ennemi des lois ! Que peut requérir la deman-
deresse ? mariage à défaut de paiement ; les deux ensemble
impliqueraient.
Double-Main
 
DOUBLE-MAIN.
Silence, messieurs !
 
Silence, Messieurs.
L'Huissier, glapissant.
 
L’HUISSIER, glapissant.
Silence !
 
Silence.
Le Comte
 
LE COMTE.
Que nous répond le défendeur ? qu'il veut garder sa personne ; à lui permis.
 
Que nous répond le défendeur ? qu'il veut garder sa
personne ; à lui permis.
Figaro, avec joie.
 
FIGARO, avec joie.
J'ai gagné.
 
J'ai gagné.
Le Comte
 
LE COMTE.
Mais comme le texte dit : « laquelle femme je payerai à la première réquisition, ou bien j'épouserai, etc. », la Cour condamne le défendeur à payer deux mille piastres fortes à la demanderesse, ou bien à l'épouser dans le jour. (Il se lève.)
 
Mais comme le texte dit : laquelle somme je paierai à
la première réquisition, ou bien j'épouserai, &c
. La cour
condamne le défendeur à payer deux mille piastres
fortes à la demanderesse, ou bien à l'épouser dans le
jour. (il se lève.)
Figaro, stupéfait.
 
FIGARO stupéfait.
J'ai perdu.
 
J'ai perdu.
Antonio, avec joie.
 
ANTONIO, avec joie.
Superbe arrêt.
 
Superbe arrêt.
Figaro
 
FIGARO.
En quoi superbe ?
 
En quoi superbe ?
Antonio
 
FANTONIO.
En ce que tu n'es plus mon neveu. Grand merci, Monseigneur.
 
En ce que tu n'es plus mon neveu. Grand merci,
Monseigneur.
L'Huissier, glapissant.
 
L’HUISSIER, glapissant.
Passez, messieurs. (Le peuple sort.)
 
Passez, Messieurs. (le peuple sort.)
Antonio
 
ANTONIO.
Je m'en vas tout conter à ma nièce. (Il sort.)
 
Je m'en vas tout conter à ma nièce. (il sort.)
SCÈNE XVI
 
SCENE XVI.
Le Comte, allant de côté et d'autre; Marceline, Bartholo, Figaro, Brid’oison.
 
LE COMTE, allant de côté et d'autre; MARCELINE,
BARTHOLO, FIGARO, BRID'OISON.
Marcelines'assied.
 
MARCELINE s'assied.
Ah ! je respire.
 
Ah ! je respire.
Figaro
 
FIGARO.
Et moi, j'étouffe.
 
Et moi, j'étouffe.
Le Comte, à part.
 
LE COMTE, à part.
Au moins je suis vengé, cela soulage.
 
Au moins je suis vengé, cela soulage.
Figaro, à part.
 
FIGARO, à part.
Et ce Bazile qui devait s'opposer au mariage de Marceline ; voyez comme il revient ! – (Au Comte qui sort.) Monseigneur, vous nous quittez ?
 
Et ce Bazile qui devait s'opposer au mariage de Mar-
celine, voyez comme il revient ! – (au Comte qui sort)
Monseigneur, vous nous quittez ?
Le Comte
 
LE COMTE.
Tout est jugé.
 
Tout est jugé.
Figaro, à Brid'oison.
 
FIGARO, à Brid'oison.
C'est ce gros enflé de conseiller…
 
C'est ce gros enflé de Conseiller…
Brid'oison
 
Brid'oison.
Moi, gro-os enflé !
 
Moi, gro-os enflé !
Figaro
 
FFIGARO.
Sans doute. Et je ne l'épouserai pas : je suis gentilhomme une fois. (Le Comte s'arrête.)
 
Sans doute. Et je ne l'épouserai pas : je suis gentil-
homme une fois. (le Comte s'arrête.)
Bartholo
 
BARTHOLO.
Vous l'épouserez.
 
Vous l'épouserez.
Figaro
 
FIGARO.
Sans l'aveu de mes nobles parents ?
 
Sans l'aveu de mes nobles parens ?
Bartholo
 
BARTHOLO.
Nommez-les, montrez-les.
 
Nommez-les, montrez-les.
Figaro
 
FIGARO.
Qu'on me donne un peu de temps : je suis bien près de les revoir ; il y a quinze ans que je les cherche.
 
Qu'on me donne un peu de temps : je suis bien près
de les revoir ; il y a quinze ans que je les cherche.
Bartholo
 
BARTHOLO.
Le fat ! c'est quelqu'enfant trouvé !
 
Le fat ! c'est quelqu'enfant trouvé !
Figaro
 
FIGARO.
Enfant perdu, docteur ; ou plutôt enfant volé.
 
Enfant perdu, Docteur ; ou plutôt enfant volé.
Le Comterevient.
 
LE COMTE revient.
« Volé, perdu », la preuve ? il crierait qu'on lui fait injure !
 
Volé, perdu, la preuve ? il crierait qu'on lui fait
injure !
Figaro
 
FIGARO.
Monseigneur, quand les langes à dentelles, tapis brodés et joyaux d'or trouvés sur moi par les brigands n'indiqueraient pas ma haute naissance, la précaution qu'on avait prise de me faire des marques distinctives témoignerait assez combien j'étais un fils précieux ; et cet hiéroglyphe à mon bras… (Il veut se dépouiller le bras droit.)
 
Monseigneur, quand les langes à dentelles, tapis
brodés et joyaux d'or trouvés sur moi par les brigands,
n'indiqueraient pas ma haute naissance, la précaution
qu'on avait prise de me faire des marques distinctives,
témoignerait assez combien j'étais un fils précieux : et
cet hiéroglyphe à mon bras… (il veut se dépouiller le
bras droit.)
Marceline, se levant vivement.
 
MARCELINE, se levant vivement.
Une spatule à ton bras droit ?
 
Une spatule à ton bras droit ?
Figaro
 
FFIGARO.
D'où savez-vous que je dois l'avoir ?
 
D'où savez-vous que je dois l'avoir ?
Marceline
 
MARCELINE.
Dieux ! c'est lui !
 
Dieux ! c'est lui !
Figaro
 
FIGARO.
Oui, c'est moi.
 
Oui, c'est moi.
Bartholo, à Marceline.
 
BARTHOLO, à Marceline.
Et qui ? lui !
 
Et qui ? lui !
Marceline, vivement.
 
MARCELINE, vivement.
C'est Emmanuel.
 
C'est Emmanuel.
Bartholo, à Figaro.
 
BARTHOLO, à Figaro.
Tu fus enlevé par des bohémiens ?
 
Tu fus enlevé par des Bohémiens ?
Figaro, exalté.
 
FIGARO, exalté.
Tout près d'un château. Bon docteur, si vous me rendez à ma noble famille, mettez un prix à ce service ; des monceaux d'or n'arrêteront pas mes illustres parents.
 
Tout près d'un château. Bon Docteur, si vous me
rendez à ma noble famille, mettez un prix à ce service ;
des monceaux d'or n'arrêteront pas mes illustres parens.
Bartholo, montrant Marceline.
 
BARTHOLO, montrant Marceline.
Voilà ta mère.
 
Voilà ta mère.
Figaro
 
FIGARO.
…Nourrice ?
 
…Nourrice ?
Bartholo
 
BARTHOLO.
Ta propre mère.
 
Ta propre mère.
Le Comte
 
LE COMTE.
Sa mère !
 
Sa mère !
Figaro
 
FIGARO.
Expliquez-vous.
 
Expliquez-vous.
Marceline, montrant Bartholo.
 
MARCELINE, montrant Bartholo.
Voilà ton père.
 
Voilà ton père.
Figaro, désolé.
 
FFIGARO, désolé.
Oh oh oh ! aïe de moi !
 
Oh oh oh ! aye de moi.
Marceline
 
MARCELINE.
Est-ce que la nature ne te l'a pas dit mille fois ?
 
Est-ce que la nature ne te l'a pas dit mille fois ?
Figaro
 
FIGARO.
Jamais.
 
Jamais.
Le Comte, à part.
 
LE COMTE, à part.
Sa mère !
 
Sa mère !
Brid'oison
 
Brid'oison.
C'est clair, i-il ne l'épousera pas.
 
C'est clair, i-il ne l'épousera pas.
Ce qui suit, enfermé entre ces deux index, a été retranché par les Comédiens-Français aux représentations de Paris.Bartholo
 
Ce qui suit, enfermé entre ces deux index, a été retranché par/les Comédiens français aux représentations de Paris. BARTHOLO.
Ni moi non plus.
 
Ni moi non plus.
Marceline
 
MARCELINE.
Ni vous ! et votre fils ? vous m'aviez juré…
 
Ni vous ! et votre fils ? vous m'aviez juré…
Bartholo
 
BARTHOLO.
J'étais fou. Si pareils souvenirs engageaient, on serait tenu d'épouser tout le monde.
 
J'étais fou. Si pareils souvenirs engageaient, on serait
tenu d'épouser tout le monde.
Brid'oison
 
Brid'oison.
E-et si l'on y regardait de si près, per-ersonne n'épouserait personne.
 
E-et si l'on y regardait de si près, per-ersonne
n'épouserait personne.
Bartholo
 
BARTHOLO.
Des fautes si connues ! une jeunesse déplorable !
 
Des fautes si connues ! une jeunesse déplorable !
Marceline, s'échauffant par degrés.
 
MARCELINE, s'échauffant par degrés.
Oui, déplorable, et plus qu'on ne croit ! Je n'entends pas nier mes fautes, ce jour les a trop bien prouvées ! mais qu'il est dur de les expier après trente ans d'une vie modeste ! J'étais née, moi, pour être sage, et je la suis devenue sitôt qu'on m'a permis d'user de ma raison. Mais dans l'âge des illusions, de l'inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiègent, pendant que la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant à tant d'ennemis rassemblés ? Tel nous juge ici sévèrement, qui, peut-être, en sa vie a perdu dix infortunées !
 
Oui, déplorable, et plus qu'on ne croit ! je n'entends
pas nier mes fautes, ce jour les a trop bien prouvées !
mais qu'il est dur de les expier après trente ans d'une
vie modeste ! j'étais née, moi, pour être sage, et je la
Fsuis devenue sitôt qu'on m'a permis d'user de ma raison.
Mais dans l'âge des illusions, de l'inexpérience et des
besoins, où les séducteurs nous assiégent, pendant que
la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant
à tant d'ennemis rassemblés ? Tel nous juge ici sévère-
ment, qui, peut-être, en sa vie a perdu dix infortunées !
Figaro
 
FIGARO.
Les plus coupables sont les moins généreux ! c'est la règle.
 
Les plus coupables sont les moins généreux ! c'est
la règle.
Marceline, vivement.
 
MARCELINE, vivement.
Hommes plus qu'ingrats, qui flétrissez par le mépris les jouets de vos passions, vos victimes ! c'est vous qu'il faut punir des erreurs de notre jeunesse ; vous et vos magistrats, si vains du droit de nous juger, et qui nous laissent enlever, par leur coupable négligence, tout honnête moyen de subsister. Est-il un seul état pour les malheureuses filles ? Elles avaient un droit naturel à toute la parure des femmes : on y laisse former mille ouvriers de l'autre sexe.
 
Hommes plus qu'ingrats, qui flétrissez par le mépris
les jouets de vos passions, vos victimes ! c'est vous qu'il
faut punir des erreurs de notre jeunesse ; vous et vos
magistrats, si vains du droit de nous juger, et qui nous
laissent enlever, par leur coupable négligence, tout
honnête moyen de subsister. Est-il un seul état pour les
malheureuses filles ? Elles avaient un droit naturel à
toute la parure des femmes ; on y laisse former mille
ouvriers de l'autre sexe.
Figaro, en colère.
 
FIGARO, en colère.
Ils font broder jusqu'aux soldats !
 
Ils font broder jusqu'aux soldats !
Marceline, exaltée.
 
MARCELINE exaltée.
Dans les rangs mêmes plus élevés, les femmes n'obtiennent de vous qu'une considération dérisoire ; leurrées de respects apparents, dans une servitude réelle ; traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes ! ah ! sous tous les aspects, votre conduite avec nous fait horreur ou pitié !
 
Dans les rangs mêmes plus élevés, les femmes n'ob-
tiennent de vous qu'une considération dérisoire ; leurées
de respects apparens, dans une servitude réelle ; traitées
en mineures pour nos biens, punies en majeures pour
nos fautes ! ah ! sous tous les aspects, votre conduite
avec nous fait horreur ou pitié !
Figaro
 
FIGARO.
Elle a raison !
 
Elle a raison !
Le Comte, à part.
 
LE COMTE, à part.
Que trop raison !
 
Que trop raison !
Brid'oison
 
FBrid'oison.
Elle a, mon-on Dieu, raison.
 
Elle a, mon-on Dieu, raison.
Marceline
 
MARCELINE.
Mais que nous sont, mon fils, les refus d'un homme injuste ? ne regarde pas d'où tu viens, vois où tu vas ; cela seul importe à chacun. Dans quelques mois, ta fiancée ne dépendra plus que d'elle-même ; elle t'acceptera, j'en réponds : vis entre une épouse, une mère tendres qui te chériront à qui mieux mieux. Sois indulgent pour elles, heureux pour toi, mon fils ; gai, libre, et bon pour tout le monde : il ne manquera rien à ta mère.
 
Mais que nous sont, mon fils, les refus d'un homme
injuste ? ne regarde pas d'où tu viens, vois où tu vas ;
cela seul importe à chacun. Dans quelques mois ta
fiancée ne dépendra plus que d'elle-même ; elle t'accep-
tera, j'en réponds : vis entre une épouse, une mère
tendres, qui te chériront à qui mieux mieux. Sois
indulgent pour elles, heureux pour toi, mon fils ; gai,
libre ; et bon pour tout le monde : il ne manquera rien
à ta mère.
Figaro
 
FIGARO.
Tu parles d'or, maman, et je me tiens à ton avis. Qu'on est sot, en effet ! il y a des mille, mille ans que le monde roule, et dans cet océan de durée où j'ai par hasard attrapé quelques chétifs trente ans qui ne reviendront plus, j'irais me tourmenter pour savoir à qui je les dois ! tant pis pour qui s'en inquiète ! Passer ainsi la vie à chamailler, c'est peser sur le collier sans relâche, comme les malheureux chevaux de la remonte des fleuves qui ne reposent pas, même quand ils s'arrêtent, et qui tirent toujours quoiqu'ils cessent de marcher. Nous attendrons… ←
 
Tu parles d'or, maman, et je me tiens à ton avis.
Qu'on est sot en effet ! il y a des mille mille ans que le
monde roule ; et dans cet océan de durée où j'ai par
hasard attrapé quelques chétifs trente ans qui ne revien-
dront plus, j'irais me tourmenter pour savoir à qui je
les dois ! tant pis pour qui s'en inquiète. Passer ainsi la
vie à chamailler, c'est peser sur le collier sans relâche,
comme les malheureux chevaux de la remonte des fleuves,
qui ne reposent pas, même quand ils s'arrêtent, et qui
tirent toujours quoiqu'ils cessent de marcher. Nous
attendrons. ←
Le Comte
 
LE COMTE.
Sot événement qui me dérange !
 
Sot événement qui me dérange !
Brid'oison, à Figaro.
 
Brid'oison, à Figaro.
Et la noblesse et le château ? vous impo-osez à la justice ?
 
Et la noblesse et le château ? vous impo-osez à la
justice ?
Figaro
 
FFIGARO.
Elle allait me faire faire une belle sottise, la justice ! après que j'ai manqué, pour ces maudits cent écus, d'assommer vingt fois monsieur, qui se trouve aujourd'hui mon père ! Mais, puisque le Ciel à sauvé ma vertu de ces dangers, mon père, agréez mes excuses… Et vous, ma mère, embrassez-moi… le plus maternellement que vous pourrez.
 
Elle allait me faire faire une belle sottise, la justice !
après que j'ai manqué, pour ces maudits cent écus,
d'assommer vingt fois Monsieur, qui se trouve aujourd'hui
mon père ! mais, puisque le ciel à sauvé ma vertu de
ces dangers, mon père, agréez mes excuses… Et
vous, ma mère, embrassez-moi… le plus maternel-
lement que vous pourrez.
(Marceline lui saute au cou.)
 
(Marceline lui saute au cou.)
SCÈNE XVII
 
SCENE XVII.
Bartholo, Figaro, Marceline, Brid’oison, Suzanne, Antonio, le Comte.
 
BARTHOLO, FIGARO, MARCELINE,
BRID'OISON, SUZANNE, ANTONIO,
LE COMTE.
Suzanne, accourant une bourse à la main.
 
SUZANNE, accourant une bourse à la main.
Monseigneur, arrêtez ; qu'on ne les marie pas : je viens payer madame avec la dot que ma maîtresse me donne.
 
Monseigneur, arrêtez ; qu'on ne les marie pas :
je viens payer Madame avec la dot que ma maîtresse
me donne.
Le Comte, à part.
 
LE COMTE, à part.
Au diable la maîtresse ! Il semble que tout conspire…
 
Au diable la maîtresse ! Il semble que tout conspire…
(Il sort.)
 
(Il sort.)
SCÈNE XVIII
 
FSCENE XVIII.
Bartholo, Antonio, Suzanne, Figaro, Marceline, Brid’oison.
 
BARTHOLO, ANTONIO, SUZANNE,
FIGARO, MARCELINE, BRID'OISON.
Antonio, voyant Figaro embrasser sa mère, dit à Suzanne.
 
ANTONIO, voyant Figaro embrasser sa mère,/dit à Suzanne.
Ah ! oui, payer ! Tiens, tiens.
 
Ah ! oui, payer ! Tiens, tiens.
Suzannese retourne.
 
SUZANNE se retourne.
J'en vois assez : sortons, mon oncle.
 
J'en vois assez ; sortons, mon oncle.
Figaro, l'arrêtant.
 
FIGARO, l'arrêtant.
Non, s'il vous plaît. Que vois-tu donc ?
 
Non, s'il vous plaît. Que vois-tu donc ?
Suzanne
 
SUZANNE.
Ma bêtise et ta lâcheté.
 
Ma bêtise et ta lâcheté.
Figaro
 
FIGARO.
Pas plus de l'une que de l'autre.
 
Pas plus de l'une que de l'autre.
Suzanne, en colère.
 
SUZANNE en colère.
Et que tu l'épouses à gré, puisque tu la caresses.
 
Et que tu l'épouses à gré, puisque tu la caresses.
Figaro, gaiement.
 
FIGARO, gaiement.
Je la caresse ; mais je ne l'épouse pas.
 
Je la caresse ; mais je ne l'épouse pas.
(Suzanne veut sortir, Figaro la retient.)
 
(Suzanne veut sortir, Figaro la retient.)
Suzannelui donne un soufflet.
 
SUZANNE lui donne un soufflet.
Vous êtes bien insolent d'oser me retenir !
 
Vous êtes bien insolent d'oser me retenir !
Figaro, à la compagnie.
 
FIGARO, à la compagnie.
C'est-il çà de l'amour ? Avant de nous quitter, je t'en supplie, envisage bien cette chère femme-là.
 
C'est-il çà de l'amour ? Avant de nous quitter, je
t'en supplie, envisage bien cette chère femme-là.
Suzanne
 
SUZANNE.
Je la regarde.
 
Je la regarde.
Figaro
 
FFIGARO.
Et tu la trouves ?
 
Et tu la trouves ?
Suzanne
 
SUZANNE.
Affreuse.
 
Affreuse.
Figaro
 
FIGARO.
Et vive la jalousie ! elle ne vous marchande pas.
 
Et vive la jalousie ! elle ne vous marchande pas.
Marceline, les bras ouverts.
 
MARCELINE, les bras ouverts.
Embrasse ta mère, ma jolie Suzanette. Le méchant qui te tourmente est mon fils.
 
Embrasse ta mère, ma jolie Suzanette. Le méchant
qui te tourmente est mon fils.
Suzannecourt à elle.
 
SUZANNE court à elle.
Vous sa mère ! (Elles restent dans les bras l'une de l'autre.)
 
Vous sa mère ! (elles restent dans les bras l'une de
l'autre.)
Antonio
 
ANTONIO.
C'est donc de tout à l'heure ?
 
C'est donc de tout à l'heure ?
Figaro
 
FIGARO.
…Que je le sais.
 
…Que je le sais.
Marceline, exaltée.
 
MARCELINE exaltée.
Non, mon cœur entraîné vers lui ne se trompait que de motif ; c'était le sang qui me parlait.
 
Non, mon cœur entraîné vers lui ne se trompait que
de motif ; c'était le sang qui me parlait.
Figaro
 
FIGARO.
Et moi le bon sens, ma mère, qui me servait d'instinct quand je vous refusais, car j'étais loin de vous haïr ; témoin l'argent…
 
Et moi, le bon sens, ma mère, qui me servait d'ins-
tinct quand je vous refusais, car j'étais loin de vous haïr ;
témoin l'argent…
Marcelinelui remet un papier.
 
MARCELINE lui remet un papier.
Il est à toi : reprends ton billet, c'est ta dot.
 
Il est à toi : reprends ton billet, c'est ta dot.
Suzannelui jette la bourse.
 
SUZANNE lui jette la bourse.
Prends encore celle-ci.
 
Prends encore celle-ci.
Figaro
 
FIGARO.
Grand merci.
 
Grand merci.
Marceline, exaltée.
 
FMARCELINE exaltée.
Fille assez malheureuse, j'allais devenir la plus misérable des femmes et je suis la plus fortunée des mères ! Embrassez-moi, mes deux enfants ; j'unis dans vous toutes mes tendresses. Heureuse autant que je puis l'être, ah ! mes enfants, combien je vais aimer !
 
Fille assez malheureuse, j'allais devenir la plus misé-
rable des femmes, et je suis la plus fortunée des mères !
Embrassez-moi, mes deux enfans ; j'unis dans vous toutes
mes tendresses. Heureuse autant que je puis l'être, ah !
mes enfans, combien je vais aimer !
Figaro, attendri, avec vivacité.
 
FIGARO attendri; avec vivacité.
Arrête donc, chère mère ! arrête donc ! voudrais-tu voir se fondre en eau mes yeux noyés des premières larmes que je connaisse ? elles sont de joie, au moins. Mais quelle stupidité ! j'ai manqué d'en être honteux : je les sentais couler entre mes doigts, regarde ; (Il montre ses doigts écartés.) et je les retenais bêtement ! va te promener, la honte ! je veux rire et pleurer en même temps ; on ne sent pas deux fois ce que j'éprouve. (Il embrasse sa mère d'un côté, Suzanne de l'autre.)
 
Arrête donc, chère mère ! arrête donc ! voudrais-tu
voir se fondre en eau mes yeux noyés des premières
larmes que je connaisse ? elles sont de joie, au moins.
Mais quelle stupidité ! j'ai manqué d'en être honteux :
je les sentais couler entre mes doigts, regarde ; (il montre
ses doigts écartés)
et je les retenais bêtement ! vas te pro-
mener la honte ! je veux rire et pleurer en même temps ;
on ne sent pas deux fois ce que j'éprouve. (il embrasse
sa mère d'un côté, Suzanne de l'autre.)
(Bartholo, Antonio, Suzanne, Figaro, Marceline, Brid'oison.)
 
Bartholo.
Antonio.
Suzanne.
Figaro.
Marceline.
Brid'oison.
Marceline
 
MARCELINE.
Ô mon ami !
 
O mon ami !
Suzanne
 
SUZANNE.
Mon cher ami !
 
Mon cher ami !
Brid'oison, s'essuyant les yeux d'un mouchoir.
 
Brid'oisons'essuyant les yeux d'un mouchoir.
Eh bien ! moi ! je suis donc bê-ête aussi !
 
Eh bien ! moi ! je suis donc bê-ête aussi !
Figaro, exalté.
 
FIGARO exalté.
Chagrin, c'est maintenant que je puis te défier : atteins-moi, si tu l'oses, entre ces deux femmes chéries.
 
Chagrin, c'est maintenant que je puis te défier ; atteins-
moi, si tu l'oses, entre ces deux femmes chéries.
Antonio, à Figaro.
 
ANTONIO, à Figaro.
Pas tant de cajoleries, s'il vous plaît. En fait de mariage dans les familles, celui des parents va devant, savez. Les vôtres se baillent-ils la main ?
 
Pas tant de cajoleries, s'il vous plaît. En fait de mariage
dans les familles, celui des parens va devant, savez. Les
vôtres se baillent-ils la main ?
Bartholo
 
FBARTHOLO.
Ma main ! puisse-t-elle se dessécher et tomber, si jamais je la donne à la mère d'un tel drôle !
 
Ma main ! puisse-t-elle se dessécher et tomber, si jamais
je la donne à la mère d'un tel drôle !
Antonio, à Bartholo.
 
ANTONIO, à Bartholo.
Vous n'êtes donc qu'un père marâtre ? (À Figaro.) En ce cas, not' galant, plus de parole.
 
Vous n'êtes donc qu'un père marâtre ? (à Figaro)
En ce cas, not' galant, plus de parole.
Suzanne
 
SUZANNE.
Ah ! mon oncle…
 
Ah ! mon oncle…
Antonio
 
ANTONIO.
Irai-je donner l'enfant de not' sœur à sti qui n'est l'enfant de personne ?
 
Irai-je donner l'enfant de not' sœur à sti qui n'est
l'enfant de personne ?
Brid'oison
 
Brid'oison.
Est-ce que cela-a se peut, imbécile ? on-on est toujours l'enfant de quelqu'un.
 
Est-ce que cela-a se peut, imbécille ? on-on est tou-
jours l'enfant de quelqu'un.
Antonio
 
ANTONIO.
Tarare !… il ne l'aura jamais. (Il sort.)
 
Tarare !… il ne l'aura jamais. (il sort.)
SCÈNE XIX
 
SCENE XIX.
Bartholo, Suzanne, Figaro, Marceline, Brid’oison.
 
BARTHOLO, SUZANNE, FIGARO,
MARCELINE, BRID'OISON.
Bartholo, à Figaro.
 
BARTHOLO, à Figaro.
Et cherche à présent qui t'adopte. (Il veut sortir.)
 
Et cherche à présent qui t'adopte. (il veut sortir.)
Marceline, courant prendre Bartholo à bras le corps, le ramène.
 
MARCELINE courant prendre Bartholo à bras/le corps, le ramène.
Arrêtez, docteur, ne sortez pas.
 
Arrêtez, Docteur, ne sortez pas.
Figaro, à part.
 
FIGARO, à part.
Non, tous les sots d'Andalousie sont, je crois, déchaînés contre mon pauvre mariage !
 
Non, tous les sots d'Andalousie sont, je crois,
déchaînés contre mon pauvre mariage !
(Suzanne, Bartholo, Marceline, Figaro, Brid'oison.)
 
Suzanne.
Bartholo.
Marceline.
Figaro.
Brid'oison.
Suzanne, à Bartholo.
 
FSUZANNE, à Bartholo.
Bon petit papa, c'est votre fils.
 
Bon petit papa, c'est votre fils.
Marceline, à Bartholo.
 
MARCELINE, à Bartholo.
De l'esprit, des talents, de la figure.
 
De l'esprit, des talens, de la figure.
Figaro, à Bartholo.
 
FIGARO, à Bartholo.
Et qui ne vous a pas coûté une obole.
 
Et qui ne vous a pas coûté une obole.
Bartholo
 
BARTHOLO.
Et les cent écus qu'il m'a pris ?
 
Et les cent écus qu'il m'a pris ?
Marceline, le caressant.
 
MARCELINE, le caressant.
Nous aurons tant de soin de vous, papa !
 
Nous aurons tant de soin de vous, papa !
Suzanne, le caressant.
 
SUZANNE, le caressant.
Nous vous aimerons tant, petit papa !
 
Nous vous aimerons tant, petit papa !
Bartholo, attendri.
 
BARTHOLO, attendri.
Papa ! bon papa ! petit papa ! voilà que je suis plus bête encore que Monsieur, moi. (Montrant Brid'oison.) Je me laisse aller comme un enfant. (Marceline et Suzanne l'embrassent.) Oh ! non, je n'ai pas dit oui. (Il se retourne.) Qu'est donc devenu Monseigneur ?
 
Papa ! bon papa ! petit papa ! voilà que je suis plus
bête encore que Monsieur, moi. (montrant Brid'oison)
Je me laisse aller comme un enfant. (Marceline et Suzanne
l'embrassent)
Oh ! non, je n'ai pas dit oui. (il se retourne)
Qu'est donc devenu Monseigneur ?
Figaro
 
FIGARO.
Courons le joindre ; arrachons-lui son dernier mot. S'il machinait quelqu'autre intrigue, il faudrait tout recommencer.
 
Courons le joindre ; arrachons-lui son dernier mot.
S'il machinait quelqu'autre intrigue, il faudrait tout
recommencer.
TOUS ENSEMBLE
 
TOUS ENSEMBLE.
Courons, courons.
 
Courons, courons.
(Ils entraînent Bartholo dehors.)
 
(Ils entraînent Bartholo dehors.)
SCÈNE XX
 
SCENE XX.
Brid’oison, seul.
 
BRID'OISON seul.
Plus bê-ête encore que Monsieur ! On peut se dire à soi-même ces-es sortes de choses-là, mais… I-ils ne sont pas polis du tout dan-ans cet endroit-ci. (Il sort.)
 
Plus bê-ête encore que Monsieur ! on peut se dire à
soi-même ces-es sortes de choses-là, mais… i-ils ne sont
pas polis du tout dan-ans cet endroit-ci. (il sort.)
Fin du troisième acte.
 
Fin du troisième Acte.